Malgré les nombreux cas, les pouvoirs publics n'arrivent pas à bien cerner ce phénomène. «L'absence de statistiques sur la violence contre la femme est confirmée lors de mes différentes discussions avec les responsables de l'Etat. Le rapport contenant des chiffres sur ce phénomène date de 2002.» Ce constat peu reluisant a été fait par Rashida Manjoo, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre la femme, lors d'une brève conférence de presse tenue, hier, au siège de l'APS. L'absence de chiffres et de statistiques fiables liés à cette «misogynie» dure presque une decennie. L'Algérie ne semble pas troquer le statut d'apprenti qui lui colle à la peau depuis des décennies. Dans cette optique, la conférencière affirme qu'un seul cas de violence constitue un défi à prendre très au sérieux. «Aucun pays n'en est exempt», fait-elle savoir. Malgré la prolifération des cas, on parle d'une société phallocratique, les pouvoirs publics n'arrivent pas à bien cerner cette violence qui étend ses tentacules. Jusqu'à quand continuera-t-on à se contenter des chiffres dont disposent les services de sécurité? L'oratrice sud-africaine appelle à la création d'un centre spécialisé à même de briser le mur du silence. Hantées par le regard d'autrui et l'éventuelle vengeance, plusieurs femmes préfèrent ressentir tout bas ce que l'homme a commis sans âme. L'enseignante à l'université de Cap Town n'y est pas allée avec le dos de la cuillère pour demander des sanctions contre les fauteurs. «Il faut apprendre à punir et offrir la compensation.» La juriste va droit au but. A ces deux propositions, «elle exige des mécanismes constitutionnels performants». Elle voit en la mise en place d'une législation spécifique une exigence immédiate. Sans cela, l'Algérie continue à compter ses victimes, si nombreuses. Rashida Manjoo affirme également avoir constaté un vide juridique criant. «Des progrès restent à faire, notamment au niveau de la loi.» Une loi universaliste et généraliste, comme l'a qualifiée Iamarène Dalila Djerbal, sociologue de renom et membre du réseau Wassila. Dans les textes, on évoque uniquement la violence commise en milieu public. Lors de sa mission en Algérie, la rapporteuse spéciale des Nations unies a-t-elle rencontré des difficultés pour dialoguer avec la société civile? «Nos rendez-vous ont été tenus de façon très respectueuse», répond Mme Rashida Manjoo. Après ces nombreuses remarques défavorables à un pays qui se dit conscient de l'importance de la femme dans la société, celle-ci laisse échapper quelques propos encourageants. «Ma venue qui intervient trois ans après celle de ma prédécesseur, reflète la volonté du gouvernement algérien de respecter ses engagements.» S'agissant des femmes, qui préfèrent recourir à des examens médicaux pour signaler l'agression dont elles ont fait l'objet, l'oratrice préfère la justice. Le travail qu'accomplit Mme Manjoo n'est pas de tout repos. A-t-elle rencontré les femmes des disparus? «Non, il s'agit d'un programme lourd», dit la juriste. Qu'en est-il de celles de Hassi Messaoud qui souffrent quotidiennement? «On a rencontré des responsables de la société civile et on a eu des informations contradictoires. C'est une question de justice», poursuit l'universitaire sud-africaine. Elle promet, cependant, de faire plus de recherches et elle exige l'objectivité des différentes parties concernées. Les conclusions de sa mission seront rendues publiques en juin 2011.