Photo : Riad Par Karima Mokrani Ce n'est pas encore le Ramadhan et c'est déjà la fournaise dans les marchés des fruits et légumes à Alger. Les prix augmentent doucement mais sûrement pour saigner davantage les petites bourses qui s'inquiètent d'ores et déjà non seulement pour les dépenses du mois sacré mais aussi pour celles de la rentrée scolaire 2008/2009. Quinze jours avant le jour J, des ménagères reviennent presque bredouilles du marché. «Juste des pommes de terre et des tomates […] Pas de poivron, encore moins de salade pour ce soir», affirme, à la fois outrée et résignée, dans un marché de la commune de Belouizdad, une femme qui soliloque. La salade est à 80 et 100 DA le kg, alors qu'il n'y a pas une semaine, elle était seulement à 40 et 50 DA. Le poivron, un légume de saison, était à 30 et 45 DA, et la tomate à 15 et 20 DA. Ils sont montés respectivement à 65 et 25 DA. L'oignon est à 25 DA en attendant d'autres augmentations. La courgette est à 60 et 70 DA, alors qu'elle était à 40 DA il y a seulement quelques jours, et la carotte à 40 DA. Les prochains jours s'annoncent encore plus chauds en ce qui concerne les fruits : 80 DA les poire, 180 DA les pêches, 150 et 165 DA les raisins… Une augmentation sensible des prix est enregistrée pour ce qui est de la viande blanche : 220 et 240 DA le kg (il était à 170 et 180 DA). Pour la viande rouge, celle de veau notamment, la hausse reste pour le moment légère. Les ménagères doivent faire appel à leur ingéniosité dans la cuisine pour bien gérer le budget familial, en attendant les grandes dépenses et les grandes saignées du mois sacré de ramadhan. «Chaque jour, quelques dinars de plus. Ça va aller en augmentant […] C'est tout à fait normal. C'est le Ramadhan», lance, d'un air amusé, un jeune vendeur, avant d'annoncer aux hommes et aux femmes qui l'entouraient qu'il allait fermer boutique. Le vendeur, affolé, se presse d'emballer sa marchandise avant l'arrivée des policiers. «Ils vont bientôt arriver», son compagnon, alerté par téléphone par un vendeur qui venait d'être arrêté par la police. Les marchands ambulants, habitués au jeu du chat et de la souris, ramassent leur marchandise, invitant leurs clients à les rejoindre. Les citoyens les suivent à l'endroit désigné. «C'est encore plus cher à l'intérieur du marché couvert ou dans les magasins», affirme un homme qui ne quitte pas des yeux la camionnette qui s'éloigne. Une façon d'expliquer de manière tacite son soutien au marché informel. Il n'est pas le seul à réagir de la sorte. La majorité des citoyens, dans les quartiers populaires et ailleurs, font de même pour préserver leur porte-monnaie. C'est en partie la raison pour laquelle les pouvoirs publics n'arrivent pas à éradiquer le marché informel. Les vendeurs à la sauvette trouvent chez le consommateur du soutien et ils le lui rendent bien. Ils lui renvoient l'ascendeur en lui vendant légèrement moins cher que les commerçants légaux qui, eux, mènent une campagne contre cette concurrence déloyale en demandant aux autorités d'éradiquer le commerce parallèle. Mais, et c'est une expérience vécue, une fois les vendeurs à la sauvette chassés, les commerçants, en l'absence de cette «concurrence», deviennent les maîtres absolus des prix qu'ils n'hésitent pas à plafonner. C'est ce qui pousse les consommateurs à soutenir et à encourager le marché parallèle, et c'est ce qui complique le travail des autorités quand elles essayent d'y mettre un terme. C'est un véritable cercle vicieux, et pour en sortir l'Etat doit endosser pleinement son rôle de régulateur de toutes les filières de production.