Synthèse de la Rédaction internationale Les Kényans sont appelés demain à adopter par référendum une nouvelle Constitution, censée tempérer les pouvoirs du Président et redresser des injustices historiques, notamment foncières, qui avaient alimenté les violences postélectorales meurtrières fin 2007 - début 2008. Quelque 12,6 millions de Kényans sont appelés aux urnes au terme d'une campagne électorale tendue, marquée notamment par un attentat, non élucidé à ce jour, qui a fait six morts le 13 juin lors d'un rassemblement des tenants du «non» dans un parc du centre-ville de Nairobi. La réforme de l'actuelle Constitution, qui date de l'indépendance du pays de la Grande-Bretagne en 1963, est le fruit de la crise politique majeure qui a suivi la réélection controversée du président Mwai Kibaki fin 2007 et a fait environ 1 500 morts. L'accord de partage du pouvoir signé en février 2008 entre M. Kibaki et son adversaire Raila Odinga, devenu Premier ministre, incluait une réforme constitutionnelle. «C'est un moment historique pour ce pays et ses citoyens», a lancé M. Kibaki lors d'un récent meeting. Le nouveau texte, s'il est adopté, doit supprimer le poste de Premier ministre créé par l'accord de partage du pouvoir et conserver un régime présidentiel mais en le tempérant d'importants garde-fous, notamment un contrôle accru de l'Assemblée nationale sur les nominations décidées par le président. Il crée une chambre haute du Parlement, le Sénat, et amorce une forme de décentralisation, une partie du budget de l'Etat étant dévolue à un nouvel échelon administratif, le comté. La nouvelle Constitution inclut surtout une réforme foncière cruciale, prévoyant à terme un examen approfondi des modalités d'acquisition de terres auparavant publiques et dont certaines ont été accaparées par les plus hautes sphères de l'Etat. Le projet de Constitution ouvre la voie à une limitation de la taille maximum d'une propriété privée et donne aux femmes des droits égaux sur la terre, notamment lors d'un héritage. Mais ces sujets ont été relégués au second plan de la campagne électorale. Les «rouges», emmenés par les églises traditionnelles et évangélistes ont combattu deux points spécifiques du projet, l'avortement thérapeutique et les tribunaux islamiques familiaux. Le nouveau texte maintient l'interdiction de l'avortement, sauf en cas de danger mortel pour la mère, une clause interprétée par les adversaires au projet comme un premier pas vers la légalisation de l'avortement dans le pays. De même, ils s'opposent au maintien des kadhis, ces tribunaux islamiques chargés de régler des différends familiaux (divorce, héritage) entre musulmans consentants, qui revient, selon eux à octroyer des droits spécifiques à une religion. Les kadhis figurent déjà dans l'actuelle Constitution. Une victoire des «verts», donnés favoris par les derniers sondages, permettrait au président Kibaki de remplir, huit ans après, une promesse de nouvelle constitution lors de sa campagne électorale victorieuse de 2002 contre le président sortant Daniel Arap Moi. Ce dernier a été l'une des voix de la campagne du «non» cette année. M. Kibaki avait subi un échec en 2005 lors d'un premier référendum constitutionnel censé en finir avec le régime présidentiel fort qu'avait incarné M. Arap Moi pendant 24 ans. Le projet avait été rejeté à 57%, notamment sous l'impulsion de ministres frondeurs comme Raila Odinga. Cette année, MM. Kibaki et Odinga ont fait campagne commune pour le «oui», dans une rare unanimité qui a relégué au second plan les profondes divisions du gouvernement de coalition et les préparatifs des élections générales de 2012.