Photo : Zoheïr De notre envoyé spécial à Msila Salah Benreguia Fortement éprouvés par la misère tous azimuts, conjuguée ces derniers temps à un séisme sans précédent, les habitants de Beni Ilmane et de Ouanougha (70 km de Msila), attendent maintenant, au-delà de la reconstruction des habitations touchées par cette catastrophe, du travail et un quotidien plus digne. Notre virée, mardi dernier, avec le ministre de l'Agriculture montre la situation sociale des habitants de ces deux localités. Une situation loin d'être enviable. C'est la précarité à «haute dose». Notre visite dans la commune de Beni Ilmane, même si elle a été de courte durée, nous a permis de découvrir cette lamentable situation. Mardi, 1er juin, 11h passées, les constructions de certaines bâtisses neuves et alignées, à l'entrée de cette commune, forment l'artère principale. Les boutiques et magasins étalent leurs maigres marchandises. Sur les trottoirs, au demeurant propres, toutes sortes de légumes et de fruits saisonniers fraîchement cueillis sont exposés. Les cafés sont peuplés de personnes habillées modestement, des paysans pour la majorité. Les quelques jeunes filles en hidjab traversent la rue d'un pas rapide. Petite consolation : la parabole indique une connexion feutrée avec le monde réel… L'air chaud évoque l'approche d'un été habituellement torride dans la région. Plongée dans sa misère, ses peines, ses rêves, cette localité reste marquée par le dernier séisme qui l'a ébranlée. Les tentes sont bien visibles et tout porte à croire qu'elles sont plantées pour longtemps. «On ne peut pas oublier, d'autant que les sinistrés sont toujours sous les tentes, malgré les promesses successives des responsables locaux. L'été arrive et le Ramadhan avec. On souhaiterait passer ce mois sacré dans une maison digne, et pas sous une tente», espèrent les habitants sinistrés. Ces derniers refusent de subir le sort des élèves qui ont entamé le 1er juin les épreuves du BEM dans des… tentes. Et dire que le ministre de l'Education nationale a annoncé que des mesures ont été prises par son département afin de permettre aux élèves scolarisés touchés par le séisme de M'sila de passer leurs examens de fin d'année dans les meilleures conditions… Le chômage, cet ennemi commun qui tue… Dès que la discussion est entamée sur cet événement tragique et proche, les gens se regroupent et les langues se délient. Sans rancune, avec une pointe de sympathie déconcertante que ces gens partagent, ils parlent de ce séisme qui a fait sortir, ironie du sort, cette ville de l'anonymat. Mais non sans évoquer la misère sous ses différents visages. «Si ce séisme ne s'était pas produit, on mourrait dans l'anonymat. Faut-il qu'il y ait d'autres catastrophes naturelles pour que les pouvoirs publics (Edoula) prennent en charge nos doléances et améliorent notre quotidien ?» s'interroge, Hakim, la trentaine passée. Ce genre de questions et bien d'autres reviennent, avec insistance, sur toutes les lèvres. Car, en plus des conditions climatiques, pas du tout favorables, les gens ont découvert depuis longtemps un ennemi qui les tue à petit feu : le chômage. Les personnes interrogées sont unanimes : à toute heure, les cafés sont pleins. «Où voulez-vous partir ?, on n'a que les cafés pour tuer le temps», ajoute Zoubir, assis dans un café plein comme un œuf, situé à quelques mètres du siège de la commune, le lieu de la rencontre avec le ministre Benaïssa. Les rares boutiques ouvertes étalent leurs maigres marchandises sur des étagères de fortune. Les gens agissent comme des somnambules. «On s'ennuie, souligne un jeune. Chaque jour c'est le même décor, les mêmes têtes.» Aucun loisir. Ni maison des jeunes, ni salle de sport. Pour les jeunes abonnés au chômage, la période des vendanges est une aubaine. Quelques chanceux travaillent quelques jours. D'autres élèvent des moutons et vendent quelques têtes à l'approche des fêtes de l'Aïd. «Surtout pour faire face aux dépenses», dira notre interlocuteur. Lorsque l'agriculture peut transformer la vie … Ils sont humbles et déshérités, ces gens simples qui vivent à 70 kilomètres seulement de l'oligarchie «msilie». Des gens qui n'attendent rien d'autre de la vie que la vie. Dans cette localité, vivre est un combat de tous les jours, une bataille à gagner absolument, contre le chômage, la misère et les privations d'un quotidien difficile que même le calme et l'air pur n'arrivent pas à adoucir. Et pourtant, la wilaya de Msila, qui possède des richesses et des potentialités agricoles, peut facilement améliorer le vécu de ces gens. Exemple : cette région est connue pour la qualité de son abricot qui égaye les tables des ménages et de prestigieux restaurants. Les mesures prises par le département de Benaïssa sont, certes, encourageantes mais loin de répondre actuellement aux différentes doléances des agriculteurs. En effet, la Direction des services agricoles (DSA) a, dans le cadre des programmes sectoriels 2008 et 2009, mené des travaux portant sur l'ouverture de 432 km de pistes agricoles. Cette action a emboîté le pas à une autre qui a trait au désenclavement de quelque 300 entreprises agricoles individuelles et collectives entrées en exploitation au cours de la dernière décennie et, d'autre part, l'amélioration de la commercialisation des produits de la terre. Choisie comme «région expérimentale pilote» pour l'oléiculture, Msila a vu la création de 5 000 hectares de nouveaux vergers d'oliviers dont 200 ont été plantés durant l'année en cours au titre du programme spécial de développement des Hauts Plateaux qui y a consacré plus de 37 millions de dinars. Cette intensification de l'oléiculture a été accompagnée de la création, lors de ces deux dernières années, de trois pressoirs ayant permis la production de 10 000 litres d'huile. Le secteur avait bénéficié, en 2008, du fonçage de trois puits profonds, de la réhabilitation de sept forages, de la réalisation de 36 bassins d'eau, de l'équipement de 24 autres forages, de la création de 98 hectares de vergers arboricoles et de l'équipement de 37 unités de collecte du lait, selon un responsable local. Toutes ces actions avaient été réalisées dans le cadre du Fonds national de régulation et de développement agricole (FNRDA) pour un montant total de plus de 107 millions de dinars, selon la même source. Malgré ces programmes, la situation des agriculteurs est loin d'être excellente. Pour ces derniers, même s'ils étaient évasifs lors de leurs interventions devant le ministre, le dominateur commun est le suivant : avoir d'autres aides et bénéficier davantage des divers programmes agricoles proposés par ce département ministériel. Une préoccupation parmi d'autres… S. B. Rachid Benaïssa assiste à la fête de l'abricot à Msila Si la visite du ministre de l'Agriculture et du Développement rural n'a pas apporté d'annonces ou de décisions concrètes pour les agriculteurs locaux, elle a, toutefois, réconforté psychologiquement les sinistrés. En effet, la présence d'un membre du gouvernement dans les deux communes de Beni Ilmane et de Ouanougha (70 km de Msila) est perçue comme un geste fort de la part des pouvoirs publics envers cette wilaya dont la majorité des localités est profondément et dangereusement marquée par une profonde misère. En attendant la concrétisation de toutes les promesses tenues par les différents membres du gouvernement Ouyahia, ayant visité Msila au lendemain du séisme qui a frappé le 14 mai dernier cette région. M. Rachid Benaïssa, a, par ailleurs, estimé «logiques et légitimes» les différentes doléances des citoyens, dont la plupart sont des agriculteurs. Il leur a fait savoir que leurs doléances sont prises en charge et que des mesures adéquates seront prises après concertation et étude par ses différents services. Parmi les préoccupations, on peut citer celles relatives à l'irrigation et au développement de l'agriculture, l'absence d'un institut spécialisé dans la phytosanitaire et d'un marché de gros pour les fruits et légumes. Pour les deux derniers problèmes mentionnés, le ministre s'est montré optimiste, d'autant que cela «reflète la volonté des agriculteurs d'aller en avant et de professionnaliser leurs activités». «Pour moi, c'est un signe très positif. Quand les agriculteurs demandent plus de techniques et d'informations, c'est qu'ils prennent conscience qu'ils sont dans la bonne voie et veulent améliorer leurs activités. Notre département va les accompagner et les aider», a-t-il déclaré. Par ailleurs, il est utile de souligner que M. Benaïssa a assisté à la fête de l'abricot ouverte mardi dernier au chef-lieu de la wilaya de Msila. Les producteurs locaux ont porté à la connaissance du ministre leur vœu pour l'exportation, d'autant que la récolte devrait atteindre cette année 450 000 tonnes.