Pendant des années, l'ordinateur de bureau était le roi. Si on avait besoin d'acheter un ordinateur, l'on prenait une grosse machine quelconque, et on la posait sur ou bien sous son bureau. A l'époque on n'avait pas vraiment le choix. C'était la définition même d'un PC. Penser qu'un jour les choses seraient différentes relevait de la science-fiction.Au début des années 1980, certaines entreprises high-tech ont commencé à fabriquer les premiers ordinateurs portables, qui ressemblaient déjà à ceux que nous connaissons aujourd'hui. Pourtant, pendant des années, les PC de bureau dominaient encore le marché. Si l'on voulait passer au portable, il fallait forcément faire quelques sacrifices. Les ordis de bureau étaient en effet plus puissants, leurs écrans plus grands et plus lumineux, leurs claviers plus confortables - plus la présence non négligeable d'une souris - et l'espace disque bien plus important. Sans compter qu'ils étaient bien moins chers. Si certains achetaient un portable en plus de leur PC de bureau, il eût paru totalement illusoire de s'en servir comme de son ordinateur principal.Plus maintenant. Au cours des dix dernières années, les ordinateurs portables ont réussi à s'approprier les avantages qui furent pendant longtemps les arguments de vente des ordinateurs classiques. Alors que ces derniers ont été incapables de surmonter leur principal défaut, qui est d'être à jamais enchaînés à nos bureaux. Bientôt devancé par les portables et les tablettes Les chiffres confirment la tendance : l'ordinateur de bureau est sur le déclin. Selon le rapport Forrester, en 2008, 45% des PC vendus aux Etats-Unis étaient des ordinateurs classiques, 45% des ordinateurs portables, et le reste des netbooks et autres mini-ordinateurs. Mais l'année dernière, pour la première fois, les ventes de portables ont dépassé les ventes d'ordis de bureau, et Forrester estime que leurs ventes continueront de baisser au cours des cinq prochaines années. D'ici 2015, les ordis de bureau devraient représenter seulement 18% des ventes de PC. Autrement dit, plus de 80% des ordinateurs vendus seront des portables. Ces estimations s'expliquent en partie à cause du succès prévu par Forrester des tablettes comme l'iPad. Ils estiment en effet qu'en à peine trois ans, les tablettes dépasseront largement les ordis de bureau, et deviendront alors les machines les plus vendues juste après les portables. Ça peut sembler complètement fou, mais quand on sait qu'Apple a déjà écoulé un million d'iPad en moins d'un mois, ça l'est déjà moins.Les projections de Forrester montrent à quel point la définition même de l'ordinateur a changé. Malgré son nom de «Personal Computer», il n'est pas rare que plusieurs personnes partagent le même PC de bureau, tandis que ordinateurs portables, netbooks et tablettes n'ont en général qu'un seul utilisateur -faisant d'eux de véritables «ordinateurs personnels». Les OS mobiles modernes comme l'iOS d'Apple ou l'Android de Google ont été programmés pour prendre en charge les informations d'une seule personne ; c'est-à-dire un seul compte email, un seul calendrier ou encore un seul compte App Store. Les estimations de Forrester suggèrent également que de plus en plus de gens investiront dans l'achat de ces machines mobiles : votre ordinateur principal sera un portable, mais vous vous servirez tout aussi fréquemment d'un tas d'autres gadgets comme les tablettes.Sarah Rotman Epps, qui examine les tendances des ventes de PC, a parlé de ces projections lors de la Untethered Conference organisée début décembre dernier par The Big Money, une publication parente de Slate. Quelques éléments importants sont toutefois à prendre en considération au sujet du rapport Forrester. D'abord, les données représentent le marché des «consommateurs» ; les ventes aux entreprises reflètent des tendances similaires dans l'ensemble, mais pas au même degré. Deuxièmement, il est important de rappeler que ce sont des «projections» fondées sur des données de ventes actuelles, et non pas des «prédictions». Le rapport ne tient pas compte de la nature imprévisible d'un secteur comme celui de l'informatique, comme par exemple l'arrivée d'une toute nouvelle technologie qui bouleverserait l'ensemble du secteur. Il est impossible de savoir exactement à quoi ressemblera l'industrie informatique en 2015. Même s'il est difficile d'imaginer un scénario dans lequel les ordinateurs de bureau deviendront nettement plus attractifs qu'aujourd'hui. La victoire du côté pratique Il semble toutefois probable que les ventes de PC de bureau chuteront bien plus rapidement que ce suggère Forrester. Dans son rapport, Epps souligne que ceux-ci offrent aujourd'hui encore plus de puissance de traitement par dollar que les ordinateurs portables ; autrement dit, pour le même prix, l'ordinateur de bureau sera plus rapide que le laptop. Par conséquent, explique Epps, les gens qui ont besoin de processeurs très puissants - pour monter de la vidéo haute-définition ou jouer à des jeux vidéo PC par exemple - sont ceux qui maintiendront en vie le marché de l'ordi de bureau au cours des prochaines années. Mais je soupçonne Epps d'exagérer l'intérêt d'avoir une machine très puissante. La montée en puissance des netbooks et des tablettes prouve que, dans de nombreux cas, les consommateurs sont prêts à sacrifier la puissance en faveur de la portabilité. Qui plus est, dans le futur, une grande partie de la «puissance» de nos ordinateurs viendra d'Internet. Grâce à des lecteurs réseau sans fil et des systèmes de stockage en ligne de plus en plus fiables, vous n'aurez sans doute bientôt plus à conserver toute votre musique ou vos films sur votre disque dur, et tous vos fichiers multimédia seront centralisés (chez vous ou dans une ferme de serveurs à des milliers de kilomètres) et accessibles à partir de toutes vos machines. Vous devriez même pouvoir jouer à des jeux vidéo haute-définition sur Internet. Vous doutez peut-être que ce système de «nuage» réussisse jamais à atteindre les performances d'un gros ordinateur de bureau, et vous avez peut-être raison. Mais est-ce vraiment important ? L'histoire nous prouve que le «plus performant» n'a jamais duré très longtemps face au «pratique» : on a lâché le vinyle pour le CD, et le CD pour le MP3, même si chacun de ces nouveaux formats nous offrait une qualité audio plus faible que le précédent. De cette façon, le passage à des machines portables se calque sur les grandes tendances sociales. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir travailler à la maison, et de plus en plus d'entreprises nous permettent de le faire. Ordinateurs portables, netbooks et tablettes correspondent parfaitement à ce mode de vie ; pas les ordinateurs de bureau.Mais le futur tel que projeté par Forrester, avec toutes ces mini-machines dans chaque foyer, n'est pas tout tracé. À l'heure actuelle, nos vies «informatiques» sont bien trop dispersées. Il n'y a guère de véritable continuité lorsque vous passez d'un laptop à une tablette, à un smartphone, à un ordinateur de bureau ; chaque appareil a des applications et une configuration d'écran différentes et a également accès à des données différentes. Joshua Topolsky, le rédacteur en chef d'Engadget, a récemment lancé un appel à toutes les entreprises high-tech pour créer ce qu'il appelle le «client continu», un système qui vous permettra de laisser un appareil à un endroit, et de «reprendre votre session exactement là où vous l'avez laissée sur n'importe laquelle de vos machines», explique Topolsky. «Votre messagerie instantanée, Twitter, votre navigateur Web, vos applications, même vos fenêtres (si tant est que la plate-forme en question fasse usage de fenêtres) seront exactement comme vous les aviez laissées sur l'appareil que vous utilisiez précédemment.» Il y a fort à parier que quelqu'un trouvera un moyen de rendre tout cela possible très prochainement. Et lorsqu'on y sera, vous ne penserez plus jamais à aucun ordinateur comme votre ordinateur «principal». Tous vos appareils seront des variations sur le thème de vos données personnelles. Et aucun d'eux ne sera prisonnier de votre bureau. F. M. In Stade.fr