Photo : Riad Par Hassan Gherab Il n'y a rien de plus barbant que l'histoire, telle qu'elle est enseignée dans nos écoles du moins. Pourtant, on ne se lasse pas d'écouter un ancien maquisard racontant telle bataille, opération ou fait d'armes auxquels il a participé. On ne peut s'empêcher d'admirer le courage de ces hommes qui, sans rien demander ni attendre, ont bravé la mort pour l'idéal de tout un peuple, tout un pays. On ne peut s'empêcher d'admirer cet éveil de la conscience chez ces militants, des fois à peine sortis de l'enfance, qui ont fait du sacrifice de soi et du courage une cuirasse que rien n'entamait, qu'aucune arme ne perçait, même la plus abjecte, la torture. Et quand on nous racontait ces tortures, on apprenait à haïr le colonialisme, le colonisateur et tous leurs crimes qu'on ne peut oublier ni pardonner. D'autres acteurs de la guerre de libération ont préféré, eux, coucher leurs témoignages sur papier. Ils ont écrit des livres. C'est tangible et durable. La mémoire est versatile et oublieuse. La naissance du mouvement national, les pères de la guerre de libération, les penseurs de la révolution, les politiques, les militaires, les batailles, les martyrs, les services secrets… On a écrit sur tout. Mais on n'a pas tout écrit. De toute façon, ne voient ces voiles qui recouvrent des périodes de notre histoire que ceux qui s'y intéressent et lisent tous les livres et témoignages publiés, lesquels, généralement, ont, eux aussi, pris part à la révolution. Quant aux jeunes, il y a belle lurette qu'ils ne lisent plus. Et ce n'est pas l'école qui éveillera en eux l'intérêt pour leur passé commun qu'ils savent, certes, glorieux mais cependant sujet à débat, voire polémique, ce qui n'est pas fait pour les encourager à lire des livres. Dès lors, il s'agit de s'adresser à tous ces jeunes à travers d'autres canaux. L'image est à ce propos le meilleur véhicule. Cinéma et télévision l'ont compris très tôt. De nombreux films ont été tournés. De l'Opium et le Bâton, à la Bataille d'Alger, en passant par Patrouille à l'Est, le Vent du Sud, le Moulin de Ferrero, Chronique des années de braise (Palme d'or 1975) et bien d'autres que nous ne pouvons tous citer, les cinéastes algériens ont tenté de traduire en images la misère et les souffrances du peuple algérien sous le colonialisme, sa résistance, ses sacrifices, le courage des moudjahidine et fiddayin… enfin tout ce qui fait la grandeur et la gloire de la guerre de libération. Ces films ont eu beaucoup de succès en leur temps. Certains ont toujours la cote. Mais ils ne font plus recette en termes d'impact, d'autant plus que, pour cause d'indisponibilité de salles, ils ne sont plus diffusés au cinéma, mais seulement sur le petit écran que les téléspectateurs réservent souvent aux chaînes étrangères. Le défi est donc de reconquérir tous ces consommateurs d'images et le seul moyen de le faire est de leur proposer un produit qui leur parle. Des films ont été réalisés ces dernières années sur des héros de la guerre de libération. Mais ils ne tournent pas. La distribution et les salles de cinéma font défaut, et quand bien même ils seraient largement diffusés, rien ne dit qu'ils auraient grande audience. Les repères, l'échelle de valeurs, le langage et les canons ont changé, alors que ces productions cinématographiques sont, elles, restées sur des modèles surannés. Aussi ne peuvent-elles accrocher les jeunes générations. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre l'exemple du géant du cinéma, Hollywood, dont les majors ont réussi à vendre les guerres américaines dans le monde entier. Mais si Francis Ford Coppola a signé avec Apocalypse now (Palme d'or 1979) un énorme succès sur la guerre du Vietnam, il est peu probable, s'il devait traiter du même sujet, qu'il le fasse de la même manière et produise le même film. Il se mettrait au diapason avec les nouvelles donnes, ce qu'a fait Kathryn Bigelow avec The Hurt Locker (Démineurs, Oscar 2010 du meilleur film) sur la guerre en Irak. Nos cinéastes devraient donc prendre exemple sur cette démarche et adopter une nouvelle vision et approche, s'ils veulent donner à leurs productions une chance d'accrocher les jeunes générations. Et les options sont nombreuses. Le petit Omar, par exemple, a tout du héros dont un bon cinéaste pourrait faire un bon film. On peut aussi penser à présenter l'histoire en bande dessinée et en dessins animés pour la mettre à la portée des enfants. Il n'y a rien d'insultant ni de réducteur pour la mémoire. L'art peut conter l'histoire, et le beau ne peut en aucun cas enlaidir ou rabaisser le noble et le glorieux, bien au contraire. L'art n'avilit pas l'histoire ni la travestit. Seuls les hommes le font, par calcul ou par ignorance…