De notre envoyé spécial en Ouganda Abderrahmane Semmar Jamais, au grand jamais Kampala n'a connu une telle surveillance policière. C'est cette phrase, si révélatrice, qui revient depuis hier sur toutes les lèvres des Ougandais, lesquels assistent ébahis aux préparatifs de la tenue du 15ème sommet des chefs d'Etat de l'Union africaine (UA). Il faut dire que ce pays tranquille de la région des Grands Lacs vient d'être propulsé subitement sous les feux des projecteurs avec le double attentat meurtrier perpétré, il y à peine une semaine, par les Shebbab somaliens. Ce mouvement armé affilié à El Qaïda et qui lutte pour prendre les rênes du pouvoir en Somalie a promis l'enfer au gouvernement ougandais. Et la menace est sérieusement prise en compte par les autorités ougandaises qui n'ont nullement lésiné sur les moyens pour garantir la sécurité à Kampala. La délégation algérienne, conduite par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, n'a pas manqué de constater toute l'importance et la rigueur du dispositif sécuritaire mis en place dès son arrivée à l'aéroport d'Entebbe, la célèbre ville ougandaise qui surplombe le magnifique lac Victoria. Sur les 40 kilomètres qui séparent cette ville de la capitale, Kampala, le nombre de barrages dressés pour contrôler les véhicules de passage est incalculable. Dans chaque buisson, sur chaque trottoir, à chaque virage, des soldats armés jusqu'aux dents guettent le moindre mouvement suspect, le moindre danger. Les habitants qui circulaient naguère en toute tranquillité se retrouvent désormais quadrillés par les services de sécurité regroupés autour de plusieurs check-points. Tous les observateurs étrangers arrivés à Kampala en prévision des travaux du 15ème sommet de l'UA n'hésitent pas à parler de climat de guerre en voyant défiler les patrouilles incessantes de l'armée ougandaise dans les rues et boulevards de cette ville chaleureuse. Tout est donc fait pour garantir la sécurité des délégations officielles qui se sont déplacées à Kampala pour la tenue du 15ème sommet de l'UA qui s'ouvre aujourd'hui même. D'ailleurs, la zone qui abrite les travaux et les conférences de ce sommet, très attendu à travers tout le continent, est quasiment impénétrable au vu des forces armées qui le ceinturent. Une véritable forteresse imprenable. Mais, malgré cela, les habitants de Kampala ne cachent pas leur peur et leurs appréhensions. Cette nouvelle escalade dont est victime le pays leur fait vivre les pires cauchemars. Il faut savoir que l'Ouganda peut se targuer, jusque-là, d'être l'un des rares pays stables dans la région des Grands Lacs. Toutefois, il semble que ce pays retrouve ses vieux démons après avoir surmonté les dégâts d'une guerre civile qui a duré des décennies. Aujourd'hui, Kampala, une ville bouillonnante qui compte près de trois millions d'habitants et autant de bars, de discothèques et de commerces divers, vit très mal ce nouveau conflit qui s'est radicalisé en Somalie où l'Ouganda est représenté par le plus grand nombre de soldats officiant sous le drapeau des forces africaines de maintien de la paix. Une présence vue comme une occupation par les Somaliens, fort nombreux dans la banlieue sud de Kampala. Aujourd'hui, au menu des chefs de l'Etat de l'UA, il est sera beaucoup question de la présence militaire en Somalie. L'Ouganda, qui ne veut pas voir prospérer les groupes islamistes radicaux dans ce pays, fera tout pour convaincre ses partenaires de lui donner le feu vert pour augmenter le nombre de ses soldats à Mogadiscio et ses environs. Sur ce point, elle peut compter sur le soutien indéfectible du Kenya et de l'Ethiopie, qui partagent sa vision géopolitique. Mais les Shebab ont prévenu de sévir encore une fois. Et à Kampala, tout le monde retient son souffle car ici, on en a marre de voir le sang irriguer la terre fertile de l'Afrique équatoriale. Entre les craintes et les tensions, ce 15ème sommet de l'UA risque d'être vraiment riche en rebondissements.