Vingt-deux ans, jour pour jour, sont passés depuis les événements du 5 Octobre 1988. «Chahut de gamins» pour certains, «souffle démocratique» pour d'autres ou «règlements de comptes politiques» pour des tiers, cet épisode historique ne fait toujours pas l'unanimité. L'Algérie de la réconciliation n'aime pas désigner de coupable. Pour conséquences mythiques, Octobre 88 a instauré le multipartisme et l'ouverture du champ médiatique dans une parenthèse universelle ouverte par la glasnost et la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev. C'est le printemps démocratique. Celui qui précéda son aridité et sa torpeur. Un été étouffant qui s'installe en longueur. L'importance d'un événement se juge à ses séquelles. Celles du 5 Octobre sont lugubres : une scène politique pluriellement amorphe, une presse libre galvaudée, un coup d'Etat, et un état d'urgence instauré. Le tout dans un climat de démobilisation générale. Plus grave encore, la terre de l'Algérie indépendante abreuvée du sang des victimes (110 selon le bilan officiel et 500 d'après des sources médicales) s'est découvert un appétit vampirique. La violence dégagée de toutes parts, lors de cette date historique, annonçait des années de terreur. L'Algérie, qui auparavant n'avait enregistré qu'une centaine de hold-up en vingt ans, devient un théâtre de l'horreur. Chadli Bendjedid, le président de la République de l'époque, dans «un document historique et académique algérien publié récemment au Japon», et dont l'interview est en partie reprise par un confrère - notons que nos ‘‘vérités'' nous viennent toujours d'ailleurs -, avance que les événements d'Octobre étaient commandités par «certains membres du FLN». «Plusieurs responsables de l'appareil du FLN, et d'autres aussi, étaient contre la démocratie que j'essayais d'appliquer. La démocratie, la liberté de la presse et le fait de permettre au peuple de choisir ses représentants allaient mettre la lumière sur les erreurs des responsables. Tout cela mettrait en danger les avantages qu'ils avaient obtenus grâce au parti unique», aurait-il déclaré aux chercheurs japonais Kisaichi Masatoshi et Watanabe Shoko. Le 5 Octobre donc, est-ce le début de la fin ou la fin du début de la démocratie en Algérie ? Qui croire ?! Ce mercredi-là, des jeunes non introduits dans les intrigues politiciennes ont envahi les cités. Dénoncé le pouvoir en place. Revendiqué une vie meilleure. Au prix de leur vie. Manipulés ou non, ils n'en avaient cure. Ils réclamaient la liberté et la dignité. Ils en sont morts. D'autres ont choisi la harga. Dans la lutte pour la démocratie, il y a beaucoup d'appelés… S. A.