Dimanche soir, dans un restaurant et dans un club de sport de Kampala, la capitale de l'Ouganda, deux bombes ont explosé provoquant un carnage parmi une foule réunie dans ces deux lieux publics pour regarder la finale de la Coupe du monde de football. Bilan provisoire : 74 morts et plus d'une soixantaine de blessés. «On était en train de regarder la finale de la Coupe du monde du football, et là, à deux ou trois minutes de la fin du match, il y a eu une explosion», raconte un témoin. Les victimes sont en majorité des Ougandais, mais plusieurs expatriés ont aussi trouvé la mort. Parmi eux, des Ethiopiens, des Erythréens et un Américain. L'attentat a pu être provoqué par deux kamikazes, ou par des bombes déposées sous des sièges, selon les premiers éléments de l'enquête. Dans le principal hôpital de Kampala, des fans de foot hagards cherchaient des proches disparus, d'autres, alités, réalisaient difficilement avoir réchappé au double attentat de la veille. Le t-shirt maculé de sang, Collins Zziwa, un jeune homme de 25 ans qui avait pris place avec une bande d'amis devant un écran géant installé dans l'enceinte du club de rugby de Kampala, pour assister à la finale, raconte : «Quand ça a explosé, je suis tombé à terre et alors que je me relevais, la deuxième explosion a eu lieu.» «L'une de mes amies, quand j'ai regardé, était à terre. Elle avait l'air morte. Alors, difficilement, je l'ai soulevée», poursuit-il. Un Américain de 18 ans, Chris Sledge, comprend progressivement avoir échappé de peu à la mort. Il avait pris place dans un restaurant éthiopien très fréquenté de Kampala, l'Ethiopian Village, deux jours avant son retour prévu en Pennsylvanie, après une mission humanitaire dans une école rurale en dehors de Kampala. «Tout ce dont je me souviens, c'est d'être en train de regarder le match et puis je suppose que je me suis évanoui. Je me suis (ensuite) réveillé et les gens criaient», explique le jeune homme, dont les deux jambes, touchées, sont entièrement bandées. Le chef de la police ougandaise, Kale Kayihura, a lié ce double attentat aux menaces récentes des insurgés extrémistes Shebab en Somalie, de s'en prendre à l'Ouganda et au Burundi, les deux pays qui ont envoyé au total 6 000 soldats pour composer une force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom). Cette force de paix déployée depuis mars 2007 est considérée comme une force d'occupation par les Shebab. Ces derniers contrôlent la plus grande partie de la Somalie et ont fait vœu d'allégeance à El Qaïda. Le 5 juillet dernier, le chef des Shebab, Ahmed Abdi Godane, avait, rappelons-le, appelé les Somaliens à s'unir pour chasser l'Amisom. Ce double attentat qui apparaît comme le plus meurtrier commis en Afrique de l'Est depuis les attaques suicide contre les ambassades américaines de Nairobi et Dar Es Salaam, perpétrées par des membres d'El Qaïda et qui avaient fait plus de 200 morts le 7 août 1998, a suscité de nombreuses condamnations. En premier, celle du président ougandais Yoweri Museveni qui, intervenant après ce carnage, a dit : «Les gens qui regardent du football ne sont pas des gens qui doivent être pris pour cible», ajoutant : «Si (les auteurs des attentats) veulent se battre, qu'ils s'en prennent à des soldats.» Selon le vice-ministre ougandais des Affaires étrangères Okello Oryem, cité par l'APS, «l'Ouganda ne retirera par ses soldats déployés au sein de la force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom)». Le président américain Barack Obama, qui a qualifié ces attentats de «lâches et déplorables» a indiqué, pour sa part, que les Etats-Unis étaient «prêts à fournir toute aide demandée» par le gouvernement ougandais, selon le porte-parole du Conseil de sécurité nationale Mike Hammer. Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a condamné également «avec la plus grande fermeté» le double attentat, qualifié «d'acte barbare». De même, l'Union africaine a condamné «dans les termes les plus forts» le double attentat. «Nous condamnons cet acte dirigé contre un pays africain engagé activement dans la promotion des objectifs de l'Union africaine», a déclaré le commissaire à la paix et à la sécurité de l'UA, Ramtane Lamamra. De son côté, le président somalien Sharif Cheikh Ahmed a déclaré que ces explosions sont «diaboliques», ajoutant que «cet acte de terrorisme ne fera que renforcer les liens très forts entre les peuples somalien et ougandais». A signaler, enfin, qu'un site en langue somalie proche des Shebab, somalimemo.net, a relevé «qu'il n'était pas encore confirmé que les Shebab étaient derrière cette attaque», mais que si cela s'avérait, «la guerre entre musulmans et non-musulmans prendrait un nouveau visage». A ce jour, les insurgés shebab n'ont jamais mené d'attentats hors du territoire somalien. H.Y./agences