Photo : Riad Par Samir Azzoug Jusqu'au 31 décembre prochain, la wilaya d'Alger vit au rythme des opérations de relogement. Ou plus précisément du programme de lutte contre les habitations précaires et les bidonvilles. Amorcées dès le mois de mars 2010, ces distributions du plus précieux bien matériel (l'immobilier) se font à une cadence «presque record», une moyenne de deux opérations par mois. La dixième ayant eu lieu le 6 août. Avec une forte mobilisation des médias et des moyens logistiques, chaque initiative apporte un nouveau lot de joie, d'interrogations et de déception. Aux youyous, mines réjouies et grands sourires affichés sur les écrans de TV, d'autres scènes sont enregistrées sur les lieux des sites de relogement. Moins enjouées, parfois en pleurs, frôlant l'hystérie, des familles élèvent la voix. Crient leur désenchantement. Se disent lésées, car l'habitation qui leur est attribuée ne cadre pas avec leurs attentes. Se voir attribuer un F2 est leur hantise. Pourtant, le président de la République, à plusieurs reprises, ne voulait plus voir se type d'habitation - entre autres, lors de sa visite d'inspection à Ténès en mai 2007, où il ordonna aux responsables du secteur de l'habitat de suspendre la réalisation des F2 car ils ne cadraient pas à la réalité socioculturelle algérienne. Et pourtant, des appartements à deux chambres sont encore livrés et distribués. D'autres bénéficiaires dénoncent l'état de certains appartements livrés qui semblent finis trop à la hâte ou présentant des anomalies défiant toutes les lois de la géométrie dans l'espace. Il n'est pas rare, en effet, de voir des pièces minuscules se présenter en losange ou avec des coins là où l'on s'attend le moins. Mais le gros du suspense n'est pas encore là. Les informations faisant état de plusieurs familles qui se sont vu refuser l'accès aux opérations de relogement inquiètent. Les autorités expliquent que le fait d'habiter dans un bidonville n'ouvre pas automatiquement droit à un logement. Les occupants qui sont arrivés après 2007 et ceux dont les enquêtes de l'administration confirment qu'ils ont déjà bénéficié de ce genre de prestation, y compris dans d'autres wilayas, se voient de fait éliminés des listes de bénéficiaires. Cependant le summum de la déprime est enregistré au niveau des habitants d'Alger qui souffrent d'exiguïté et de promiscuité et n'ont jamais osé construire une baraque de fortune. Ou encore ceux qui, malgré des moyens limités, ont opté pour la dure réalité de la location, depuis des années et même des décennies alors que leurs demandes déposées auprès des institutions en charge jaunissent lentement. Des statistiques anciennes faisaient état de l'existence de plus de 50 000 familles occupant des bidonvilles clairsemés à travers le territoire de la wilaya d'Alger. Or, pour l'opération relogement 2010 dans la capitale, le nombre de familles programmées avoisine les 12 000 dont plus de 7 000 ont déjà reçu les clés de leurs nouvelles demeures (dont plus de 5 000 issus des bidonvilles). Donc, il n'y aura pas de logement pour tous. Si l'on ajoute les 200 000 demandes inscrites au niveau de la wilaya, le nombre de frustrés risque d'être important avec le nombre de recours déposés par des acquéreurs mécontents soit du site, soit du nombre de chambres ou du palier, une moyenne de 10 à 15% à chaque opération.Cela dit, même en attendant les prochaines livraisons d'habitations programmées pour l'année prochaine (la majorité des 35 000 autres logements sont en phase de réalisation) et celles inscrites dans le plan quinquennal 2009-2014, qui prévoit la construction d'un autre million de logements, la fin de l'année risque d'être marquée par les humeurs de ceux écartés de l'opération 2010. Or, il faut noter que la lutte contre l'habitat précaire amorcée par la wilaya d'Alger ne concerne pas seulement les habitants des bidonvilles, mais également ceux des chalets, des caves et autres terrasses d'immeubles. Une véritable révolution pour les Algérois.