Photo : A. Ouanezar De notre envoyé spécial à Mostaganem Mohamed Ouanezar Les graves perturbations constatées dans les prix du sucre et de l'huile, à l'origine des incidents importants survenus dans plusieurs villes du pays, trouvent, en partie, leur justification dans les explications des différents intervenants dans le secteur et des responsables de l'autorité de régulation. C'est ce que nous avons constaté lors de notre visite dans l'une des plus grandes raffineries de sucre du pays. Le prix de revient fixe le prix de vente L'ex-Enasucre continue de produire du sucre à grande échelle et à approvisionner les différentes régions du pays sans la moindre rupture. Au plus fort des émeutes et des incidents violents qui ont marqué plusieurs villes du pays, «l'usine de sucre de Mostaganem a fonctionné de manière normale et régulière», nous précise-t-on encore. L'usine produit annuellement une quantité importante de sucre équivalent à quelque 2 640 tonnes, soit une moyenne de 220 tonnes de sucre par jour. Il y a quelques années, «l'usine ne dépassait guère le cap des 180 tonnes quotidiennes», nous explique le directeur commercial à la raffinerie, Berrahal Mohamed. Seulement, le problème de la raffinerie ne réside pas dans la production, mais plutôt dans les approvisionnements. En effet, selon le directeur de l'usine, «les fluctuations des marchés mondiaux ont beaucoup altéré les approvisionnements en sucre sur le plan des prix de revient», nous explique M. Ammour Abdelhamid. Selon ce directeur, «l'un des facteurs majeurs dans la crise des approvisionnements en sucre, en grande partie, est l'acheminement en grandes proportions, au Brésil, des matières premières vers la production de la nouvelle énergie, le méthanol», nous confiera-t-il.Pour le directeur commercial, «à chaque fois que le prix de revient est élevé, cela se répercute sur le prix de consommation et de cession du sucre», explique-t-il. Pour sa part, le directeur de la raffinerie nous expliquera que «le prix de revient a été très sensible cette fois-ci et c'est le groupe qui fixe les prix de cession pour les grossistes pour l'écouler sur le marché intérieur», dira-t-il sans pour autant nous en dévoiler les seuils et les prix réels d'achat. Nécessité d'un contrôle de toute la chaîne de production Accueillant favorablement les mesures de facilitation mises en place par le gouvernement et qui se rapportent à la suppression des taxes, M. Ammour explique que «le contingent européen est exonéré d'impôts et de taxes. Ce qui n'influe pas sur les prix de ces produits, contrairement à nous». Mais pour ce responsable de la raffinerie, «pour éviter des scénarios récurrents, l'Etat doit jouer pleinement son rôle de régulateur. Il devra signer sa présence dans cette immense chaîne d'intervention pour maîtriser les cours et anticiper les fluctuations, synonymes de problèmes et de complications», dira-t-il avant d'être relayé par le directeur commercial qui explique : «Nous, nous sommes là, on nous contrôle à l'accès, au niveau du port, nous payons nos taxes et nos redevances. Mais, il y a nécessité de contrôler la suite de la chaîne. Car, il existe des acteurs qui gagnent le double, voire même le triple du producteur lui-même. C'est là que réside le problème et c'est le rôle de l'Etat». «Nous, nous sommes là pour produire la qualité pour une consommation saine au profit du citoyen. Nous accueillons avec soulagement les mesures prises par l'Etat pour protéger le citoyen», conclura M. Ammour. Modernisation et augmentation de la production La production annuelle de la raffinerie de Mostaganem devra itconnaître une hausse sensible dans les prochains mois, affirment les responsables de l'usine. Cela devrait être concrétisé après l'achèvement du plan de réhabilitation de l'usine et la rénovation de l'ensemble des équipements de production, nous dit-on. On notera à ce propos, le passage prochain de la production à 4 200 tonnes de sucre par an, soit une moyenne de 350 tonnes par jour. Maîtriser les seuils de production dans cette raffinerie n'a pas toujours été aisé, ni à la portée de tous les responsables. Chaînon important dans le paysage industrie national, la raffinerie de sucre de Mostaganem était l'un des fleurons importants de l'industrie nationale durant les premières années qui ont suivi l'indépendance. Inaugurée par le défunt président Houari Boumediene en 1970, la raffinerie de sucre, dénommée à cette époque Enasucre, constituait la fierté des Algériens et subvenait pratiquement aux besoins du marché intérieur, sans grandes difficultés. Quelques années après, et avec l'entrée en lice des importations et de la concurrence des particuliers, les choses ont commencé à changer et à prendre d'autres tournures, comme l'expliquaient certains syndicalistes à l'époque. Des arrêts techniques, des ruptures de stocks injustifiées, des défauts d'approvisionnement, des pannes de machines, etc. Aujourd'hui, l'usine est passée entre les mains d'un privé qui a bénéficié de la cession des actifs de cette usine jadis performante.Pour relancer la raffinerie, un plan de modernisation de l'appareil de production et d'optimisation des ressources humaines a été mis en place. C'est en octobre 2008 que l'usine de sucre de Mostaganem et sa filiale de Sidi Lakhdar dans la wilaya de Khemis Miliana sont passées réellement dans la privatisation. «Nous avons hérité de tous les problèmes que rencontre cette raffinerie, à savoir une usine obsolète, dépourvue de tout investissement, un manque flagrant des pièces de rechange des machines et équipements de ces unités, etc. Cela sans compter les ressources humaines à requalifier et à mettre en valeur», nous confiera le directeur de l'usine de Mostaganem. L'usine a connu des moments critiques durant lesquels les gestionnaires ont dû recourir aux stocks de pièces usagées et à la récupération pour réparer les machines. Aujourd'hui, le nouveau patron a élaboré et mis en place un plan de réhabilitation doté d'un budget de 50 milliards de dinars, visant à moderniser l'appareil de production. On notera l'acquisition de centrifugeuses pour un montant de 8 millions de dinars, des chaudières à vapeur pour un montant de 120 millions de dinars, six essoreuses pour un montant de 60 millions de dinars, un filtre à presse, une station de décoloration sur résine, un équipement de maturation du sucre, une porte de traitement des eaux et une ensacheuse semi-automatique de 50 kg. Un contrat a, par ailleurs, été signé pour l'automatisation des secteurs d'épuration, le tubage du corps d'évaporation, la rénovation d'appareils à cuire et l'acquisition de pompes et vanneries. D'autres projets retenus sont en cours de passation de marchés.Concernant les ressources humaines, un plan de recyclage et de formation des personnels qualifiés pour la gestion et le suivi des équipements nouvellement acquis est également établi. «Nous faisons également dans la formation du personnel qualifié, notamment pour ce qui est des ingénieurs que nous prenons entièrement en charge», dira M. Ammour.