Encore une fois, la stratégie industrielle revient sur le tapis, ce qui veut dire qu'on la recherche toujours, qu'on en rediscute des axes censés avoir été réfléchis, mis à l'œuvre en fonction d'un échéancier, d'objectifs scellés dans les textes, des financements et des managements identifiés et mobilisés. Des experts nationaux, intègres et compétents, au-dessus de tout soupçon, et parmi lesquels nombreux sont ceux qui ne sont à la recherche ni d'un poste ni d'une rente, ont longuement disserté sur ce rocher de Sisyphe. Et ils continuent, malgré l'autisme officiel, à le faire. Le dernier débat en date, d'envergure, a été organisé par le parti du FLN, présidé par le premier responsable de cette formation qui a multiplié durant le Ramadhan les forums sur l'économie, l'agriculture, l'audiovisuel, renouant avec une tradition née avec l'apparition des partis dans le monde. Le mérite du FLN est celui d'avoir ouvert ses portes, et pas à ses seuls militants, pour penser et dire l'état du pays, donc pour regarder l'avenir. Cette stratégie industrielle inaugurée dans les années soixante-dix en direction d'une construction socialiste, égalitaire, articulée autour de la souveraineté chèrement payée, opposée à la mainmise des groupes internationaux capitalistes, a connu tous les hauts et les bas possibles. Depuis, le monde a changé avec une mondialisation hégémonique et des échanges internationaux de plus en plus complexes dans lesquels la science, la recherche, les savoirs et la performance dans la réflexion et la gestion sont déterminants dans l'économie du monde. Et c'est dans ces domaines de pointe, en perpétuelle évolution vers l'excellence, donc la domination, la survie et le développement que l'Algérie accuse des retards. Ces derniers frappent de plein fouet les recettes du pétrole pour lesquelles un mauvais placement ou une gouvernance tatillonne, approximative ou improvisée tournent à la catastrophe qui déstabilise le front interne et la sphère de la production/ productivité. Dans cette dernière, le secteur privé né de la rente étatique, d'un système bancaire et d'un commerce intérieur gangrenés par l'informel, la corruption, d'énormes prêts consentis à perte, est à la traîne comparé à ceux de la Tunisie et du Maroc qui avancent avec assurance avec des indicateurs largement étudiés par l'expertise algérienne et internationale.La stratégie industrielle qui n'arrive pas à se voir fixer un cap pour aller à une vitesse de croisière est à chaque fois remise en cause, retardée, sinon à l'arrêt à chaque décision, à chaque loi de finances, à chaque scandale financier rendu public et à chaque revirement et changement intempestifs de braquet. Le code des investissements va être revu par une commission interministérielle. Le crédit documentaire qui fait couler beaucoup d'encre après avoir été officialisé dans la LFC 2009 est assoupli, explicité, rediscuté partout. Le crédit immobilier est avantageux pour les fonctionnaires et crée une fracture entre la catégorie des fonctionnaires et les autres, sachant que de larges pans de la jeunesse qui arrivent sur le marché du travail aimeraient bien devenir fonctionnaires. Mais tout le monde ne le peut pas. Cette fracture est-elle la bienvenue dans l'état actuel ? Il y a assurément une responsabilité à assumer par les rédacteurs de ladite LFC qui n'en finit pas de subir des inflexions, des dérogations plus ou moins avouées dans une parfaite cacophonie. Si les partis politiques qui comptent occultent le débat sur cette loi, les malaises, malentendus et dysfonctionnements se font jour secteur par secteur. Des concessionnaires de véhicules lourds annoncent l'existence d'un crédit à taux zéro sans passer pas une banque, dans un segment de marché très difficile. La LFC serait-elle à la carte ?Au milieu d'un listing de problèmes sérieux pour l'économie et la stratégie industrielle, avec une paupérisation à ciel ouvert, l'Algérie trouve les moyens de vivre de monstrueuses dérives dans la presse privée, avec des complicités rémunérées, des polémiques sur la couleur des blouses d'écolier, sur la chasse officielle des mangeurs de carême (choc des mots !) et le nikab comme dernière tendance de la haute couture nationale. Cela veut dire tourner le dos à l'industrie, violer la Constitution, qu'il y a un cap introuvable tout en plongeant les familles dans le blues de la blouse. A. B.