La Fédération algérienne de football (FAF) décide de passer, dès la rentrée prochaine, au professionnalisme. L'initiative est belle dans son énoncé. Notre quotidien sportif va enfin ressembler à ce qui se fait de mieux en matière de football. Tout de go, des images des compétitions de football outre-Méditerrané nous viennent en tête. Nos stades en tartan synthétique vont ressembler aux belles enceintes de la Premier League et de la Ligua.Cependant, la réalité est beaucoup moins enthousiasmante. L'instance qui gère le sport roi en Algérie semble vouloir semer des graines sur un terrain non encore labouré. Le professionnalisme est-il uniquement une affaire de décrets et de lois apposés sur le papier ? Ordonner aux clubs de s'y conformer impérativement, au risque de ne pas faire partie des heureux élus, pourrait rapporter de maigres résultats. Dire que le professionnalisme est surtout une affaire de mentalité est une lapalissade.Evidemment, les éternels optimistes argueront que les bons réflexes s'acquièrent au fur et à mesure. Toutefois, une dose de réalisme confortera aisément la tendance vers le meilleur. La transformation de la compétition du sport phare de notre pays aurait nécessité plus de temps et de maturation. Une inspection rigoureuse de la réalité du football national renseigne que le chantier est immense.Mais la fédération s'est habituée depuis quelque temps à fonctionner à fort renfort d'oukases et d'ultimatums couperets. Il faut dire que la FAF s'est mise dans la gêne en décidant de passer à une étape qualitative de la pratique footballistique sans tenir compte de paramètres objectifs qu'impose la réalité du terrain. Combien de clubs répondent actuellement aux cahiers des charges ? La réponse risque d'être décevante pour les initiateurs de l'ambitieux projet. Beaucoup de clubs de football historiques ont le plus grand mal à se constituer encore en SPA et de se conformer aux multiples dates fatidiques qui glissent inexorablement sur le calendrier. La LNF ne peut pas organiser un championnat avec quatre ou cinq clubs. Les SPA, c'est une affaire sérieuse. Cela nécessite des porteurs de projets, des investisseurs prêts à se mettre ensemble pour construire une entreprise sur la marque d'un club. Et cela ne se fait pas durant une intersaison. Mais il n'y a pas que les instances qui brillent par leur légèreté. Les dirigeants de club se retrouvent à la fois en train de solder les comptes de la saison dernière, préparer sportivement la prochaine saison et monter des dossiers de SPA sans jamais être certains de leur capitalisation. Les bailleurs de fonds hésitent à plonger dans l'aventure. Ils ne savent pas à qui ils auront à faire demain, après la naissance de la SPA. Il en de même pour les collectivités locales. Pas d'argent, beaucoup de dettes, des échéances qui arrivent au pas de charge.Il est vrai que le bureau fédéral issu des élections de février 2009 s'est distingué par des décisions difficilement «praticables» sur le terrain de la réalité. La décision de supprimer les primes de signatures et l'interdiction de recrutement des clubs endettés, entre autres ordonnances, ont été superbement ignorées durant la saison écoulée. Seule la décision de la limitation de joueurs étrangers -essentiellement africains subsahariens- a été respectée et pour cause, l'homologation de la recrue dépend de la LNF.Ainsi le passage au professionnalisme menace de connaître la même inertie. Une traduction bancale dans les faits. Les premières années du professionnalisme risquent fort bien de nous donner un ersatz baroque de ni amateur ni professionnel. Faire évoluer les mentalités demeure un passage obligé. Au-delà du simple décret et des règles exigées, il est impératif de promouvoir la «culture» professionnelle. M. B.