Photo : M. Hacène Par Samir Azzoug «L'Algérie, de façon générale, prend ses engagements internationaux très au sérieux», attestait, hier, Mme Rashida Manjoo, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes. «Le pays s'est distingué dans la promotion de la parité des genres dans les domaines économiques et sociales», poursuit la juriste sud-africaine, invitée par le gouvernement algérien pour établir un rapport thématique sur la violence à l'égard des femmes dont les conclusions seront présentées au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU en juin 2011. «Je ne suis pas une fonctionnaire de l'ONU. Je ne suis pas employée par un gouvernement ou une ONG. Mon mandat porte sur l'évaluation des causes et conséquences de la violence à l'égard des femmes sur invitation des gouvernements. Ma mission est le suivi approfondi et l'appréciation des progrès réalisés en la matière», précise Mme Manjoo, pour lever toute équivoque. En termes de constat, elle refuse de s'engager dans une logique de comparaison jugée «inutile, car la violence contre les femmes est un phénomène mondial qui n'épargne aucun pays. Un seul cas est un défi. C'est pour cela que je ne veux pas débattre de comparaisons». L'oratrice situe d'abord la condition sociale du pays par des repères historiques, sociologiques et sociétaux. «Le traumatisme causé par la guerre d'indépendance, la violence induite par l'instrumentalisation de l'islam, la dislocation des valeurs sociales ont, entre autres, causé beaucoup de dégâts. Le passé est très douloureux et très proche», relèvera-t-elle. Pour revenir au constat, la rapporteuse onusienne énumère les réalisations en matière de protection des droits de la femme tels que la mise en place d'un centre national d'étude sur la famille, la femme et l'enfance, la désignation d'un ministère délégué de la Famille, le soutien de l'Etat aux programmes de lutte contre la discrimination entre les genres et la violence à l'égard des femmes, les réformes législatives en la matière ainsi que l'adoption de la loi-cadre pour la représentation des femmes dans les instances élues par la mise en place de quotas. Autant de mesures que Mme Manjoo a approuvées. En parallèle, la conférencière ne cache pas les lacunes importantes constatées lors de son séjour de dix jours en Algérie. Elle notera, en premier lieu, l'absence de statistiques actualisées et efficientes du phénomène de la violence contre les femmes. Elle révèle que les chiffres mis à sa disposition datent de 2002. Ils faisaient état d'une fréquence d'une femme sur dix violentées en Algérie. La rapporteuse de l'ONU engage, d'un côté, l'Etat à effectuer des études approfondies sur le phénomène. Et d'un autre, la société civile et les associations de présenter leurs statistiques propres. En second lieu, Mme Manjoo relève également le manque de dénonciation, l'absence de mécanismes pour la prise en charge des victimes et l'insuffisance des centres pour la prise en charge des groupes vulnérables. Elle met également en exergue le défaut d'interprétation et d'application des lois, tout en soutenant que le cadre légal n'est qu'un moyen de dissuasion et de répression contre ce fléau. «Les Algériens ont besoin de débattre sur les contraintes culturelles, sociétales et légales pour prévenir les violences. Il faut un partenariat public-privé et une coopération sérieuse entre la société civile et l'Etat pour briser le silence culturel», prône-t-elle. Quant aux types de violences perpétrées à l'égard des femmes, Mme Manjoo précise que le même constat fait dans le dernier rapport des Nations unies en 2007 est d'actualité, à savoir le viol domestique, le harcèlement sexuel dans les lieux de travail et dans les espaces publics.