Le processus démocratique a été interrompu en 1992 dans le sillage de l'annulation des élections législatives dont les conséquences tragiques ont laissé des séquelles profondes dans le corps social. Si le terrorisme agonise, et si la réconciliation nationale a pansé certaines plaies et rétabli l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire, n'est-il pas temps de dépasser le multipartisme formel, le pluralisme syndical boiteux et la société civile de façade pour mettre le cap sur une nouvelle étape démocratique où tous les mécanismes de soupapes de sécurité nécessaires à toute société moderne seront mis en place à travers la reconnaissance d'une réelle représentation des différentes tendances d'opinion ? Ces opinions différentes et divergentes qui traversent la société ont besoin de s'exprimer de façon structurée et d'occuper les scènes politique et médiatique afin d'instaurer une réelle tradition de débat porteur. La confrontation d'idées doit occuper les espaces publics afin que les facteurs nourrissant la violence et le sentiment d'exclusion de pans entiers de la société qui ont le sentiment que leurs préoccupations, leurs rêves et ambitions ne soient pas reflétés dans les discours dominants. C'est le cas de la jeunesse algérienne qui se sent marginalisée. Ce sentiment la pousse, en fonction des opportunités de débrouillardise qui se présentent, à s'adapter à une situation imposée et à se chercher des solutions, allant du hitisme à l'activité informelle, au terrorisme, au trafic de drogue et à la harga. Les partis politiques, représentant tout le spectre d'opinions politiques, les syndicats des différents corps professionnels, des étudiants, des lycéens, le mouvement associatif représentatif et actif sont autant de mécanismes de contre-pouvoir à même d'endiguer toutes les formes d'expression violente pour peu que ces structures soient autonomes, représentatives et d'essence démocratique dans leurs principes et objectifs. La démocratie n'a aucun sens si les opinions ne s'expriment pas dans les médias lourds qui ont une portée plus grande. A ce titre, l'ouverture du champ médiatique s'impose afin, d'une part, de favoriser l'expression libre des différents courants d'idées politiques, culturelles, sociales et économiques, et, d'autre part, pour contrecarrer les chaînes satellitaires qui déforment les réalités algériennes. Cependant, le fonctionnement d'une société ne se limite pas uniquement aux libertés et à la praxis de la démocratie. Des relais sociologiques sont nécessaires pour l'équilibre social et le développement harmonieux des contradictions objectives qui sont le moteur dynamique de toute société. A ce propos, la classe moyenne algérienne, qui a joué un rôle de tampon pendant les années soixante et soixante-dix, a commencé à être laminée à partir des années quatre-vingt et a complètement disparu dans les années quatre-vingt-dix. Cette classe, ciment de la société, commence à se reconstituer, ce qui nécessite, contrairement aux partis, aux syndicats et aux associations, plus de temps pour jouer son rôle. D'autant plus que l'intelligentsia, composante essentielle de la classe moyenne, a besoin de recul pour intérioriser et théoriser le parcours d'une société avant de le reproduire sous forme de thèses ou d'ouvres artistiques. A. G.