Le «pays des éléphants» s'enfonce de nouveau dans la crise. L'élection présidentielle censée enterrer complètement les démons de la discorde et la haine induite par la guerre civile risque de mettre en péril le calme précaire que vit le pays. Le président sortant Laurent Gbagbo passe en force et se déclare chef de l'Etat au grand dam de son rival Alassane Ouattara, reconnu pourtant président élu par la commission électorale. Une affirmation qui n'est pas du goût du Conseil constitutionnel qui annonce la victoire de Laurent Gbagbo avec 51,45% des suffrages au second tour de la présidentielle du 28 novembre. Seul contre les puissances mondiales comme il l'avait été après l'éclatement de la «sanglante» crise politico-militaire de 2002, le chef de l'Etat en exercice a déjà commencé à conforter son pouvoir. Les grands chefs de l'armée régulière, dont la position est décisive pour l'issue de cette crise, se sont ralliés à Gbagbo au pouvoir depuis 2000. Sur le plan sécuritaire, la situation s'est encore tendue à Abidjan. Les partisans d'Ouattara protestent avec barricades et pneus brûlés. Coupée en un Sud loyaliste et un Nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch manqué de septembre 2002, la Côte d'Ivoire est plus que jamais dans la logique du pire. La victoire d'Ouattara a été reconnue sur le plan international. Le chef des Nations unies Ban Ki-moon a demandé «au président élu de travailler pour une paix durable, la stabilité et la réconciliation en Côte d'Ivoire». Son représentant dans le pays, Youn-jin Choi, avait contesté les résultats du Conseil constitutionnel, qui a octroyé la victoire à Gbagbo en annulant des votes considérés comme «douteux» dans le Nord. Les autorités ivoiriennes n'ont pas du tout apprécié la réaction du représentant de l'ONU. La présidence ivoirienne a considéré comme «très grave qu'un haut fonctionnaire de l'ONU veuille désigner le président de la Côte d'Ivoire», menaçant d'expulser cet «agent de déstabilisation». Outre l'ONU, l'Union européenne et les Etats-Unis ont reconnu la victoire de l'ex-Premier ministre Ouattara et demandé au président sortant de reconnaître sa défaite. La France a également pris fortement position, alors que les partisans de Gbagbo estiment que l'ex-puissance coloniale «a raté son coup d'Etat». Fait nouveau qui ne manquera pas de compliquer davantage une situation appelée à se durcir : le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a annoncé qu'il reconnaissait Alassane Ouattara comme président. Mieux, qu'il était prêt à lui remettre la démission de son gouvernement alors que Laurent Gbagbo s'apprête à être investi chef de l'Etat. Soro a jugé «injuste et inacceptable» la décision du Conseil constitutionnel de proclamer Gbagbo vainqueur en invalidant les résultats de la commission électorale qui donnaient son rival en tête. Chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui contrôle le nord du pays depuis le coup d'Etat manqué de 2002, Soro a coexisté avec le pouvoir en place en acceptant en 2007 le poste de Premier ministre sous Laurent Gbagbo. Une cohabitation résultat de l'accord de paix d'Ouagadougou. M. B.