Alors que l'Irak trouve le plus grand mal à voir un semblant de stabilité politique, la situation sécuritaire demeure explosive. Près de 60 soldats de l'armée irakienne ont été tués, hier, dans un attentat-suicide à Baghdad. L'attaque est considérée comme la plus sanglante depuis le début 2010. L'armée irakienne, censée être le pivot de la sécurité après le départ des troupes américaines d'Irak dans seize mois, semble avoir de grandes difficultés à s'imposer. L'attentat a visé un centre de recrutement de l'armée dans le centre de la capitale irakienne. Un kamikaze a fait détoner sa veste remplie d'explosifs en se mêlant à des conscrits qui attendaient à l'extérieur de l'ancien bâtiment du ministère de la Défense, dans le quartier de Bab al Mouazam. Mercredi s'achevait une semaine de recrutement et il y avait une grande affluence. Les recrues étaient rassemblées place Midane à une cinquantaine de mètres du centre de recrutement et tout ce secteur est sous contrôle de l'armée. La tuerie rappelle les terribles attaques-suicide contre les centres de recrutement en 2006 et 2007. Ce nouvel attentat est le plus sanglant depuis le 18 juillet, lorsqu'un kamikaze avait agi de la même façon en se mêlant à des volontaires venus toucher leur paie, tuant au moins 45 personnes à Radwaniya (25 km au sud de Baghdad). C'est le bilan le plus lourd pour un seul attentat depuis le début de l'année. Au moment où le pays s'enfonce dans une crise politique sans fin et en plein Ramadhan marqué, ces dernières années par une recrudescence des violences, l'attaque intervient. A deux semaines de la fin officielle de la mission de combat de l'armée américaine en Irak, l'heure est à l'appréhension. Les 50 000 militaires américains qui resteront devront avoir quitté le pays fin 2011 en vertu d'un accord conclu en novembre 2008. Ce retrait programmé des soldats américains, alors que l'Irak a été complètement déchiré depuis l'invasion, suscite l'inquiétude de la haute hiérarchie militaire irakienne. Le retrait est jugé prématuré, l'armée locale, forte de 200 000 hommes, ne serait pas capable d'assurer pleinement sa mission avant 2020. L'attentat d'hier contre l'armée survient au lendemain de la rupture des négociations entre les deux principales formations irakiennes. Ce qui ne manquera en rien d'accentuer le blocage. Le Bloc irakien de l'ex-Premier ministre laïque Iyad Allawi, sorti en tête des législatives du 7 mars, a décidé de rompre ses discussions avec l'Alliance de l'Etat de droit du chef du gouvernement sortant Nouri al Maliki. Les dirigeants irakiens post-Saddam fonctionnant sous des chapelles communautaires se regardent en chiens de faïence. D'où la difficulté de la mise en place d'un gouvernement n'excluant aucune tendance. Et un clash interconfessionnel menace toujours le pays des deux fleuves. M. B.