Y a-t-il un quelconque rapport entre la citoyenneté algérienne et la pratique religieuse ? A priori, aucun. Même si notre code civil est essentiellement inspiré de l'islam, dans la vie de tous les jours, chaque citoyen est supposé être libre dans ses choix confessionnels ou autres. La Constitution algérienne, dans plusieurs de ses articles, garantit justement la liberté de conscience et de culte. La loi protège cependant cette sphère cultuelle de toute atteinte à son caractère sacré. Le dénigrement et l'injure des textes religieux, la profanation du Coran et le blasphème, quand ils sont commis sur la scène publique, sont des actes passibles de poursuites judiciaires. Mais chez soi, chacun est naturellement libre de dire, de penser et de faire ce que bon lui semble. De jeunes gens, surpris en train de festoyer en cercle fermé, ont été traînés devant la justice pour non-respect du Ramadhan, le quatrième pilier de l'islam. Cela s'est récemment passé à Ighzer Amokrane dans la wilaya de Béjaïa, à Aïn El Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou et, sans doute, dans plusieurs autres régions du pays. La loi nous oblige-t-elle à observer le jeûne du mois de Ramadhan ? Sinon, pourquoi alors la police a-t-elle appréhendé des citoyens pour un délit qui n'existe même pas ? Officiellement, l'accusation évoque l'article 144 bis du code pénal portant sur le «dénigrement du dogme et des préceptes de l'islam». Ayant choisi l'intimité d'un local clos pour déjeuner, ces «mangeurs de pain» ne peuvent être accusés d'une quelconque atteinte ostentatoire à la sacralité de l'islam. Les éléments de la force publique, qui ont débusqué les dangereux «soupeurs», motivent leur intervention par une plainte de riverains indisposés par des odeurs de bouffe. Les effluves de nourriture ne sont pas si «indisposantes» que çà. Si l'on s'amuse à répondre à ce genre de caprices, on devrait alors fermer tous les établissements spécialisés. Les boulangers, les restaurateurs, les cafetiers, les pâtissiers et même les hôteliers devraient alors mettre la clef sous le paillasson durant tout le mois sacré de Ramadhan. Non, la plainte des riverains n'était pas recevable. Le voisin n'a pas le droit d'imposer ses propres convictions aux autres. Le texte coranique lui-même est à ce sujet très explicite et accorde au non-croyant le droit de vivre pleinement son intimité. «Nulle contrainte en religion», stipule le Coran dans la sourate Al Baqarah. Parce que si l'on commence aujourd'hui à contraindre les gens à jeûner, on sera amené plus tard à les obliger à faire la prière, la zakat et le reste. Ce serait imiter les intégristes de tout poil qui ont fait beaucoup de mal à ce pays et qui ont gravement dénaturé le message si tolérant de l'islam. Le procès des non-jeûneurs en est un faux. Les citoyens à Béjaïa, Tizi Ouzou et à travers tout le pays ont parfaitement compris cela. Ils se sont solidarisés avec les accusés, car il y va aussi de leur propre liberté. K. A.