Photo : S. Zoheir Par Karima Mokrani Le Ramadhan arrive à sa fin. Les vacances estivales aussi. Les élèves retournent dans leurs classes, les travailleurs dans leurs bureaux et la vie reprend son cours normal. C'est un événement heureux... mais seulement pour certains. De plus en plus cher En effet, de nombreuses familles se montrent d'ores et déjà inquiètes par rapport aux dépenses imposées par la circonstance : rentrée scolaire, célébration de l'Aïd El Fitr. Chaque occasion avec son lot de dépenses en argent et en énergie physique et psychique. Une vraie gymnastique pour les grands et les petits. Pas de répit pour ces familles, habituées désormais à faire face, chaque année, à la même situation. Et l'année qui s'installe est pire que celle qui s'en va, tels sont les mots qui reviennent sur les lèvres des maîtresses de maison, se plaignant des difficultés du quotidien. La vie est chère, de plus en plus chère, dans toutes les contrées du pays. C'est une réalité qui se vérifie tous les jours sur le terrain. Les ménages ont du mal à faire des économies et les dispositifs de soutien et d'aide aux familles démunies, initiés par les pouvoirs publics n'aident pas beaucoup les concernés. Cela les soulage mais pas trop... quoique, devrions-nous le reconnaître, l'Etat a grandement investi dans ces actions. Durant les 30 jours du Ramadhan, des centaines de milliers de personnes ont eu droit à un repas complet (restaurants de la rahma) et des aides alimentaires, parfois financières. Pour la rentrée scolaire, une prime de 3 000 DA est attribuée à chaque enfant issu d'une famille démunie, en plus de la gratuité des manuels scolaires. Aussi, avec la contribution efficace du Croissant-Rouge algérien (CRA), des enfants ont été circoncis gratuitement et leurs familles ont bénéficié d'une aide financière de 1 000 à 3 000 DA. L'investissement étatique dans ce domaine est assez important, mené sous les directives du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, mais les résultats sur le terrain demeurent entachés de «détournement», «de vol»… et autres actes qui n'honorent ni les responsables chargés de suivre l'opération ni le citoyen bénéficiaire. Dans de nombreux foyers, on ne parle que d'«argent» comme si c'était la seule chose qui unit les membres d(une même famille, du même groupe. C'est devenu la hantise des mères, des pères, des frères et sœurs qui sont des «soutiens de famille». Les billets de 1 000 DA n'ont plus de valeur… y compris chez les gamins. Ces derniers, eux aussi, se rendent au marché, font le tour des magasins, demandent les prix des produits vestimentaires, alimentaires… et autres articles scolaires. Eux aussi savent apprécier la bonne qualité, choisir le meilleur produit, être à la mode. Et c'est là où se pose vraiment d'un problème, surtout en cette période de rentrée des classes. En effet, les parents sont souvent confrontés aux désirs de leurs enfants, nombreux à imiter des camarades de classe, des voisins de quartier dont les parents sont relativement aisés. L'enfant réclame la même tenue vestimentaire que son ami, les mêmes chaussures, le même cartable… et pourquoi pas mieux que lui ? Dans de nombreux cas, les parents se retrouvent dans des situations difficiles mais refusent le droit de dire non à leur enfant. Ils cèdent au chantage affectif... quitte à s'endetter. Les magasins de friperie à la rescousse Dans les marchés quotidiens et hebdomadaires, les étals sont bien achalandés. Il y a de tout, pour tous les goûts et pour toutes les catégories sociales. Sur ce plan, les ménages ne trouvent pas de problème quoique, là encore, devrions-nous dire, les produits de mauvaise qualité, essentiellement d'origine asiatique, priment sur le reste. L'Etat ne trouve rien à dire, l'essentiel est d'approvisionner le marché en quantités suffisantes. Le citoyen non plus puisqu'il y trouve son compte. «Ce ne sont pas des choses extraordinaires mais c'est avec cela que j'ai fait mon trousseau de mariage. J'ai acheté tellement de choses et à bas prix […], raconte une jeune femme, en pleins préparatifs de son mariage.» D'autres n'hésitent pas à se rendre dans les magasins de friperie. Il n'y a pas de raison d'avoir honte, c'est imposé par les temps qui courent, lancent deux femmes. Des émigrés s'y rendent souvent, ce n'est un secret pour personne, soutiennent-elles. Et pour dire vrai, rapportent deux autres, fonctionnaires d'une même institution publique, il y a toujours possibilité de tomber sur un bon article et à un prix vraiment abordable. «J'en ai acheté de belles choses. Moi-même, j'étais étonnée» confie l'une d'elle. Ce que dit cette femme n'est pas faux. Il n'y a qu'à faire un petit tour dans les magasins de friperie des rues Mohamed Belouizdad et Hassiba Ben Bouali, à Alger, pour se rendre compte de l'importance de ce marché. Hommes et femmes s'y rendent en grand nombre et régulièrement. «Ce n'est pas évident de tomber sur un bon article mais ce n'est pas impossible», estime un jeune d'une trentaine d'années. En revanche, d'autres s'opposent carrément à cette idée de porter un habit provenant de la friperie. «Pas question», affirment deux femmes, cadres dans une entreprise privée. Façon de dire, peut-être, qu'elles ne se considèrent pas moins loties que d'autres. D'autres citoyens craignent d'éventuelles maladies de peau : «Je ne peux pas prendre le risque de porter un habit de friperie.» Pour faire face aux multiples contraintes financières des temps modernes (utilisation d'Internet et du téléphone portable, frais d'essence et des pièces de rechange, location, déménagement, cadeaux pour les enfants, les neveux, les collègues de travail…) des hommes et des femmes de tous les âges n'hésitent pas à se procurer un deuxième job. Un seul salaire ne suffit pas, disent-ils. Ce qui est légitime mais à condition de faire le travail, convenablement, dans les deux postes. Ce n'est pas évident. Ça se joue sur les heures de repos, de sommeil. A la longue, c'est la santé qui en pâtit. L'augmentation des salaires, une revendication légitime Dans plusieurs secteurs d'activité, des travailleurs expriment leur ras-le-bol. L'évolution des salaires ne suit pas celle des prix des produits de large consommation. La situation est critique. Elle est de plus en plus insupportable. A chaque rentrée sociale, des groupes de syndicats relancent leur mouvement de protestation pour les mêmes revendications : les salaires. Le résultat, en fin de course, s'avère minime. Insignifiant. Ce qui est donné d'une main est repris de l'autre. C'est le retour à la case départ si ce n'est le recul de plusieurs pas. Les pouvoirs publics doivent se pencher sérieusement sur cette histoire de salaires, dans les secteurs public et privé. L'Algérien mérite une vie bien meilleure.