Photo : S. Zoheir Par Amar Rafa D'aucuns vous diront que la récente sortie médiatique du président de la chambre basse du Parlement, M. Ziari, suscite beaucoup plus d'équivoques plutôt qu'elle n'en lève. Il est vrai que l'interviewé a eu le mérite d'être clair dans ses réponses, sur moult questions notamment, au sujet de la loi sur la criminalisation du colonialisme, la dissolution de l'APN et la commission d'enquête sur la corruption. Cependant, sur autant de questions, il a dégagé la responsabilité de l'institution qu'il dirige, en invoquant à chaque fois ses limites. De quoi s'interroger vraiment sur les prérogatives réelles ou supposées du pouvoir législatif et sur la nature des relations qu'il entretient avec les autres pouvoirs, exécutif notamment. A vrai dire, les pensionnaires de l'Assemblée nationale se plaignent souvent du rôle prépondérant du bureau -où siègent les partis aussi- qu'ils accusent de bloquer les initiatives et propositions de loi émanant de l'opposition et d'être contraints à la figuration. Ce n'est un secret pour personne qu'au lieu d'être examinées et débattues par les «représentants du peuple», les lois engageant l'avenir du pays passent par ordonnance. Si l'on considère que la session précédente est passée presque à blanc, le commun des mortels est en droit de s'interroger : à défaut de légiférer et d'enquêter, que reste-il de bien utile à faire aux députés ? La diplomatie parlementaire, pardi, vous diront certains. Mais n'est-ce pas là un bien maigre résultat, en contrepartie des avantages faramineux dont jouissent les pensionnaires de cette institution ? De plus, à considérer les commentaires de représentants des partis de l'opposition - qui en savent quelque chose - le jeu y est fermé. Dès lors qu'elle est tombée sous la coupe d'une alliance de trois partis, elle ne laisse qu'une très faible marge de manœuvre aux avis contraires. Pour eux, il n'y a qu'un pas qui n'est pas franchi, pour porter le coup de grâce à une assemblée, décrédibilisée. Cela, non seulement apporte de l'eau au moulin des plus sceptiques sur l'avenir de cette institution, qui appellent carrément à sa dissolution, mais aussi renforce ces partis dans leurs convictions et la qualifient déjà de «caisse de résonance» du pouvoir. Lors de l'émission radiophonique de samedi dernier, le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), M. Abdelaziz Ziari, a indiqué d'abord que le projet de loi criminalisant le colonialisme ne sera pas présenté au Parlement durant cette session ni la session qui suit, arguant de «considérations diplomatiques et juridiques». Il a fait savoir que la loi en question «n'est pas inscrite à l'ordre du jour de la session actuelle ni probablement pour la session qui suit». M. Ziari parlait-il au nom de l'institution ou du parti auquel il appartient, en l'occurrence le FLN, au nom duquel la proposition a été déposée ? Ou alors du gouvernement, surtout lorsqu'il souligne qu'un texte juridique relatif à cette question demande «beaucoup de réflexion» et pose également un «certain nombre de problèmes qui doivent être résolus». La décision semble bien dépasser les prérogatives du président de l'APN. Lesquels ? Aucune précision. En réponse aux formations politiques qui appellent à la dissolution de l'APN, M. Ziari a affirmé qu'il «n'a jamais été question d'adopter ces opinions ni d'organiser des élections anticipées». «Nous sommes une institution qui travaille et la majorité écrasante n'a pas demandé cela», a-t-il martelé. Par ailleurs, le président de l'APN a rejeté du revers de la main la revendication d'une commission parlementaire d'enquête sur la corruption, arguant du fait que la lutte contre ce phénomène n'est pas la mission d'une Assemblée nationale. Autre sujet : la révision constitutionnelle. M. Ziari a affirmé que la Constitution «a besoin d'une révision car elle était faite dans des conditions de difficultés énormes que le pays a connues». Jetant ensuite un pavé dans la mare, le président de l'Assemblée populaire nationale, en plaidant pour une nouvelle révision constitutionnelle, a ajouté que le président de la République est la seule personne qui peut engager le processus de la révision. Sur ce point encore, M. Ziari ne vient-il pas appliquer une consigne partisane en emboîtant le pas au secrétaire général du FLN qui n'a eu de cesse de le réclamer ?