Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Le tribunal de Annaba a ordonné hier, en fin de journée, l'arrêt de la grève. Un débrayage, déclenché hier à 5 h au niveau de toutes les installations et unités du complexe sidérurgique ArcelorMittal d'El Hadjar (Annaba), et suivi par l'ensemble des 6 200 travailleurs, exprimant ainsi leur soutien et leur adhésion à la démarche initiée par leur syndicat. Hier, à part le service minimum qui continue à être assuré, le complexe était complètement paralysé, les salariés étaient à leurs postes ou rassemblés devant leurs unités refusant de travailler. Ateliers, unités, installations, haut-fourneau, unités portuaires, services commerciaux, tout était à l'arrêt. Plus de fumée qui s'échappe des cheminées, plus de bruits, des machines silencieuses, plus d'activités ni de mouvement dans une usine qui tournait à plein régime il y a à peine quelques heures. Lors de notre visite au complexe, nous avons constaté que les travailleurs étaient rassemblés en petits groupes discutant de la situation et des derniers développements ayant entraîné ce mouvement de grève. «C'est la direction qui est responsable de tout cela, nous ne demandons qu'à travailler. D'ailleurs, comme vous le voyez, on est là», lance un des ouvriers en combinaison de travail. «Qu'elle applique la convention de branches et qu'elle augmente nos salaires comme nous l'avons demandé et le problème est réglé.» Selon un autre, cette grève tombe mal au vu de la situation sur les plans production et finances mais cela n'est pas le problème des travailleurs : «Nous travaillons et nous produisons, nous sommes mobilisés 24h/24 avec 3 équipes. S'il y a des problèmes financiers, c'est leur gestion qui n'est pas bonne et on n'est pas près de supporter cela, qu'ils nous augmentent et on se remet au travail.» Selon nos informations, les pertes occasionnées au complexe en une seule journée de grève se chiffrent à 700 000 dollars, en plus des désagréments causés aux clients avec lesquels l'usine a pris des engagements contractuels. Les premiers effets de la grève se font déjà sentir au niveau du port de Annaba où un bateau à destination de l'Espagne est à quai attendant d'être chargé de 4 000 tonnes de fonte en gueuse destinées à l'exportation. Demain, un autre bateau, venant de Pologne, chargé de 13 000 tonnes de coke destinées à l'alimentation du haut-fourneau, devrait accoster. «Le déchargement ne se fera pas tant que la direction n'aura pas satisfait les revendications formulées dans la plate-forme transmise à l'employeur», a déclaré Smaïn Kouadria, secrétaire général du syndicat ArcelorMittal. Le 25 juin, c'est une autre cargaison de 22 000 tonnes de coke qui devra attendre au niveau du port tant que la situation reste bloquée. Toutes les ventes d'acier au niveau local et national sont suspendues faute de travailleurs. Les livraisons, les enlèvements, la facturation et autres activités sont paralysées. Hier, une file interminable de camions semi-remorques attendait en vain devant le grand portail du complexe pour enlever des marchandises commandées auparavant ; les portes sont restées désespérément closes et des chauffeurs, visiblement très mécontents, ont dû rebrousser chemin pestant contre cette situation qui les empêche de travailler. Le meeting tenu par le secrétaire général du syndicat auquel ont assisté plus de 2 000 grévistes a été l'occasion pour les travailleurs d'exprimer une fois de plus leur soutien à leurs représentants. «Nous avons laissé le temps à la direction d'étudier notre plate-forme de revendications ; nous avons entamé des négociations depuis plus d'un mois sans résultat malgré notre disposition et notre bonne volonté à trouver un terrain d'entente. Celle-ci s'est entêtée et a campé sur ses positions refusant et rejetant notre demande. Restons donc mobilisés autour de notre objectif ; c'est le moment de resserrer les rangs et de soutenir le syndicat qui est là pour vous défendre et défendre vos intérêts», avait martelé Smaïn Kouadria. De son côté, la direction n'a pas baissé les bras et continue contre vents et marées à défendre sa position, maintenant ses déclarations quant à l'illégalité de la grève : non-respect de la procédure prévue : absence du P-V de non-conciliation qui devait être délivré par l'inspection du travail et vote à main levée alors qu'il devait se faire à bulletins secrets. Pour ces motifs, l'employeur a porté plainte hier auprès du tribunal d'El Hadjar et l'affaire a été enrôlée en référé. En fin de journée le tribunal a ordonné l'arrêt de la grève. Contacté, M. Kouadria nous indiquera qu'il n'a pas été destinataire de la décision du tribunal. Mais, tout en estimant que «le jugement a été rendu à la hâte», il dira qu'il convoquera une assemblée générale, aujourd'hui à 10h, pour en informer les travailleurs et leur demander de voter «pour» ou «contre» la poursuite de la grève.