Samedi dernier, il y avait foule à la librairie du Tiers-Monde pour la vente-dédicace de l'ouvrage réalisé par Aïssa Boudiaf, frère du défunt président Mohamed Boudiaf, intitulé La Préparation du 1er Novembre 1954 paru aux éditions Dar El Khalil. En fait, l'ouvrage est la republication du texte éponyme écrit par le regretté Mohamed Boudiaf, déjà paru dans le quinzième numéro de la revue El Djerida, publié en novembre 1974 à l'occasion du 20ème anniversaire du déclenchement de la révolution du 1er Novembre 54.Aïssa Boudiaf explique : «C'était suite à la pression des militants du parti du PRS, qu'il dirigeait, que mon frère s'est attelé à la rédaction de ce texte pour rétablir les vérités historiques sur le déclenchement de la révolution algérienne, altérée par des publications de l'époque sur le sujet, à l'instar des ouvrages d'Yves Courrière. Aujourd'hui, au moment où l'on connaît le même phénomène de publication d'ouvrages historiques déformant la vérité, il me semble important de republier ce témoignage authentique d'un homme connu pour son intégrité afin que la vérité triomphe.»C'est dans cet esprit de devoir de mémoire que Mohamed Boudiaf écrivait déjà, il y a plus de trente-cinq ans dans El Djerida : «Mon propos va donc s'attacher à reconstituer le déroulement des événements de l'année 1954 en m'efforçant de rétablir la vérité historique et de relever les erreurs les plus fréquemment commises. Je suis personnellement convaincu que cette histoire reste à écrire.» Afin de rendre cet ouvrage accessible à un large lectorat, Aïssa Boudiaf s'est attelé à la traduction en arabe du texte de son défunt frère. Ainsi, l'ouvrage se présente dans les deux langues pour répondre au souci d'une large diffusion du témoignage du regretté Mohamed Boudiaf, qui a été l'un des importants acteurs du déclenchement de la lutte armée contre le joug colonialiste. Ainsi, dans La Préparation du 1er Novembre 1954, le lecteur est guidé par le témoignage de l'un des artisans de la révolution algérienne sur le long chemin abrupt et semé d'embûches qui a permis le déclenchement du 1er Novembre 1954. Pour cela, Mohamed Boudiaf commence par expliquer les conséquences des massacres du 8 Mai 1945 ; il souligne à propos de ces événements sanglants qu'ils «ont la preuve irréfutable que le colonialisme ne pouvait être combattu que par des moyens révolutionnaires. Pour les militants de ma génération, le 8 Mai 1945 fut le point de départ d'une prise de conscience et d'une rupture».Concernant la rupture, Mohamed Boudiaf revient également sur les conflits avec les messalistes et la création du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), ainsi que la mise en place d'une Organisation spéciale (OS) qui représente la branche armée du parti. Il aborde également les conflits et les luttes d'opinion au sein de ce mouvement qui a amené à la dissolution de l'OS et la crise qui a secoué profondément le MTLD. Puis le lecteur est convié à assister à la création du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) et aux points qui ont été soulevés lors de la réunion historique des vingt-deux.Les détails de tous ces événement se trouvent dans l'ouvrage qui retentit tel un appel d'outre-tombe du martyr Boudiaf qui écrivait déjà en 1974 : «Bon nombre de personnes étrangères à ces événements ont écrit et continuent de le faire en déformant, par intérêt ou par ignorance, les faits, attribuant à des gens des rôles qu'ils n'ont pas joués, idéalisant certaines situations et passant d'autres sous silence, refaisant l'histoire après coup. Le résultat le plus clair de ces manipulations est d'entraîner une méconnaissance d'un passé pourtant récent chez les millions de jeunes Algériens qui n'ont pas vécu cette période et qui sont pourtant avides d'en savoir les moindres détails.»Pour conclure, citons, encore une fois, Mohamed Boudiaf qui souligne que Les Hommes du 1er Novembre, s'ils eurent un mérite, ce fut précisément celui d'être parvenus à exprimer et à mettre en œuvre ce qu'une grande masse d'Algériens pensaient et souhaitaient. Eux-mêmes furent le produit de circonstances, de luttes politiques et il est dangereux de pratiquer le culte des héros (même s'ils sont morts), car c'est là le meilleur moyen de nier le rôle du peuple.» S. A.