De notre envoyé spécial en Afrique du Sud Moumene Belghoul La Coupe du monde de football est dans sa dernière semaine. Les bilans de cette grande compétition commencent à être esquissés. Sous le feu des appréhensions avant l'entame des matchs, le pays de Mandela semble aujourd'hui avoir réussi à tenir son pari. Les critiques les plus acides émanant en grande partie des médias occidentaux se font plus discrètes. De l'avis des dizaines de milliers de supporters venus de tous les pays, cette Coupe du monde embaumée du souffle douillet de l'Afrique est un succès. Le président du comité d'organisation du Mondial 2010, Danny Jordan, en est fier. Il estime que l'atmosphère de ce tournoi est la même que celle ayant prévalu à la libération de Nelson Mandela en 1990. «Nous avons vu, dans notre pays, Noirs et Blancs, être unis. Nous souhaitons revoir le même état d'esprit après la Coupe du monde», a indiqué l'ancien militant de l'ANC qui s'est battu comme un diable pour arracher le droit à l'organisation par son pays. Des stades à la beauté à vous couper le souffle, une ambiance à nulle autre pareille, une hospitalité particulière à l'Afrique. Le pays de Mandela, qui voulait en cette occasion signer le retour définitif dans le concert des nations après les affres de l'apartheid, prouve qu'il est une grande nation. La Coupe du monde de football version africaine a su redonner à la compétition de la FIFA un côté chaleureux typique du continent noir. Pretoria, Cape Town, Durban, Port Elizabeth, des villes accueillantes et chaleureuses. Le Vuvuzela, cette fameuse trompette des stades qui avait fait polémique au début de la compétition est devenu le produit le plus acheté en Afrique du Sud par les touristes. Cependant, la compétition phare du football mondial a eu son côté peu flamboyant. Eric, chauffeur de taxi à Johannesburg, est affirmatif : «Durant ces jours de Mondial, l'esprit est à la fête mais l'après-Coupe du monde sera difficile», affirme-t-il. «Beaucoup de Zimbabwéens et de Nigérians ont profité de la compétition pour entrer illégalement. C'est sûr, après le Mondial, ils s'adonneront au vol et au racket», clamera-t-il, l'air inquiet. «Pour l'heure, nous observons un respect pour Nelson Mandela qui a voulu cette Coupe du monde», ajoute-t-il. Les images de chasse à l'homme qu'a connue son pays il y quelques mois sont encore dans les mémoires. La Coupe du monde en Afrique du Sud n'est pas exempte d'autres facettes plus sombres. Dans ce pays, les contrastes sont saisissants. Direction le township de Langa à dix minutes de Cape Town. De nombreux habitants estiment que l'accession au pouvoir du parti de Mandela, l'ANC, est loin d'avoir tenu toutes ses promesses. Les déçus du Mondial sont plus nombreux qu'on ne l'imagine. La fièvre de la Coupe du monde n'est pas vraiment palpable dans les rues de Langa. Les partenaires de la FIFA n'ont pas réservé d'emplacement publicitaire. Il n'y a pas de drapeaux sud-africains accrochés aux antennes des voitures. Et il n'y a pas d'écran géant retransmettant les matchs. Le Mondial a un impact sur les comportements, racontent les jeunes du township. «Ici, il y a des crimes presque tous les jours, mais là il y en a moins car tout le monde a hâte de regarder les matchs de la Coupe du monde.» «Ils ne veulent pas être en prison pendant le Mondial, ils veulent pouvoir regarder les matchs en liberté», expliquent certains. Plus loin, des hommes plus âgés, désœuvrés, regrettent la situation. «A Cape Town, les gens vont pouvoir regarder les matchs sur des écrans géants, mais ici à Langa il n'y a rien de tout ça. On ne peut pas se payer de billets pour aller voir les matchs non plus. Donc, on va devoir les regarder chez nous, à la télé, c'est moins drôle.» Des responsables d'association expliquent leur désappointement : «Ici, nous avons nos projets mais les organisateurs du Mondial ne nous ont pas approchés.» L'espoir que le Mondial 2010 allait offrir une vitrine pour les talents locaux semble être évaporé. Kumalo, jeune débrouillard qui a l'air de connaître tout le monde au township, estime que le Mondial de la FIFA n'a pas créé d'emplois à Langa. Il s'inquiète déjà de l'après-Mondial et redoute une remontée de la criminalité. Il y a également les stades construits à coups de millions de dollars et qui pourraient ne pas servir, les lampions du Mondial éteints. En Afrique du Sud, le football n'est pas le premier sport. Il y aussi le rugby, le «sport des Blancs». De grande enceintes comme celle du Nelson Mandela Bay à Port Elizabeth ou le Soccer City de Johannesburg auraient le plus grand mal à se remplir pour les compétitions locales. Le Green Point de Cape Town a coûté 300 millions d'euros. Malgré sa beauté, l'enceinte n'a pas fait l'unanimité. Beaucoup d'argent qui aurait pu servir à des projets communautaires, notent des habitants du Cape. Ces «éléphants blancs» font déjà jaser à quelques jours de la fin du Mondial. A l'heure des bilans, le débat fera rage entre Sud-Africains. Cependant, malgré ces facettes peu étincelantes somme toute liées à des difficultés inhérentes à l'histoire du pays, la nation arc-en-ciel aura réussi à mener durant un mois une manifestation ultra médiatisée, donc risquée. Le pays de Mandela, qui a concouru pour toute l'Afrique, a su donner une image des plus séduisantes des capacités humaines et organisationnelles de l'Afrique du Sud et, par ricochet, du continent. M. B. Ces «volunteers» qui ont contribué à la réussite du Mondial Ils sont des milliers de petites fourmis à œuvrer pour que la gigantesque fête du football mondial soit une réussite et se déroule le mieux possible. Natifs d'Afrique du Sud ou venus du continent, voire des quatre coins du monde, les volontaires de la FIFA se sont révélés un rouage indispensable au bon fonctionnement de ce gigantesque événement. George, Congolais, s'occupe de l'orientation des supporters aux abords du stade Loftus Versfeld de Pretoria. Reconnaissables à leur tenue jaune et vert les volontaires sont,éparpillés un peu partout dans les villes hôtes du Mondial. Inke, venue d'Allemagne, est heureuse d'être parmi les «organisateurs» de la Coupe du monde. «Je voulais participer à la fête du football, je réalise en quelque sorte un rêve», ajoute cette étudiante en géologie. Ils étaient 18 300 sélectionnés sur 68 000. Véritables fourmilles travailleuses, ils auront marqué le Mondial sud-africain et contribué à sa réussite.