Le métro d'Alger à force de faire rêver les habitants de la capitale a fini par les exaspérer. Et à force d'attente, de promesses et d'annonces de livraison non respectées, ils n'osent même plus y croire. On attendait son entrée en service en décembre 2008. Une fois l'année 2009 entamée toujours sans métro, on parlera ensuite de l'été. Puis du mois de décembre 2009. L'année 2010 sera entamée et toujours pas de métro pour la capitale, vingt-six ans après le premier coup de pioche pour ce projet. Les plus optimistes annoncent une livraison au dernier trimestre 2010, d'autres plus réalistes attendent 2011, alors que les plus désabusés n'y croient carrément plus. Et pourtant, la dernière annonce en date a de quoi réjouir : vendredi dernier, le ministre des Transports Amar Tou, qui n'a pas osé s'avancer sur la date de livraison et sur le délai de réalisation, a néanmoins fait une annonce cruciale : la première ligne du métro d'Alger a été achevée et sera opérationnelle après la résolution de «certains aspects» de sécurité liés à son exploitation. Une déclaration faite au moment où le flou total règne sur ce grand projet qui a englouti 140 milliards de dinars. La dernière annonce du ministre des Transports a, certes, de quoi rassurer si seulement on ne se fie pas à toutes les polémiques et controverses que soulève le projet depuis des mois. Les travaux seraient à l'arrêt depuis le mois de juin, après des désaccords survenus entre l'Entreprise du métro d'Alger (EMA) et Siemens-Vinci-Caf (SVC), en charge du projet et qui réclame à l'EMA des indemnisations de 100 millions d'euros. Le montant du préjudice subi par le groupement a été chiffré et transmis à l'EMA le 17 juin dernier, a-t-il été précisé. Il s'agit d'un montant qui vient s'ajouter à celui du contrat signé en 2006 - 380 millions d'euros - et aux 20 millions de travaux supplémentaires, non encore réglés. Ce sont là des informations relayées par la presse nationale, obtenues par des sources non officielles appartenant au groupement européen en charge du projet, mais qui n'ont toujours pas suscité de réactions auprès du ministère des Transports. L'absence d'un planning et d'une visibilité dans le pilotage du projet et des désaccords entre l'EMA et le groupement sur certains aspects du contrat initial ont, semble-t-il, également mené à des bouleversements dans les effectifs sur le chantier qui sont passés de près de 900, à la fin 2009, à seulement 80 actuellement. Ce dernier chiffre comprend tous les employés du site, essentiellement des ouvriers et des gardiens. La somme réclamée par le groupement est due aux retards provoqués par l'EMA et l'immobilisation de salariés et de matériel. En cas de refus des Algériens de payer cette somme, le groupement pourrait saisir un tribunal d'arbitrage international, expliquent les mêmes sources. A cela s'ajoutent d'autres éléments qui ne sont pas faits pour rassurer le citoyen, notamment les histoires de corruption qui font de ce projet un véritable gouffre financier. En février dernier, le président-directeur général de l'Entreprise du métro d'Alger avait été auditionné par le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, et placé sous mandant de dépôt. Au cœur de l'événement : des questions liées à une ou plusieurs passations de marché dans le cadre des nombreux projets placés sous la responsabilité de l'Entreprise du métro d'Alger. Au mois d'octobre 2009, le secteur avait été également secoué par la mise sous détention provisoire du directeur de la planification au ministère des Transports. Ce dernier avait été poursuivi pour corruption dans le cadre du marché d'équipement du projet du métro d'Alger. Le directeur de la planification a été accusé d'avoir facilité l'attribution du marché à un consortium conduit par l'entreprise allemande Siemens. Ainsi, avec les retards répétitifs, les délais d'annonces jamais respectés, les conditions d'attribution des marchés et les nombreuses controverses financières soulevées, il est difficile de se réjouir de la déclaration faite vendredi dernier par le ministre sur la livraison imminente du métro tant attendue. F. B.