Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Au départ, ce fut un soutien infaillible et à toute épreuve de la part de la Centrale syndicale UGTA qui encouragea le secrétaire général du syndicat d'entreprise ArcelorMittal à aller de l'avant pour exiger de la direction du complexe sidérurgique l'application de la convention de branches. Celui-ci avait alors mobilisé ses troupes autour de cet objectif et avait convaincu les quelque 6 200 travailleurs de le suivre dans cette démarche. Négociations avec la direction, assemblée générale, vote pour la grève, dépôt d'un préavis de 8 jours au bout desquels une grève générale et illimitée serait déclenchée si les négociations n'aboutissaient pas. Le secrétaire général du syndicat avait le vent en poupe et les autres secteurs affiliés à l'UGTA lui avaient apporté leur soutien et même Louisa Hanoune du Parti des travailleurs s'était dit solidaire de cette action visant à défendre la classe ouvrière. Tout allait tel que les travailleurs le souhaitaient et on s'acheminait vers un déroulement normal de l'opération. Mais un premier couac est venu freiner quelque peu la machine syndicale mise en branle. L'Inspection du travail n'avait pas délivré le procès-verbal de non-conciliation, document important pour la poursuite du processus conduisant à la grève. Le syndicat est passé outre et a, contre toute attente, appelé à la grève, considérant que le document en question n'ayant pas été transmis, cela équivalait à une non-conciliation des deux parties en conflit. La seconde fausse note est venue de la direction, d'habitude discrète et réservée, qui a (re)découvert les vertus de la communication. Un bulletin info spécial avait été diffusé et placardé dans tous les ateliers et unités du complexe pour informer les travailleurs de la situation réelle du complexe. Ce qui avait été à l'origine d'une fronde dans les milieux ouvriers et des centaines de travailleurs refusaient de suivre le mouvement, craignant que cela n'aboutisse à rien avec en plus une retenue sur salaire pour les jours de grève, une retenue qui vient mal à propos en cette période estivale. Ce deuxième obstacle franchi parce que la solidarité entre travailleurs avait joué, le syndicat est allé à la grève envers et contre tout et toutes les installations avaient bel et bien été paralysées dès 5 heures du matin le 21 juin. Opération réussie pour le syndicat malgré les critiques qui affluaient de toutes parts et les recommandations du wali qui avait conseillé au syndicat de ne pas aller à la grève et de privilégier le dialogue et la concertation. Le troisième incident avait donné lieu à bien des interrogations ; il s'agit de l'envoi par la Centrale syndicale de deux hauts cadres pour officiellement assister le syndicat local dans la gestion du mouvement de grève, ce qui était pour le moins inhabituel parce que jamais auparavant l'UGTA ne s'était immiscée dans l'un des nombreux conflits qui avaient émaillé les relations syndicat d'entreprise-direction. Nous avions rapporté dans ces mêmes colonnes que la présence de ces deux cadres était une mise à l'écart déguisée, ce qui, plus tard, se confirmera. En effet, au premier jour de la grève, la direction avait porté plainte et la justice avait ordonné la reprise immédiate du travail, ce qui n'avait pas été suivi d'effet puisque le syndicat n'avait pas appelé les travailleurs à rejoindre leurs postes. Une assemblée générale avait été tenue le lendemain pour faire voter la reprise (ou non) et les travailleurs avaient préféré poursuivre le mouvement. Là, la situation allait se dégrader sérieusement et l'Union de wilaya sur instruction de la Centrale syndicale intervint pour appeler les travailleurs à reprendre ; le syndicat prit le train en marche et fit de même mais sans grande conviction. A contrecœur, les ouvriers avaient effectivement repris à une cadence qui n'était pas celle des «grands jours». La réaction du secrétaire général ne s'est pas fait attendre, il accusa la Centrale de l'avoir trahi et d'avoir trahi les travailleurs qui croyaient en ses principes, et démissionna de son poste. Très vite, la situation s'est dégradée et des arrêts de travail sont observés sporadiquement au niveau des différentes unités du complexe. Les travailleurs voulaient ainsi exprimer leur soutien au secrétaire général déchu et ne reconnaissaient aucun autre à sa place, ce qui l'a amené à revenir sur sa démission. Il faut dire que l'homme s'est forgé au fil des ans un charisme et un prestige tels que l'ensemble des travailleurs le soutiennent envers et contre tout. La Centrale syndicale, en agissant de la sorte et en écartant indirectement et sans ménagement l'un de ses hommes les plus influents au niveau du complexe sidérurgique, a commis l'irréparable. Les milliers d'ouvriers n'y croient plus et l'un des bastions imprenable de l'UGTA est en train de vaciller et peut d'un jour à l'autre basculer du côté des syndicats autonomes. L'UGTA, selon des analystes, a fait un virage à 180 degrés, un virage forcé et dicté par des considérations purement économiques. Il fallait à tout prix sécuriser l'investisseur et le mettre en confiance pour qu'il puisse investir encore plus ; c'est aussi un signal fort aux investisseurs étrangers qui veulent s'implanter en Algérie où actuellement les IDE se comptent sur les doigts. Mais l'UGTA n'a-t-elle pas payé un prix trop élevé pour cela, la Centrale syndicale a risqué gros.