Il y a du soleil, il y a des artistes qui ne demandent qu'à travailler et un public qui ne demande qu'à les voir faire. C'est les ingrédients nécessaires pour une animation non-stop. Les organisateurs d'événements artistiques ne peuvent rêver mieux : le temps au «beau fixe» durant trois mois, et même plus dans ce pays dont l'importance du capital soleil n'a d'égale que la modicité de son exploitation en tant qu'énergie propre et renouvelable. Elle est inversement proportionnelle. Mais ce n'est pas uniquement l'énergie solaire qui est sous-exploitée. Artistes et publics restent sur leur faim dans ce vaste pays où la culture n'arrive toujours pas à sortir du creux de la vague, sauf à l'occasion d'événements ponctuels et/ou conjoncturels. «Nous avons une culture de circonstance», avait affirmé fort à propos une responsable locale de la culture. Pourtant, si on a désigné la longue journée du 21 juin, solstice d'été, pour la fête de la musique, c'est bien pour marquer l'ouverture d'une saison propice aux animations festives. Dans les pays où cette journée a été adoptée, les artistes sortent en solo ou en groupe pour animer les rues des villes, les places publiques et les squares. Les gens ont l'embarras du choix. Ils peuvent s'arrêter là où ils veulent pour écouter de la musique, admirer une installation ou regarder une performance, sans rien payer, si ce n'est le sandwich ou la bière qu'ils dégusteront sur la terrasse du café d'où ils pourront suivre les prestations des artistes. Les habitants des grandes villes de ces pays ont même découvert une nouvelle forme de défoulement collectif et spontané, le flash mob. Ce n'est pas demain la veille qu'on verra nos rues s'animer de la sorte. Le moindre spectacle de rue nécessite tout un montage qui découragerait le plus entreprenant des organisateurs, quand il s'en trouve ! A notre proposition d'inviter un groupe d'artistes pour une performance sur une place d'Alger, le responsable de l'institution attenante à cette place et à laquelle devait profiter ce spectacle pour mieux se faire connaître du public nous répondra que c'est impossible parce qu'il faut d'abord avoir l'autorisation des services de sécurité, et il était peu probable de l'obtenir car les rassemblements publics sont interdits… Mais il n'a pas fait l'effort de demander cette fameuse autorisation, préférant laisser l'institution dont il a la charge dans l'ombre, d'où elle ne sortira que lorsque le ministère de la Culture ou une autre institution officielle y programmera un quelconque salon ou exposition que viendra visiter un public sur invitation. L'exemple de ce responsable n'est pas unique. Preuve en est, sauf de rares exceptions, aucune place dans aucune ville d'Algérie ne s'est faite scène pour donner au quartier des airs de fête. Nos rues sont aussi moroses l'été que l'hiver. Pourtant, il y a bien des directions dans toutes les wilayas, des offices dans certaines communes, des associations dans presque toutes les villes du pays et nombre d'institutions dont la raison d'être est la promotion de la culture à travers une animation artistique de proximité. Mais de culture de proximité, il n'y en a point. Il est bien souvent difficile, voire impossible, de trouver quoi se mettre sous la dent. Programmer une soirée théâtre, cinéma ou simplement au coup de pot, relève de la gageure. Combien de fois avons-nous entendu des jeunes et des parents se plaindre de n'avoir où aller ! Mais est-ce que les responsables de toutes ces institutions les entendent ? Rien n'est moins sûr, sinon ils auraient fait quelque chose ou, mieux, ils auraient laissé faire, même encouragé, tous ceux qui pourraient porter la culture sur toutes les scènes et même en improviser. H. G.