De notre correspondante à Tlemcen Amira Bensabeur Deux nouveaux ouvrages, les Canons de l'harmonie en architecture : application à l'architecture musulmane en Algérie et l'évocation artistique en architecture musulmane : fondements et préceptes viennent de paraître aux éditions marocaines Nadjah. Ecrits par le docteur Sidi Mohamed El Ghaouti Bessenouci, chercheur à l'université Abou Bakr Belkaïd de Tlemcen, ces deux ouvrages évoquent la civilisation musulmane qui s'illustre par une architecture très riche et diversifiée, notamment en Algérie qui a vu le passage de plusieurs dynasties. Cette architecture multiple se caractérise par une très grande sobriété des lignes et un foisonnement extrême des détails architecturaux. L'auteur a tenté à travers ses deux ouvrages de montrer les caractéristiques de l'art architectural qui est influencé par les préceptes de l'islam et la pensée islamique. D'abord, il faut que l'architecture soit considérée comme la synthèse d'un art et d'une science et non seulement comme l'expression de l'un ou de l'autre. Les ouvrages conduisent le lecteur à faire un voyage dans le temps pour redécouvrir les merveilles d'un legs qui malheureusement se trouve entre de mauvaises mains : les effets de la nature, d'une part, et l'incivisme de l'homme, d'autre part.A travers ses écrits, l'universitaire a tenté de lancer un message civilisationnel qui repose sur les fondements scientifiques de l'architecture. Un message fort à qui de droit, afin que tout un chacun puisse contribuer à faire aboutir le dialogue engagé sous toutes les latitudes, et par là prendre des décisions fermes visant à protéger notre legs, cette beauté qui, malgré le temps, persiste, résiste et demeure de nos jours debout malgré tous les aléas. Le Dr Bessenouci a évoqué cette riche architecture algérienne héritée des différentes dynasties qui ont fait l'histoire du pays, puisque la majorité des monuments célèbres sont religieux, notamment les mosquées, étant donné que, dans les cités musulmanes, la mosquée occupe une place centrale. Lieu de culte, elle est aussi une école, un centre culturel et un lieu social. Une mosaïque des arts de toutes les civilisations Ainsi, dans le premier ouvrage, l'Evocation artistique en architecture musulmane : fondements et préceptes, l'auteur précise que ce que la civilisation musulmane a su faire, et que sans doute aucune autre culture n'a pu accomplir, c'est que de la grande multiplicité des peuples qui la composent, elle a su créer une synthèse extraordinaire autour de la Parole divine. «En effet, au-delà des problèmes de méthode, ce qui fait unité - nonobstant cet aspect dispersé de l'art musulman - c'est le caractère centrifuge de la parole sacrée écrite. Elle aimante et satellise tout ce que le génie musulman empruntera d'abord aux civilisations plus anciennes et développera par sa capacité unique de synthèse, celle de faire coïncider dans des concomitances absolument nouvelles des esthétiques et des manières de faire qui s'ignoraient jusque-là», fera remarquer l'auteur. Aidé par son aspect abstrait, tout l'art islamique, tient-il à préciser, est d'abord et surtout un effort d'embellissement pour la parole miracle du Coran et la question que l'artiste musulman se posera en permanence sera comment rendre au contenu incommensurable de chaque mot la majesté qu'il exige.«Ainsi, tous les arts, du plus important au plus mineur, auront à apporter la preuve de leur dignité à se mesurer à ce défi et par là même à tracer les contours d'un Islam plus profond et plus pérenne. Etudier l'art islamique, aujourd'hui, relève en même temps de l'histoire et de la critique d'art, car pour chaque objet, il nous faut chercher sa cognation la plus profonde, et aussi jeter un regard sur la logique dialectique qui a animé l'esprit de son auteur, cette double quintessence matérielle et spirituelle qui l'a inspiré», dira l'auteur, tout en signalant que les splendeurs de l'art en Islam sont un immense geste de reconnaissance par les hommes de cette civilisation à la grandeur de leur spiritualité.Concernant les Canons de l'harmonie en architecture : application à l'architecture musulmane en Algérie, l'auteur a d'emblée souligné que, dans l'absolu, les fondements de l'esthétique relèvent du discours philosophique sur la «beauté» de la forme, de la couleur, des proportions, du rythme, élevés à leur plus haut niveau d'abstraction.De façon plus générale, ils relèvent de l'appréciation de la beauté de l'objet, de celle du discours ou même, à un niveau plus transcendant, de celle de l'âme et de la pensée. «Pour être plus accessible, ils ont été de tout temps traduits en ‘‘canons'' ou règles qui les ramènent à une réalité sensible, à une existence. Le ‘‘nombre d'or'', le ‘‘modulor'' ou des modèles comme ‘‘la Coudée royale des Zeyyanides de Tlemcen'', à travers laquelle l'architecte anonyme a donné sa représentation de l'architecture idéalement proportionnée, en sont quelques-uns.» Ces «canons» relèvent nécessairement des périodes historiques, donc des cultures, des civilisations et des idéologies qui les ont produites. Ils se transforment selon la représentation individuelle et collective de la «beauté» dans une société. Ils subissent ainsi le test de l'histoire et tendent vers ce qui pourrait être l'idéal de la «beauté absolue».Dans ce deuxième ouvrage, le Dr Bessenouci retrace l'histoire de l'art et de l'architecture qui a connu des périodes pendant lesquelles des Etats, des mouvements ou des écoles artistiques et philosophiques ont tenté de réglementer et de normaliser les canons d'esthétique pour cadrer le goût et le mode de vie des sociétés. Mais jamais, ils n'ont pu empêcher l'expression subconsciente, individuelle ou collective, qui a permis à l'humanité d'échapper au syndrome de la pensée unique.«L'Algérie, quant à elle, a su découvrir et assimiler. Elle a su également rêver et créer sur la base d'un référentiel extrêmement riche, puisé dans ce qui fut l'Occident musulman de Tunis à Grenade. Ainsi, il n'est pas une lueur d'une époque dont elle n'ait intercepté le secret et ses beaux édifices sont un témoignage incontestable de son génie authentique», indique-t-il.