De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani A Annaba, les cliniques privées sont dans le collimateur du département de Ould Abbès qui a dépêché, il y a quelques jours, une commission chargée de s'assurer de la conformité de ces établissements de santé à la législation en vigueur. Ladite commission, qui s'intéresse au moindre détail, procède à toutes les vérifications et contrôles prévus avant de formuler son avis et en référer au ministère pour éventuellement prendre les mesures qui s'imposent. La première clinique médico-chirurgicale à être prise en faute est la clinique Tahar-Saïdani qui a fait l'objet d'une mesure de fermeture dite provisoire avant la fermeture définitive. La commission qui a passé des journées entières dans cet tablissement à en vérifier le fonctionnement, les équipements, les locaux, la prise en charge des malades, les personnels affectés aux différents services, a relevé des anomalies et des carences graves en matière de conformité. Ainsi, selon nos informations, il a été découvert des équipements obsolètes qui ne fonctionnent pas normalement, faussant ainsi les résultats des opérations enclenchées et les locaux ont été jugés non conformes puisque ne remplissant pas les conditions exigées pour le traitement et le suivi des patients. Cette mesure, qui a fait le tour de la ville en l'espace de quelques heures, a été pour les autres établissements privés un signal fort de l'administration qui, pour une fois, a sévi, montrant ainsi sa détermination à rappeler à l'ordre les gestionnaires en matière de respect de la réglementation régissant le secteur. Dans la dizaine de cliniques implantées à Annaba, on se démène, on exécute des travaux à la hâte, on change de décor, on installe de nouveaux meubles, des équipements neufs, on recrute du personnel qualifié et on attend la visite de la commission espérant ainsi la séduire et obtenir sa satisfaction. Mais cette fébrilité, cette précipitation et ces «maquillages» ne trompent personne et les représentants du ministère ne sont pas dupes parce qu'ayant reçu des centaines de plaintes de citoyens qui se sont fait traiter ou opérer dans ces cliniques. En effet, des témoignages faisant état de comportements pour le moins indignes de la profession de médecin sont rapportés un peu partout par des patients. On apprend, par exemple qu'un malade souffrant d'une affection du foie a été opéré par deux fois, l'une pour l'organe en question, l'autre pour les poumons, le médecin l'ayant convaincu de la nécessité de la seconde opération alors que réellement, le patient n'avait aucune affection. Le pauvre avait dû s'acquitter de la coquette somme de 400 000 DA et sans facture en plus. On opère à tout-va à Annaba, quitte à ouvrir et à recoudre le patient sans réelle intervention sur tel ou tel organe, l'essentiel est de pratiquer l'opération pour encaisser l'argent. Hippocrate et son fameux serment peuvent attendre et ne sont plus d'actualité, l'appât du gain a tout corrompu et l'on voit la personne humaine comme étant une source d'enrichissement. Ce qui se passe dans des cliniques privées à Annaba - n'en déplaise à certains - porte un sérieux coup à la noble profession de médecin et assimile ce corps à une sorte d'entreprise à but lucratif. En effet, le patient est déjà «pris en charge» au niveau de l'hôpital public, on lui conseille tel médecin, telle clinique pour suivre une thérapie efficace qui le soulage et le guérisse de son mal. Quand il se présente à ladite clinique, on le soumet sans crier gare à une panoplie d'analyses, de radiographies, d'échographies, de scanners et autres, payés rubis sur l'ongle avant de le «conditionner» à une intervention chirurgicale qu'on dit vitale pour son rétablissement. Confiant, le malade s'y soumet, paye encore ce qu'il faut, croyant que l'opération qu'il va subir le soulagera définitivement et allongera ses jours. Il passera au maximum 2 à 3 jours dans la clinique avant que le médecin ne passe pour ordonner sa sortie et lui faire suivre un traitement post-opératoire externe sans se soucier le moins du monde des complications qui peuvent survenir. Alors que, normalement, le patient opéré doit être complètement pris en charge et suivi de près à la clinique puisqu'il en a payé le prix fort. C'est le cas d'une mère de famille qui a dû se faire opérer pour une vésicule biliaire parce qu'on lui avait fait comprendre qu'elle risquait à tout moment une péritonite qui entraînerait la mort. La dame, paniquée, accepta de subir l'intervention malgré l'avis contraire d'un autre médecin qui lui avait expliqué que, dans son cas, l'inflammation de la vésicule n'était pas vraiment méchante et qu'il n'y avait pas urgence. L'intervention pratiquée, on renvoya la patiente au bout de deux jours en lui prescrivant un traitement post-opératoire externe. Quand la mère de famille demanda qu'on lui délivre la facture pour les 60 000 DA déboursés, on lui signifia que, si on lui délivrait le document en question, elle devrait s'acquitter en plus de la TVA. Celle-ci repartit sans demander son reste et continua pourtant à se faire traiter pour guérir et les soins post-opératoires sont tous payants. Cette situation, citée à titre d'exemple, n'est pas la seule puisque tout malade qui se présente dans ces établissements dits de santé en ressort «plumé», si ce n'est pas avec une autre affection ou s'il ne reste pas carrément sur le billard. Erreurs de diagnostic, fautes médicales, prescriptions avec effet placebo, hospitalisations bidon et autres, tout est bon pour faire payer le patient qui a toute confiance en son médecin. Parce qu'il a la connaissance, parce qu'il a suivi des études, parce qu'il est diplômé de la faculté de médecine, le malade ne peut que croire en son médecin mais certains praticiens indignes et vénaux abusent de cette confiance. Le professeur Ayadi, éminent chirurgien, président du conseil régional de l'Ordre et vice-président du même conseil au niveau national qui condamne ces pratiques si, comme il le précise, elles sont avérées, nous a déclaré qu'il y a 43 plaintes de patients et que des conseils de discipline se sont tenus. «Les sanctions prévues sont le blâme, l'avertissement et la fermeture du cabinet médical et nous avons déjà prononcé une mesure de fermeture à l'encontre d'un médecin. Mesure qui a été transmise à la Direction de la santé et de la population (DSP) de la wilaya qui a procédé à son exécution.» Parlant des cas de détournement de malades, il nous apprendra que les conventions signées entre les cliniques et les œuvres sociales des différentes entreprises et corps sont toutes illégales puisque celles-ci ne sont pas passées par le conseil de l'Ordre. «On a pris le malade en otage et on a restreint son choix, celui-ci est contraint de se faire soigner uniquement dans la clinique conventionnée même si le médecin en lequel il a confiance pratique dans une autre, c'est anormal puisque la raison d'être de la convention est la préservation de la santé du malade. Nous allons porter plainte contre ces comportements», conclut-il.