La Côte d'Ivoire est au bord du précipice et la confrontation armée semble de plus en plus constituer l'issue malheureuse à la crise politique qui étrangle le pays depuis la proclamation des résultats de la présidentielle. La principale ville du pays, Abidjan, est en ébullition. La crise a basculé, faisant craindre le pire. Des scènes de guerre rappellent singulièrement le conflit civil de triste mémoire. Alors que Laurent Gbagbo subit la désapprobation internationale, le camp d'Alassane Ouattara compte repartir de plus belle à l'assaut de la télévision d'Etat ivoirienne et du siège du gouvernement à Abidjan. Objectif : pousser, inexorablement, le régime Gbagbo à la porte, au risque d'un nouveau bain de sang. Face à une pression internationale asphyxiante, Gbagbo risque d'opter pour le durcissement, au risque de faire basculer le pays dans l'horreur. La Côte d'Ivoire est déjà en proie à une guerre civile en suspens. La reprise du conflit entre l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) (contrôlant le Nord depuis huit ans) et les forces de Gbagbo est le scénario qui semble se dessiner. Jeudi dernier, les partisans d'Ouattara sont descendus par milliers dans les rues en direction de la radio télévision RTI. Mais les forces de sécurité loyales au président sortant les ont empêchés par les armes. Le siège de la télévision demeure encore un lieu stratégique dans les pays d'Afrique et ceux qui contrôlent l'enceinte n'hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Plus d'une quinzaine de personnes ont été tuées et au moins 80 blessées. Coincé dans l'hôtel du Golf, le gouvernement Ouattara n'a pu en sortir, les FN ne parvenant pas à lever un barrage des forces de Gbagbo à proximité malgré de violents échanges de tirs. La sécurité de l'hôtel est assurée par les FN, les Casques bleus de l'ONU gardant l'entrée principale avec des blindés. Le siège de la RTI, situé dans une zone résidentielle d'Abidjan, demeure cerné par un impressionnant déploiement militaire. Donnant l'air de maîtriser la situation sur le terrain, Laurent Gbagbo subit cependant une forte poussée internationale. Il dispose d'un «temps limité» pour céder le pouvoir, annonce Washington. L'Union européenne décide de sanctionner des proches de Gbagbo par un gel des avoirs et des restrictions dans la circulation. L'UE appelle l'armée à se placer sous l'autorité d'Ouattara. Quant au Conseil de sécurité de l'ONU, il met en garde les auteurs d'attaques contre des civils. Ils seront tenus responsables de leurs actes et «traduits en justice». Le président français, Sarkozy, invite Laurent Gbagbo à partir «avant la fin de la semaine». De son côté, le Premier ministre Guillaume Soro, fidèle à Ouattara, s'installe dans une posture d'usure. Il ne compte pas renoncer à marcher de nouveau sur les lieux symbole de l'Etat. Abidjan vit des heures d'incertitude. Mais c'est peut-être hors de la capitale économique que se joue le sort de la Côte d'Ivoire. FN et soldats loyalistes se sont affrontés à Tiébissou à mi-chemin entre Bouaké, la «capitale» des ex-rebelles, et Yamoussoukro, la capitale administrative. Des heurts entre partisans d'Ouattara et de Gbagbo ont éclaté également dans des localités du Centre, comme à Divo ou à Daoukro. L'embrasement généralisé menace. Et il est bien difficile de percevoir une solution diplomatique. L'Union africaine, par l'entremise de Jean Ping, tente une nouvelle médiation pour que la Côte d'Ivoire (déchirée par une quasi-guerre civile en 2002-2003 et pratiquement coupée en deux) évite le pire. Les deux rivaux, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, ont entre leurs mains l'avenir d'un pays il n'y a pas longtemps exemple de prospérité et de stabilité. Aujourd'hui, il est au bord du gouffre. M. B.