Photo : S. Zoheir Par Amirouche Yazid L'opération de relogement suit son cours à un rythme assez accru. L'effet attendu, à savoir l'éradication des bidonvilles, risque cependant de ne pas se produire même si les chiffres des autorités suggèrent une autre lecture. Une évaluation faite par la wilaya d'Alger indique en effet que près de 7 000 familles ont été relogées dans la wilaya d'Alger durant les premiers mois de l'année en cours. Toujours dans le registre des évaluations, le conseiller du wali d'Alger, Mohamed Maras, soutient que «l'objectif tracé a été réalisé à 70% avec le relogement de 6 946 familles issues d'habitations précaires à Alger-centre dans de nouveaux logements au niveau de plusieurs sites, à la faveur de 10 opérations supervisées par la wilaya». Ce responsable prédit également la fin des bidonvilles. «Au début 2011, toutes les familles issues d'habitations anarchiques à Alger-centre seront relogées avant le relogement des familles résidant dans des quartiers situés à l'extérieur de la ville», avait-il promis en pleine saison estivale. Il est vrai que des bidonvilles ont disparu de la carte de la capitale. Cette disparition risque néanmoins d'être conjoncturelle, comme le laisse prévoir la voix du peuple, qui parle d'une «réémergence» de bidonvilles, avec, dans certains cas, une «succession» quasi héréditaire dans les habitations de fortune. D'autres bidonvilles «tiennent» toujours. Jusqu'à nouvel ordre. Pourtant le volume du relogement est tellement conséquent qu'il est censé générer la mort des bidonvilles. La question est d'autant plus complexe au vu de la tournure qu'elle a prise ces derniers mois. Elle se résume au fait que les autorités invitent les gens à investir la rue, parfois dans la violence et la brutalité, pour faire valoir leur besoin de logement. On l'a vu à travers les quatre coins du pays où les émeutiers réclament des logements décents et de préférence là où ils le souhaitent. Et pour y accéder, le bidonville est devenu incontournable. «Ils se sont installés ici il y a quelques années, maintenant, ils viennent de bénéficier d'un appartement», témoigne-t-on. C'est à ce niveau qu'est largement engagée la responsabilité des autorités. Avec le passe-droit, le clientélisme, le népotisme qui marquent les mœurs de l'administration, les Algériens ont fini par se rendre à l'évidence -signe de la déliquescence de la gestion administrative- que, pour figurer sur la fameuse liste de bénéficiaires, il est vain de se conformer aux règles d'usage. Il est plutôt recommander d'emprunter des circuits informels pour que le rêve se réalise. Autrement, le cauchemar s'éternisera. Des milliers de familles en vivent l'amère expérience. Leurs dossiers traînent dans les bureaux de l'administration qui fait la promotion des procédés informels au détriment du respect de la réglementation. Rien d'étonnant de la part d'élus locaux promus à des postes qui ne correspondent guère à leur profil. Il faut ajouter à cela la concentration des prérogatives de décision entre les mains de l'administration locale. Cette hiérarchie de délibération a ainsi rendu plus efficaces les circuits parallèles qui accaparent tous les biens, notamment le logement, ce toit que cherchent beaucoup d'Algériens. Le résultat est déroutant à ce sujet : les chances d'accéder à un logement par le biais d'une formule légale sont insignifiantes au moment où le sort d'une demande «élue» par le maire ou le chef de daïra est connu d'avance. Les citoyens se font ainsi une idée du procédé qui les rapprocherait du logement. Il consiste à se rapprocher d'abord du cercle de décisions territorial qui promet «logement et autres» l'espace d'une mandature, souvent renouvelable. Cette situation d'attribution des logements ne répond à aucun critère. Plutôt que de procéder par équité et priorité, la sélection se fait par filiation et par tribalisme. Le gendre ou l'oncle de Monsieur le wali peut bénéficier d'un logement social à 17 ans alors qu'une famille victime du séisme risque de souffrir éternellement dans un chalet. C'est la triste réalité de l'administration algérienne qui promet depuis des années un fichier national du logement qu'elle n'a pas pu établir. Les autorités locales et leurs relais associatifs n'hésitent pas, en revanche, à encadrer les opérations de relogement en attendant que les néo-logis bénéficient d'un meilleur cadre de vie notamment en matière d'école et de moyens de transport. En ce qui concerne le devenir des terrains après l'évacuation des occupants des bidonvilles et la destruction de ces derniers, la question restera pendante pendant longtemps. Que sera-t-il fait des terrains où pullulaient des bidonvilles et autres habitations de fortune ? Nul doute qu'ils attisent les convoitises de potentiels usurpateurs. Au niveau des assemblées locales, on parle de la transformation de ces sites en aires de jeux et autres espaces verts.