Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani A quelques jours de l”Aïd El Adha, c'est une véritable explosion de l'informel à Annaba qui envahit tous les espaces et qui se présente comme étant le seul secteur «florissant» dans une économie locale presque complètement extravertie. Les marchandises affluent de partout, du souk dit de Dubaï, d'El Eulma, de Tadjenanet mais aussi de Tébessa et des frontières avec la Tunisie toute proche, devenue une véritable passoire que les contrebandiers traversent allégrement de jour comme de nuit. Maintenant, on est passé à la vitesse de croisière et on ne craint rien ni personne puisqu'on s'installe en plein centre-ville transformé depuis près de dix jours en grand bazar à ciel ouvert. Tout se vend, tous les articles en relation avec le sacrifice de l'Aïd El Adha, cela va du simple crochet de boucher à la couscoussière en passant par tous les autres ustensiles de cuisine, couteaux, fourchettes, plats, serviettes, brochettes, fendoirs, hachettes et autres articles sont exposés à même le sol sur les trottoirs et même sur la chaussée. Un désordre total, une anarchie telle avec le mouvement des clients qu'on arrive à peine à se faufiler pour passer entre ces étalages généralement posés sur des bâches et des cartons. Tout le marché El Hattab et ses environs sont envahis par des vendeurs dont l'âge ne dépasse pas la plupart du temps les 25 ans. Une force de travail détournée et employée dans l'informel qui ne peut que nuire à l'économie puisque échappant à toute forme de contrôle des services de l'Etat. Un Etat complètement absent et ses agents en hibernation ne se hasardent même plus dans ces rues livrées à des parasites de toutes sortes qui profitent de la situation. Le ministère du Commerce, ses directives, la nouvelle réglementation régissant le secteur n'ont pas droit de cité à Annaba, comme si cette ville n'est pas concernée. Ce qui relève du surréalisme, c'était que l'inspection des impôts située près de la place champ de Mars est assiégée par ces vendeurs établis sur les trottoirs mitoyens, narguant ainsi les services de l'Etat. Au Pont Blanc, le siège flambant neuf de la Direction du commerce avec ses deux sous-direction, contrôle des prix, concurrence et contrôle de la qualité et répression des fraudes, à quelques dizaines de mètres, c'est la pagaille. Des écuries improvisées dans des garages de villas et de constructions servant d'habitations vendent des moutons, un marché devenu habituel à chaque approche de l'Aïd. Odeurs nauséabondes, paille, déjections animales et autres désagréments indisposent et agressent tous ceux qui empruntent ces lieux qui sentaient jadis le jasmin et étaient fleuris de lilas. Des prix qui dépassent l'entendement Et en cette occasion, c'est la campagne qui s'installe dans la ville de Annaba. Presque chaque quartier populaire est transformé en marché aux bestiaux au grand dam des citadins. Maquignons enturbannés aux longs tabliers, ovins gambadant dans les rues, clients qui marchandent, bêlements et parfois course poursuite parce que l'une des bêtes effarouchée s'est échappée, une vision indigne d'une ville qui prétend être touristique et qu'on avait pompeusement baptisée «La Coquette». En fait de coquette, il n'en reste plus rien. Les prix pratiqués par ces maquignons dépassent l'entendement, le prix du bélier atteint parfois les 60 000 DA et les enchères vont crescendo. On ne peut rentrer avec son mouton sans avoir déboursé au moins 20 000 DA, somme à défalquer d'un salaire dérisoire qui, déjà en temps normal, ne tient pas une semaine. Les marchés aux bestiaux dépendant de la commune de Annaba ou de celles limitrophes ne sont pas aussi alimentés que les quartiers ou les bords des routes; des milliers de bêtes y sont vendues chaque jour, des milliards qui échappent totalement au circuit bancaire et à tout contrôle. Aux alentours immédiats du marché couvert situé en plein centre-ville, ce sont les magasins de vêtements à l'air libre qui ont pignon sur rue, la marchandise d'importation est étalée devant les boutiques des commerçants déclarés qui n'osent même plus protester. Derrière le théâtre régional, ce sont des étalages de marchandises dont les prix dissuadent les plus hardis. La flambée ne concerne pas seulement les articles made in, ceux dits nationaux et de consommation courante connaissent depuis quelque temps des pics jamais égalés, Aïd oblige. Les vendeurs sachant que le citoyen est contraint d'acheter avant cette fête religieuse, quels que soient les prix pratiqués, profitent de la situation et s'entendent entre eux pour tirer le maximum d'articles qui, en temps normal se vendent à des prix moindres et à chaque fois cela est de mise en l'absence d'un contrôle rigoureux et coercitif. Si l'on se réfère aux propos du ministre, le 21 septembre dernier, 40 000 infractions ont été enregistrées et plus de 2 780 commerces ont été fermés durant le Ramadhan. Ceci concerne, bien sûr, uniquement les commerces inscrits au registre, les autres qui existent et s'imposent c'est-à-dire ceux relevant de l'informel foisonnent un peu partout sans qu'il y ait aucune mesure de l'autorité en place. Pourtant la loi portant sur les règles et principes applicables aux pratiques commerciales publiée au Journal officiel n° 41 du 27 juin 2004 est claire ; dans son article 14, il est stipulé qu'il est interdit à toute personne d'exercer des activités commerciales sans qu'elle ait la qualité définie par les lois en vigueur. Une loi qui n'est pas appliquée sur le terrain et ceux qui la transgressent et la violent chaque jour sont légion.