De Sidi Bouzid à Tunis, en passant par Menzel Bouzayane, Saïda, Kasserine, Sfax... la rue ne décolère pas. Les manifestants, de plus en plus nombreux, réclament le départ du président Zine El Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans. Ce n'est plus un problème de cherté de la vie, de chômage et autres problèmes sociaux mais d'une contestation sans précédent du régime en place. Les manifestations se poursuivaient à la rue Bourguiba, dans la capitale. De même que dans d'autres villes du pays où le nombre des manifestants dépassait parfois les 40 000. Tous «convaincus» de la nécessité de bouleverser le régime en place et de procéder à un changement radical pour «la liberté, la dignité et la justice». C'est l'occasion ou jamais de créer l'événement attendu, soutenaient-ils. «Ben Ali dégage !» criaient de nombreux Tunisiens, de toutes les catégories sociales, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes. Tous appelaient au départ du Président, qu'ils qualifient de dictateur, et à son jugement, lui et toute sa famille.La révolte est générale et c'est toute la Tunisie qui se rebelle. Ces trois derniers jours sont particulièrement durs pour tous. Au moins 66 personnes sont tombées sous les balles des forces de sécurité qui n'hésitaient pas à les utiliser au moindre mouvement, en plus des bombes lacrymogènes. «Non à Ben Ali», «soulèvement continu, non à Ben Ali», ont crié les manifestants à la rue Bourguiba. Parmi eux des avocats, avec leurs robes noires, entonnant l'hymne national. En début de matinée, la marche des quelque cinq mille manifestants s'est déroulée dans le calme et aucun affrontement n'a été signalé. Arrivés devant le ministère de l'Intérieur, qui signifie pour eux «la terreur», non la sécurité, les manifestants ont été empêchés d'avancer par les forces de sécurité qui les ont dispersés à coups de gaz lacrymogène. La rue s'est vidée mais les protestataires étaient loin de se calmer. «Il est temps d'opérer le changement. Pas question de reculer maintenant que le sang a coulé», affirmaient des citoyens de différentes villes du pays. «Hommage au sang des martyrs… Non aux Trabelsi», criaient-ils. L'annonce de nouvelles mesures d'apaisement par le président Ben Ali, la mise en place d'une commission d'enquête sur la corruption et son intention de ne pas se présenter à un nouveau mandat n'ont pas eu d'effet sur les manifestants. «On ne le croit pas», lançaient-ils devant les différentes chaînes de télévision arabes et étrangères. «Nous n'avons plus peur. Les Tunisiens n'ont plus peur…», poursuivaient des hommes et des femmes comme pour dire leur détermination à aller au bout de leur revendication principale : «Le départ de Ben Ali.» «Nous voulons des actes et non des paroles», demandait Radia Nasraoui, avocate et militante des droits de l'Homme, réclamant des éclaircissements sur le sort de son mari, Hamma Hammami, dirigeant du Parti des ouvriers communistes tunisiens (POCT). A Sidi Bouzid, où a eu lieu la première protestation citoyenne suite à l'immolation par feu d'un jeune vendeur, quelque 1 500 personnes ont défilé aux cris de «Ben Ali dehors». La même expression d'hostilité au régime Ben Ali a été constatée à Regueb, proche localité où 700 personnes ont également manifesté. A Kairouan et Gafsa, des protestataires ont également crié «Ben Ali dehors». Le syndicat unique du pays a appelé à une grève de deux heures dans la région de Tunis. Des internautes et des étudiants se sont joints au mouvement contestataire, se mobilisant à leur manière pour le maintien des rassemblements. «Ben Ali vous a mis dans la poche, ne baissons pas les bras, continuons le combat pour la liberté», appelaient des étudiants sur Facebook. K. M.