C'est à la salle El Mouggar que le colloque international consacré à Enrico Mattei et l'Algérie a pris fin dans la soirée de mardi dernier avec la projection du film l'Affaire Mattei de Francesco Rosi. Initié par l'ambassade d'Italie en Algérie, l'Institut culturel italien avec la collaboration de la Direction générale des Archives nationales d'Algérie, la Société italienne des hydrocarbures et l'Office national de la culture et de l'information, ce colloque organisé sous le haut patronage du président de la République a recueilli les témoignages de personnalités ayant vécu la consolidation des relations entre l'Algérie et l'Italie grâce à Enrico Mattei, fondateur de la Société nationale italienne des hydrocarbures et défenseur de la cause algérienne.Projetée en 35 millimètres, l'Affaire Mattei, Palme d'or du Festival de Cannes 1972, s'amorce avec le crash d'un avion. C'est l'avion transportant Mattei qui explose une minute avant l'atterrissage. La thèse de l'attentat est immédiatement avancée. Le film retracera par la suite le destin de cet homme qui dérange la France colonisatrice. Fils d'un modeste carabinier, Enrico Mattei réussit très vite dans le domaine de l'industrie en tant qu'entrepreneur. Il est nommé commissaire pour la liquidation d'Agip (Azienda Generale Italianana Petrol), juste après la Seconde Guerre mondiale. Mais Mattei, face à l'insistance des acheteurs américains, décide de renoncer à la liquidation de l'entreprise pétrolière et de tout faire pour la sauver. Il entreprend alors des travaux de forage dans la vallée du Pô et découvre du méthane. Il créera par la suite l'entreprise publique ENI (Société nationale italienne des hydrocarbures) qui sauvera l'économie italienne et les travailleurs italiens. Cette découverte lui permettra en 1947 d'alimenter toutes les industries du nord de l'Italie en gaz méthane. Mattei est ambitieux. Il promet du travail pour tous les Italiens d'Italie et les émigrés italiens qu'il veut faire revenir au pays et les impliquer dans sa construction. La politique autonome de sa société fera son succès. Mais son refus de céder le patrimoine italien aux lobbys pétroliers américains, britanniques et surtout français lui vaudra des menaces de mort, dont une, par téléphone, le jour où il sera victime de l'attentat contre l'avion qui le transportait. Froidement, il y répond : «Eh bien, s'ils veulent me tuer, qu'ils me tuent.» Au-delà de la grandeur, du courage et de l'abnégation de l'homme, Mattei se fait aussi connaître par ses positions politiques concernant l'Afrique du Nord, plus précisément l'Algérie durant sa guerre de libération.L'approche anticolonialiste de Mattei et sa condamnation des politiques expansionnistes et colonisatrices des pays producteurs de pétrole ont fait de lui un leader hors pair et un véritable meneur d'hommes chez les colonisés et l'ennemi, l'homme à abattre chez les colonisateurs, ce que feront d'ailleurs les services secrets français, selon les révélations du ministre de l'Intérieur, Ould Kablia, lors du colloque. Mattei justifiera ses positions en déclarant : «Qui fait du pétrole, fait de la politique étrangère précisément.» D'une durée de 116 minutes, le film l'Affaire Mattei retrace la mort tragique de ce grand homme, mais aussi son parcours. Des images d'archives «crédibilisent» le film. Rappelons qu'au lendemain de la sortie du film, les droits ont été rachetés par la Paramount, qui le diffuse dans une salle de Manhattan, quelques jours seulement, avant de le retirer, sous la pression des lobbys. Aucune cassette VHS ni aucun DVD de ce film n'a jamais été édité. L'Affaire Mattei est la victime d'une censure mondiale imposée par le pouvoir de l'argent sale. C'est un autre cadavre dans le placard de la France colonisatrice et de tous ses soutiens. W. S.