Photo : Riad Par Hasna Yacoub En mai 2008, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Noureddine Moussa, annonçait que l'Etat allait réaliser en moyenne 70 000 logements par an afin d'éradiquer l'habitat précaire. Une action louable et un programme ambitieux, à première vue. Mais qui laisse, cependant, perplexe. Le ministre avait avancé en 2009 le chiffre de 553 000 unités de constructions précaires à éradiquer, soit 8% du parc global des logements en Algérie. Ce chiffre semble croître d'année en année puisque, rappelons-le, de l'époque du grand gouvernorat d'Alger, le premier responsable avait annoncé une large opération de relogement, mettant fin aux bidonvilles sis sur le territoire du gouvernorat. En 2008, comme par enchantement, les pouvoirs publics ont recensé, rien que dans la wilaya d'Alger, pas moins de 45 000 habitations précaires ! Durant la dernière décennie (1999-2009), le parc du logement a connu un développement de près de 45% et plus de 35 000 logements ont été distribués dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire. Malgré cela, le problème persiste et les bidonvilles poussent comme des champignons. C'est alors que l'Etat décide de poursuivre sa politique et prévoit une part importante du programme 2009-2014 pour résoudre définitivement ce problème. Ainsi donc, il n'y aura plus de logements précaires à Alger une fois ce programme achevé. Malheureusement, le simple citoyen qui a introduit une demande de logement, que ce soit dans le cadre de la formule du logement social aidé (LSA) ou encore du logement social participatif (LSP), est loin d'y croire en constatant à chaque émeute que les logements construits pour ces formules sont détournés pour calmer des esprits «en colère». «L'émeute» est-elle devenue la nouvelle «formule» pour obtenir un logement en Algérie ? C'est si simple, apparemment dans ce pays, de construire un bidonville - avec l'indulgence des responsables des communes - ; y résider quelques années avant d'enflammer des pneus, barrer les routes et braver la menace d'un suicide collectif. Résultat : les habitants de ce bidonville sont relogés dans des logements destinés à d'autres citoyens, qui devront s'armer de patience en plus de la dizaine d'années durant laquelle ils ont vainement patienté. A voir ce schéma se répéter, toute personne qui introduit une demande de logement dans un cadre légal et attend «sans révolte» qu'elle soit prise en charge (alors qu'elle se ruine dans les locations) ne verra jamais son tour arriver. S'agit-il là d'un mépris des autorités de ceux qui respectent la loi ? Ou est-ce que la violence est, tout simplement, le seul langage que comprennent nos responsables ? Si l'embrasement ouvre le droit au logement, il faut s'attendre à ce que tout le pays s'embrase. Car, combien sont-ils ces bénéficiaires de logements neufs qui reviennent à leurs gourbis pour profiter d'une autre opération de relogement ? Où est passé le fichier national du logement afin de comparer ces milliers de logements distribués chaque année dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire alors que la liste des bénéficiaires semble être … sans fin. Si, durant des années, la mentalité du «beylik» a été combattue avec la mise en œuvre de formules claires qui définissent les catégories qui ouvrent droit à des formules de logements à des conditions plus claires encore, la question qui s'impose aujourd'hui est de savoir la raison qui pousse l'Etat à donner un logement social à un cadre parce qu'il occupe un gourbi et celle qui l'oblige aussi à puiser dans le programme d'une autre formule pour satisfaire le social ? Pourtant, le président de la République a été clair à ce sujet en 2006 déjà lors d'une visite à Constantine. Il avait alors prévenu que «tous ceux qui les réalisent (les bidonvilles, ndlr) auront affaire à la justice et à des sanctions pénales», ajoutant qu'il est du devoir de la justice de lutter contre «ceux qui investissent ces lieux de mal-vivre en quête de logement alors qu'ils en possèdent déjà». Après les déclarations du président, un «plan national» a été lancé, des commissions administratives ont été installées dans les bidonvilles des différentes wilayas, etc. Résultat ? Le marché immobilier des bidonvilles est en plein boom : un simple tour à ces endroits permet de savoir que la vente est à partir de 180 000 DA et la location dépasse les 5 000 DA. Il s'agit-là d'un cercle vicieux qui ne peut prendre fin qu'avec la fin de la politique hâtive de relogement effectuée sous la menace de l'émeute. Le retour à la légalité en donnant à chacun son droit (chaque citoyen, selon ses revenus, ouvre droit à une formule de logement) permet de mettre fin à l'illégalité.