Après le revers des Démocrates, l'obamania ambiante qui avait emporté tout sur son passage, voilà deux années, semble avoir reçu son premier véritable uppercut politique. La défaite était certes prévisible mais au lendemain du scrutin, un sentiment de grande déception a marqué les esprits non seulement aux Etats-Unis mais aussi dans le monde où la victoire de 2008 avait été jugée comme la fin ou le début d'une époque. Après deux années de forcing à la limite du fair-play politique, le Parti républicain a réussi à inverser la tendance. Les Républicains ont désormais la majorité à la Chambre des représentants et dix sièges de gouverneurs passent dans leur camp. Après l'échec des Démocrates, Barack Obama est condamné à changer de méthodes pour arriver à bon port et entamer la présidentielle de 2012 dans les meilleures dispositions. La nouvelle configuration induite par les résultats des élections de mi-mandat va donc imposer un véritable challenge à Obama. Il a intérêt désormais à travailler avec les Républicains comme l'avait fait dans les années 90 Bill Clinton. En effet, l'un des messages de cette élection semble être que les Américains souhaitent une entente bipartisane à la tête de la décision en Amérique. Pour l'heure, les deux camps donnent des signes de vouloir effectivement travailler de façon collégiale. Barack Obama a rapidement félicité Joan Benner. Celui qui sera probablement le nouveau président de la Chambre s'est dit, de son côté prêt à coopérer avec le locataire de la Maison-Blanche. Mais à condition que le Président «change de cap». La cohabitation risque donc d'être extrêmement difficile tant la différence quasi idéologique des deux grands partis est patente. Obama a été longtemps considéré par certains milieux de droite comme un «dangereux socialiste» venu saper les bases sur lesquelles a été bâtie l'Amérique. Idéologique ou pragmatique ? Selon des observateurs, les perspectives politiques de Barack Obama seront différentes. Pour l'ancien maire de New York, Rudolph Giuliani, Obama devrait montrer au cours des deux prochaines années, «s'il est idéologue comme Truman ou pragmatique comme Clinton». S'il est idéologue, il adoptera la méthode Truman. En 1948, submergé par un raz-de-marée républicain, le président démocrate avait décidé de poursuivre son programme législatif consistant à nager à contre-courant et il avait réussi. Si Obama est pragmatique, il adoptera la méthode Clinton. En 1994, même scénario. Les Républicains arrachent la Chambre. Mais en politique clairvoyant, Clinton accepte des compromis avec la nouvelle majorité, et lorsqu'une loi est acceptée il prend le crédit à son compte. Quelle voie choisira un Barack Obama à la personnalité politique bien particulière ? D'un autre côté, les Républicains ne peuvent pas se cotonner dans une intransigeance sans fin. Continuer à dire constamment non, comme ils l'ont fait jusqu'à présent, pourrait s'avérer contreproductif. Les Républicains doivent adopter un nouveau rôle. Ayant de nouveau une part du pouvoir, ils sont redevables de résultats sinon ils risquent d'être renvoyés de nouveau dans deux ans. Cette nouvelle victoire ne fait pas immédiatement des Républicains les maîtres du Capitole. Il leur faudra attendre jusqu'à janvier, date de l'installation du Congrès issu de ces élections. Ce délai devrait être consacré à préparer leur entrée en force et le remplacement de leur «ennemie jurée», Nancy Pelosi. Ce temps sera également mis à profit pour aménager avec le Président une future cohabitation qui s'annonce plutôt bancale. Le Sénat est resté de justesse à majorité démocrate. Les Républicains devront surfer sur la victoire : «Les choses peuvent réellement changer puisqu'ils dominent la Chambre basse.» Mais mettre en œuvre leur programme ou tenter le démantèlement de la réforme du système de santé ne sera pas aisé. Les Républicains sont divisés entre les modérés et les fameux Tea Party. Le risque demeure le fait que le Congrès et la Maison-Blanche entrent dans une phase de blocage total. Mais c'est une situation relativement courante dans l'histoire institutionnelle des Etats-Unis. Beaucoup de revirements électoraux ont marqué la vie politique américaine. La classe politique a appris à les gérer, en procédant quand il le faut à des compromis «pour le bien des Etats-Unis d'Amérique». Le Proche-Orient, une carte double Au-delà du changement du paysage politique qu'elles devraient provoquer à Washington, les élections américaines de mi-mandat risquent d'avoir un impact sensible sur le laborieux processus de paix au Proche-Orient. Relancées avec un battage médiatique remarqué en septembre par Barack Obama, après 20 mois de suspension, les négociations directes ont vite buté sur une sournoiserie israélienne qui joue la montre pour imposer le fait accompli. Le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu profitera ainsi de ce revers du chef de la Maison-Blanche pour renforcer davantage ses vues et convaincre Washington d'imposer de nouvelles concessions aux Palestiniens et aux pays arabes. Benyamin Netanyahu sait allégrement qu'il pourra compter sur ses nombreux et influents amis au sein du Congrès, traditionnellement soucieux de la sécurité du plus proche et fidèle allié de Washington au Proche-Orient. Chaque année, le Congrès vote à l'unanimité une aide de 2,5 milliards de dollars à Israël qui occupe des terres de façon illégale. L'histoire récente retiendra que lorsque Barack Obama s'est risqué à une petite «bouderie», l'an dernier, avec Israël au sujet de la poursuite de la colonisation juive, il s'est heurté à une vive résistance des Républicains. Ces derniers ont dénoncé sa faiblesse sur les questions de «sécurité fondamentales et son injustice envers un allié fiable». Le chef de la Maison-Blanche a dû faire promptement machine arrière. Le lobby pro-israélien aux Etats-Unis a montré si besoin est sa puissance au plus haut niveau de l'Etat. D'un autre côté, le revers électoral des élections de mi-mandat pourrait au contraire convaincre Barack Obama qu'il n'a plus rien à perdre à acculer Israël afin d'obtenir les compromis douloureux seuls à même de déboucher sur «un compromis de paix historique». Barack Obama pourrait bien utiliser la seconde moitié de son mandat pour se tailler une place dans l'histoire en arrachant un «accord» mettant fin à 60 ans de conflit au Proche-Orient. M. B.