Photo : Riad Par Karima Mokrani La réforme du système éducatif algérien a été officiellement achevée le mois de juin dernier avec, d'un côté, l'annonce du passage de plus de 1 300 000 élèves des classes des 5ème et 6ème années primaires au cycle moyen, marquant ainsi la fin de l'enseignement fondamental, et, d'un autre côté, la généralisation du nouvel enseignement secondaire dans tous les lycées du pays à partir de la rentrée scolaire prochaine qui aura lieu le 13 septembre. Le ministre, M. Boubekeur Benbouzid, ne manque aucune occasion pour dire sa satisfaction des résultats de cette même réforme décriée par des syndicats du secteur, des enseignants, des élèves, qui sont sortis dans la rue pour réclamer un allègement des programmes…, et des représentants de la société civile. Selon le ministre, les derniers résultats des trois examens de fin d'année (ex-6ème, BEM et bac), jugés «record» et «jamais enregistrés depuis l'indépendance du pays», témoignent de la réussite de la stratégie mise en œuvre depuis 2003. «C'est un bac pédagogique, non politique», répète souvent le ministre, en réplique aux nombreuses voix qui l'accusent, lui et tout le gouvernement, de jouer sur la quantité au détriment de la qualité pour un objectif «purement politique». En effet, nombreux sont les citoyens qui soutiennent, dur comme fer, que derrière cette réussite quantitative se cachent des manques et des échecs, sans compter les problèmes techniques, administratifs… et autres, auxquels le ministère est appelé à faire face pour maintenir un minimum d'équilibre dans l'école algérienne. Les défis à relever sont encore assez nombreux même si, devrions-nous le reconnaître, de grands efforts sont déployés pour construire davantage de structures éducatives (410 CEM et 111 lycées seront réceptionnés avant la fin décembre prochain), mettre à la disposition des élèves les manuels scolaires nécessaires (production de 59 millions de manuels dont près de la moitié sera distribuée gratuitement à une partie des élèves), ouvrir 26 000 postes budgétaires pour les enseignants et 950 autres pour les inspecteurs, etc. Il n'en demeure pas moins que l'école algérienne a encore du chemin à faire pour sortir la tête de l'eau. «Il n'y a qu'à voir le niveau de ces bacheliers qui arrivent en masse à l'université ! Rares sont ceux qui savent écrire une demande», entend-on dire des citoyens de différents âges. La qualité de l'enseignement laisse donc à désirer, de l'avis même de ceux qui exercent le métier, le justifiant par la qualité de la formation qu'ils ont eux-mêmes reçue à l'université, la précarité des conditions d'exercice de leur métier et le sous-paiement d'une grande partie d'entre eux. Devrions-nous rappeler, à ce propos, que beaucoup parmi ces enseignants, y compris dans les classes d'examen, exercent à titre de contractuels pour des salaires dérisoires qu'ils ne perçoivent qu'après des mois, parfois des années, sinon qu'ils ne perçoivent jamais. Le recours d'une cinquantaine d'entre eux à une grève de la faim qui les consume à petit feu depuis plus d'un mois -leur état de santé devient de plus en plus critique- témoigne de la précarité d'exercice du métier d'enseignant. Ce sont pourtant près de 40 000 enseignants suppléants qui exercent à titre de contractuels dans les trois paliers. Certains depuis plus de 10 ans. Les pouvoirs publics offrent à ces enseignants «une opportunité inégalée d'accéder à la titularisation» en passant un concours. Un concours qu'ils refusent majoritairement, arguant du fait que cet examen ne concerne pas toutes les spécialités et que «la liste des lauréats est connue à l'avance, avant même de passer le concours». Les rassemblements dans la rue et la grève de la faim restent donc pour eux l'ultime moyen d'exprimer leur droit à la titularisation sans condition de concours ou autre. Quant aux enseignants des lycées techniques qui continuent de dénoncer «la suppression de l'enseignement technique en Algérie», près de 80% d'entre eux se retrouvent en surplus, exerçant des tâches administratives… sans perspective d'avenir. Concernant le contenu des programmes scolaires, le ministre Benbouzid a promis son allègement, à partir de l'année prochaine, de façon à dispenser l'essentiel des cours sans trop encombrer ni les élèves ni les enseignants. Un nouvel emploi du temps, dans les trois paliers de l'enseignement, est d'ores et déjà arrêté avec le consentement de représentants de la famille éducative, selon les déclarations du ministre. Sa mise en application est prévue à partir de la prochaine rentrée scolaire (45 mn le cours au lieu d'une heure, en plus d'un cours quotidien de 15 mn sur l'éducation morale). Cette nouvelle mesure ministérielle sera-t-elle appliquée sérieusement ? Donnera-t-elle les résultats escomptés ? Attendons son application pour le savoir. Mêmes interrogations en ce qui concerne les cours de réadaptation pédagogique promis, encore une fois, par le ministre Benbouzid, au profit des élèves qui ont des retards (niveau scolaire faible ou des difficultés à suivre les cours), sachant le devenir des cours de soutien dispensés jusque-là dans certains établissements du pays.