Lorsque en mai 2004 la FIFA décide d'accorder à l'Afrique du Sud l'organisation de la Coupe du monde de football, beaucoup auront eu une moue qui cachait mal des soubassements racistes et d'arrogance. Comment ce pays austral à peine sorti des affres de l'apartheid pourrait abriter la plus grande manifestation sportive du globe ? Le continent africain, dont l'actualité est régulièrement rythmée par les guerres et les crises humanitaires, est loin des standards imposés par les Européens, gardiens du temple du jeu à onze. Durant les années précédant l'événement, des rumeurs faisaient même état de l'éventuel transfert du Mondial 2010 dans un autre pays. Des personnalités du football, à l'instar de Franz Beckenbauer et de certains cadres de la FIFA, se sont inquiétés de la planification, de l'organisation et du rythme des préparatifs. L'attaque meurtrière du bus de l'équipe du Togo durant la CAN angolaise en janvier 2010 a fini par allonger les rangs des récalcitrants quant à un Mondial version Afrique. Fort heureusement, le président de la FIFA, Sepp Blatter, est resté fidèle à une promesse faite aux fédérations africaines affiliées de donner la chance à l'Afrique en contrepartie de leur appui aux élections pour la présidence de la fédération.Après un mois de compétition jalonné de grandes émotions, le constat s'impose de lui-même : l'Afrique du Sud a gagné son pari. La nation arc-en-ciel, qui a investi 4 milliards d'euros dans le projet, pourrait, avec ce coup de maître, engranger des dividendes à différents niveaux. La sécurité, grand sujet d'inquiétude compte tenu du fort taux de criminalité, qui avait mobilisé 44 000 policiers supplémentaires et 56 tribunaux spéciaux, a été assurée avec réussite. Au-delà des chiffres, une particularité : le fabuleux sens de l'hospitalité de la population sud-africaine, soucieuse de faire tomber les préjugés qui bloquent encore ce pays à l'histoire à la fois riche et complexe. Les chiffres sont éloquents. Avec un million de touristes recensés au mois de juin dernier (25% de plus qu'en 2009) et 3 milliards d'euros d'investissement, les retombées économiques ne devraient pas tarder à se concrétiser avec une augmentation du PIB national, disent les économistes. Plus de 3,1 millions de personnes ont assisté aux 64 matchs, soit une moyenne de 49 670 par match, 92,9% de taux de remplissage des stades et 3 millions de billets vendus. Le Mondial sud-africain se classe au 3ème rang de la plus grande affluence derrière les Etats-Unis, en 1994, et l'Allemagne, en 2006. Le plus beau spectacle du monde a été suivi par des millions de téléspectateurs à travers la planète. Plus de 30 milliards de téléspectateurs en audience cumulée ont regardé ce Mondial. Plus que lors de l'édition précédente de 2006 en Allemagne (26 milliards). En termes d'image, le pays de Jakob Zuma sort renforcé. Nelson Mandela, qui fête aujourd'hui ses 92 ans, pourrait être fier de ses compatriotes. Sa présence à la cérémonie de clôture du Mondial 2010 au Soccer City de Johannesburg avec un sourire radieux sera gardée pour la postérité. L'homme politique le plus populaire de la planète, encore vivant, a réussi, au soir de sa vie, à faire de son pays la fierté du continent. M. B.