Les inflexions apportées à l'économie algérienne par la loi de finances complémentaire 2009 et la loi 2010 ont fait couler beaucoup d'encre. Les critiques portées au gouvernement algérien étaient essentiellement axées sur le crédit à la consommation, certaines modalités estimées lourdes pour l'investissement étranger. L'importation de véhicules de tous formats était fortement boostée par le crédit, ce qui aidait un peu les couches moyennes supérieures (fonctionnaires, enseignants, jeunes salariés). Mais comme l'Algérie ne fabrique aucun véhicule, le pays était transformé en un gigantesque comptoir où se déversent des camions, des grosses et petites cylindrées, des 4x4 pour gosses de riches. Et on disait avec juste raison que le marché algérien était «attractif» et «porteur». Bien entendu puisqu'il suffisait de mettre le véhicule (de moindre qualité que celui vendu en Europe et aux Etats-Unis) sur un bateau et il était, comme du pétrole, vendu avant d'être débarqué.Si les nombreuses visites effectuées par des politiques, des dirigeants d'entreprises venus de partout, ne doivent faire ni illusion ni trop rêver, l'Algérie demeure un marché, un site de potentialités avec une rente pétrolière conséquente mais pas durable. Tous les pays du monde reçoivent autant de visiteurs intéressés que l'Algérie parce que la crise, la mondialisation, la suprématie de la Chine suivie par l'Inde et le miracle rationnel du Brésil imposent la compétition internationale. La recherche de marchés dans lesquels celui de l'armement, prisé par des pays arabes (pour quoi faire ?) occupe une bonne place, est une obligation pour tous les dirigeants. Or, si le pays renferme de grandes possibilités pour les investissements privés nationaux et étrangers, force est de reconnaître les dysfonctionnements, la valse-hésitation pour asseoir une stratégie industrielle cohérente, lisible et porteuse sur le long terme. Les secteurs des services de pointe, les TIC, les transports, l'université et la recherche accusent des retards considérables alors que l'argent ne manque pas. Cela veut dire que les problèmes, les retards, les solutions et les blocages se trouvent ailleurs et que les liquidités ne règlent pas tout et elles suscitent la corruption, le gaspillage, un travail vite bâclé parce que la pression descend du haut vers tous les bas, etc. Les incohérences, l'absence de management éclairé par les sciences et le savoir et les pesanteurs idéologiques révolues parasitent les meilleurs plans, les motivations les plus sociales et handicapent des financements fort généreux par ailleurs. Au cœur du développement, il y a le moteur déterminant : la sphère politique et son fonctionnement. Si ce dernier est démocratique, s'il implique les citoyens, le pouvoir et les règles de l'alternance, s'il y a du débat transparent, cela peut donner le modèle brésilien. Dans le cas opposé, pratiquement unique au monde, cela peut être le modèle chinois, avec un parti unique, un régime autoritaire où le préfet supplante le maître «élu». L'Algérie est au beau milieu d'un croisement de régimes, de gouvernances et elle traîne encore des incohérences passéistes qui font «tourner la boutique» tant qu'il y a du pétrole. A. B.