De notre envoyée spéciale à Tikjda (Bouira) Amel Bouakba A Tikjda, sur les hauteurs du Djurdjura, on (re)découvre les merveilles de la nature, une verdure flamboyante dans toute sa splendeur. Une véritable bouffée d'oxygène pour nous autres citadins qui nous revivifie le temps d'une journée, loin des bruits assourdissants et du stress de la capitale. Longtemps évité par les touristes pour des raisons de sécurité, cet endroit paradisiaque renoue avec la quiétude d'antan. Il attire de nombreux amateurs de tourisme en montagne, les spéléologues, les randonneurs et tous les passionnés d'alpinisme et de la nature. Située au cœur du Parc national du Djurdjura, classé patrimoine mondial de la biosphère par l'Unesco, cette station parfaitement adaptée au tourisme et aux sports de montagne sera proposée pour son classement en «zone d'extension touristique». L'idée du Touring Club Algérie (TCA) d'organiser une sortie à Tikjda ne pouvait mieux tomber. Pionnier dans le domaine des voyages organisés, le TCA, un opérateur de tourisme public, initie ainsi des virées au profit de son personnel et de ses adhérents. Une opération-pilote a été lancée récemment à Tikjda. Une manière de découvrir les paysages aux multiples facettes de l'Algérie. Mais aussi d'apprendre aux enfants à aimer la nature, leur inculquer cette passion, les initier à prendre soin de l'environnement, tout en savourant le plaisir de découvrir les merveilles de la nature. Dans cette région, la nature explose avec une profusion de couleurs et d'espèces de faune et de flore. Notre guide touristique, consultant au TCA, M. Mohamed Beloud, a l'art et la manière de parler environnement et de nous transporter dans un univers fascinant. Il est en totale communion avec la nature. C'est un mordu d'écologie. Rien ne lui échappe. Il veut à tout prix transmettre cette passion de la nature aux enfants et éveiller en eux l'amour pour la montagne. Tikdja, dit-il, a inspiré bien des artistes et des écrivains. «Roger Frison-Roche, explorateur et écrivain français, était un amoureux de cette région», dit-il, rappelant son célèbre ouvrage Le Versant du Soleil. Des espèces végétales et animales en voie de disparition «Le TCA lance tout un programme de sorties thématiques en plein air», explique Redouane Kaddour, chargé de communication auprès de cet opérateur national de tourisme. Cette sortie à Tikjda est organisée dans le cadre de la Journée mondiale de la biodiversité. Histoire d'initier les randonneurs à l'écotourisme ou au tourisme vert. C'est une des formes très à la mode du tourisme durable axé sur la découverte de la nature, les écosystèmes, mais aussi agrosystèmes et tourisme rural, et même l'écologie urbaine (jardins écologiques, espaces verts écologiques, réserves naturelles urbaines et autres sujets du domaine de l'écologie urbaine). L'écotourisme doit aider à prendre conscience de la nécessité de la conservation du patrimoine écologique. Il vise aussi à impliquer à la fois les populations locales d'accueil et les touristes, dans la préservation de leur capital naturel et culturel. Notre guide nous explique que Tikjda est une destination écotouristique par excellence. C'est un site naturel préservé qui présente de nombreux attraits liés à la faune, la flore et à la biodiversité. Tout au long de notre surprenante promenade, il nous livre diverses informations sur les espères végétales et animales du site. Il nous apprend comment devenir des écotouristes (touriste pratiquant l'écotourisme), comment apprécier et comprendre les écosystèmes et contribuer à leur conservation, sans prélèvement, sans agression de la nature et en s'engageant à respecter l'environnement. Et surtout comment concilier l'art de la découverte, du plaisir et de la nature. Tikjda est un site féerique et magique qui regorge d'espèces végétales et animales rares menacées de disparition. D'une superficie de 18 850 ha, soit une longueur de 50 km sur une largeur de 10 km, Tikjda renferme une diversité floristique et faunistique inestimable (990 espèces, dont 33 protégées par la loi, comme le pin noir (pinus nigra), le sapin de Numidie. Il recèle d'espèces animales rares (1 475), comme le singe magot (macaca sylvanus) ou le gypaète barbu. En tout, 1 286 espèces, soit 40,53% de la flore algérienne est rare à très rare. Ce qui montre qu'il est urgent de mettre en place des actions de conservation. D'autre part, 226 espèces menacées d'extinction bénéficient d'une protection légale (décret n° 93–285 du 23 novembre 1993). De même, on estime à plus de 70 espèces d'arbres, dont certains sont endémiques et locaux comme le cyprès du Tassili, le sapin de Numidie et le pin noir. SOS magot ! En se promenant au milieu des cèdres et des pins noirs, il n'est pas rare de croiser le singe magot. Seul macaque vivant sur le continent africain à l'état sauvage dans les forêts relictuelles de l'Algérie et du Maroc, ainsi que de manière artificielle sur le rocher de Gibraltar, le magot est protégé par la loi algérienne et par la loi de Washington sur le commerce international des espèces sauvages. Mais en dépit de toutes ces lois, le singe magot est capturé avant d'être clandestinement transféré en Europe pour être vendu à des prix exorbitants. Aujourd'hui, le magot est une espèce menacée d'extinction et il n'en reste plus que quelque 20 000 en milieu naturel, vivant entre l'Algérie et le Maroc. A Tikjda, ces singes vivent en liberté et il est possible d'être en contact direct avec cette espèce animale étonnante. Ça vaut vraiment le détour. La question de la préservation de cette espèce animale se pose avec acuité. «Cette espèce de primate est aujourd'hui plus que jamais en danger», explique Mohamed Beloud. Ce qui l'amènera à mettre l'accent sur l'importance de sensibiliser sur la préservation de toute cette richesse floristique et faunistique car, dit-il, «c'est tout l'équilibre écologique qui est bouleversé avec la disparition des espèces animales et végétales». Il est utile de rappeler également que le phénomène ravageur de dépérissement a sévi jusqu'aux années 90, entraînant une réduction sérieuse de la superficie des subéraies, dont près de la moitié s'est transformée en maquis. Ainsi, la majorité des subéraies se trouvent aujourd'hui dans un état lamentable et une grande partie est destinée à disparaître. D'autre part, incendies d'été, défrichements, absence d'une gestion sylvicole, problèmes phytosanitaires (maladies et parasites), surpâturage, érosion, chasse et braconnage, déforestation sont des menaces permanentes. Le voyage à Tikjda, par une journée d'été se révèle être un moment agréable de joie intense pour ceux qui veulent respirer un bol d'air pur au milieu d'un environnement naturel exceptionnel. Au fil de notre promenade, nous découvrons les différents attraits du site, dont les sources naturelles qui jaillissent directement des entrailles du Djurdjura (il y en a plus de 400). Longtemps abandonnées, situation sécuritaire oblige, les infrastructures d'accueil situées à Tikjda sont en voie d'être réaménagés. Il s'agit notamment de l'hôtel Djurdjura d'une capacité de 200 lits en cours de rénovation. Il en est de même pour le chalet El Kef avec 80 lits, qui doit être rouvert, à partir de septembre, nous dit-on. D'autres structures sont disponibles, entre autres, l'Auberge de jeunes et le Chalet vert, mais doivent nécessairement être rénovées. «Globalement,la capacité d'accueil des établissements de la station climatique de Tikjda devrait atteindre un millier de lits», promettent les autorités de Bouira. Cependant, beaucoup de choses doivent être réaménagées si l'on veut réellement faire de Tikjda un site attrayant aux yeux des touristes et des randonneurs. D'autant plus que ce lieu est idéal pour la pratique de toutes sortes de sports de montagne, tels que le ski, l'alpinisme, les randonnées pédestres. Il est ainsi nécessaire de réparer les télésièges et les téléskis, en panne depuis 1995, pour pouvoir développer le ski, un sport si indispensable à la promotion du tourisme de montagne. Notons, au passage, qu'une équipe d'intervention et de sauvetage en zones difficiles a vu le jour en 2007 à Tikjda, la première du genre à l'échelle nationale. Elle est composée de 25 éléments de la Protection civile, formés par la Fédération algérienne de ski et sports de montagne. Tikjda veut redevenir une destination de prédilection, comme par le passé. Les autorités locales de Bouira veulent mettre sur les rails un certain nombre d'activités pour faire de ce site touristique un lieu hautement attractif. Plusieurs activités se sont déroulées récemment, à l'image du premier Festival culturel et artistique expérimental. La Ligue de wilaya de ski et sports de montagne concocte un riche programme sportif avec, entre autres, l'organisation du premier Festival de la wilaya des sports de montagne. Une journée dans ce paradis suffit à effacer la tension de la journée et permet de jouir des bienfaits immenses du tourisme de haute montage sur le bien-être physique et moral. Une expérience à renouveler avec plaisir.