Les réactions des opérateurs économiques aux nouvelles mesures prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire ne s'arrêtent pas. La mise en application de ces mesures semble être considérée par les producteurs nationaux comme une véritable entrave. Outre la non-promulgation des textes d'application, qui aurait donné plus de clarté et de précisions sur les modalités et délais de la mise en exécution de cette loi, les opérateurs montrent une véritable crainte quant au devenir de leur activité mais également de toute l'économie nationale. L'autre facteur qui risque d'aggraver la situation est l'approche du mois de Ramadhan. L'annonce de ces nouvelles mesures en cette période délicate aura certainement des répercussions importantes sur la production ainsi que la commercialisation de tous les produits, en particulier ceux des secteurs alimentaire et industriel. L'introduction du nouveau mode de paiement des importations des matières premières est l'un des points cruciaux de cette loi. La Cipa estime que cette décision est bénéfique pour les fournisseurs étrangers, au détriment des opérateurs nationaux. Des décisions pénalisantes «C'est une décision qui pénalise lourdement les opérateurs économiques algériens et enrichit les fournisseurs étrangers.» C'est le constat fait par la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa), à l'issue d'une étude approfondie faite par l'ensemble des opérateurs autour du contenu de la loi de finances complémentaire. La mise en application de ce nouveau mode de paiement pour les importations a créé un véritable blocage pour les opérateurs qui ont déjà entamé les procédures d'importation et qui étaient en phase d'attendre l'arrivée de leurs équipements et outils de production ainsi que la matière première de plusieurs pays. «Cette loi est pénalisante pour les opérateurs qui importent la matière première utilisée dans la production nationale. Il se trouve que ces marchandises sont bloquées dans les ports et aéroports des différents pays et du nôtre également en raison des instructions données concernant l'application immédiate de ces décisions», a encore précisé la Cipa. Discréditer les opérateurs nationaux L'obligation de passer au paiement des importations à travers un crédit documentaire risque d'engendrer la faillite progressive et la mise de la clé sous le paillasson pour beaucoup d'entreprises. «Quelques patrons d'entreprises ont déjà exprimé leur incapacité de poursuivre leur activité dans de telles conditions de paiement. Les anciens modes de paiement pour la matière première ont créé une relation de confiance entre les fournisseurs et les opérateurs algériens. Cette nouvelle réglementation discrédite les opérateurs nationaux vis-à-vis de leurs partenaires étrangers, renforce la trésorerie des fournisseurs étrangers et étrangle l'opérateur national, qui va soumettre sa trésorerie à un gel de 90 jours dans l'attente de la matière première nécessaire à son activité», a expliqué la Cipa. Devant cet état de fait, l'organisateur s'interroge : «Où se situent donc les slogans de développement économique, extension de l'outil de production, management pour gagner des marchés intérieurs et extérieurs ?»La Cipa critique, par ailleurs, la forme de la prise de décisions qui a pris cette fois l'allure d'une décision unilatérale. «C'est une décision prise sans concertation ni préavis. Elle est considérée comme un coup de grâce asséné à l'outil de production national et suscite des soucis chez les opérateurs qu'ils soient producteurs ou transformateurs quant à la préservation des postes d'emploi créés jusque-là», a encore souligné le communiqué transmis hier à notre rédaction. Les opérateurs s'estiment lésés dans la mesure où l'élaboration de cette loi a été précédée, dans un passé récent, de réunions de concertation, de débats et de conférences entre les représentants des pouvoirs publics et les acteurs concernés. «C'est une décision qui ne tient pas compte de l'approche du mois de Ramadhan, ni de la rentrée sociale, ni de la dégradation du pouvoir d'achat des citoyens ou encore de la tenue de la tripartite en automne», a souligné la Cipa. Toujours dans le même contexte, les patrons s'interrogent sur l'utilité et les objectifs du pacte économique et social. Ils rappellent qu'ils continuent de soutenir et d'appuyer les décisions des pouvoirs publics pour lutter contre l'informel et le commerce de bazar. Un tsunami ! Les conséquences de ces décisions peuvent produire, selon cette organisation patronale, l'effet contraire. «L'effet peut être comparable à un véritable tsunami rasant toute liberté d'investir et initiative de création d'emploi.» La Cipa rappelle la mission de régulation de l'Etat et de son importance pour éviter d'éventuelles crises, comme cela s'est produit par le passé. Ils rappellent, dans le même contexte, les nombreux engagements prononcés par l'Etat n'ayant toujours pas été concrétisés en vu de booster l'économie nationale et de promouvoir la politique de relance de la PME et la création d'emploi. D'autres opérateurs se sont interrogés sur l'annulation des crédits à la consommation. «Les familles algériennes sont surendettées certes mais elles payent à temps. S'il y a une mesure idoine à prendre pour arrêter l'importation anarchique, on aurait dû penser à mettre en place un système tarifaire clair ou à imposer des taxes plus élevées sur les produits qu'on estime inutiles», a expliqué un opérateur, qui estime que généraliser cette mesure aux matières premières constitue un véritable désastre pour l'économie du pays. Concernant la mesure consistant à obliger le président de l'entreprise à effectuer toutes les opérations de dédouanement et de domiciliation, les opérateurs s'insurgent et se demandent à quoi sert le recrutement des cadres qui s'occupent des finances, comptabilité et autres. «Ce sont des entreprises avec un personnel qualifié qui s'occupe de toutes les tâches, pourquoi donc obliger le propriétaire à faire tout ? Cela va à l'encontre des mesures incitatives au recrutement», a-t-il expliqué. Que font les banques ? L'orientation des crédits vers l'immobilier n'est pas une solution, selon ces opérateurs. «Le problème du foncier est situé dans l'offre et non dans le financement. Comment demander aux salariés de 30 000 dinars de demander un crédit immobilier alors que les assiettes et les logements sont inexistants ?», se sont-ils demandés. «Il est plus préférable de soutenir la construction du logement pour qu'il soit accessible à tous», dira-t-il. Beaucoup d'interrogations sont également posées concernant le rôle des banques et leur solvabilité face à l'annulation des crédits. «Nos banques sont considérées comme étant des caisses, elles n'ont pour mission que d'octroyer des crédits. Ce qui leur engendre d'importants gains d'ailleurs. Que vont-elles faire avec la suppression du crédit à la consommation ?», s'est-il encore interrogé. Les autres organisations patronales continuent de faire une lecture et une analyse des décisions contenues dans la loi de finances complémentaire. C'est le cas de la Confédération générale des opérateurs algériens (CGOA), qui a mobilisé les membres du conseil national pour effectuer un travail dans ce sens et rendre publiques les conclusions adéquates dès samedi.