Photo : S. Zoheir Par Salah Benreguia Au lendemain de la tenue du conseil interministériel, durant lequel plusieurs mesures ont été prises, les réactions du patronat, des hommes d'affaires et des grossistes ne se font pas fait attendre. La première réaction est venue de la plus grande organisation patronale du pays, le Forum des chefs d'entreprise (FCE) : «Ces mesures sont de nature à apaiser la situation.» Toutefois, son président, Reda Hamiani, a appelé le gouvernement, les opérateurs économiques et les organisations patronales à dialoguer, à se concerter pour examiner les «graves problèmes de la société» en vue de parvenir à une «vision d'avenir», notamment pour les jeunes sans emploi. «Je pense que les mesures sont salutaires pour endiguer les causes de la crise et éteindre l'incendie rapidement. Toutefois, nous attendons des pouvoirs publics qu'ils optent pour une politique beaucoup plus consensuelle en impliquant les acteurs sociaux dans la prise de décision. Nous pensons qu'il faudrait voir un peu plus loin que le 31 août prochain en mettant en place des mécanismes économiques efficaces et durables qui permettent d'anticiper la conjoncture.» De son côté, la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) a exprimé sa «satisfaction» en ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement. Son président, M'henni Abdelaziz, a qualifié ces mesures de «salutaires» tout en se félicitant de la reprise par l'Etat de son rôle de «puissance publique». «Il n'y a que l'Etat qui peut exercer ce domaine de compétence de contrôle et de définition de la marge bénéficiaire des produits de large consommation», a-t-il estimé, appelant à la mise en place prochaine des mécanismes réglementaires et des textes d'application de ces mesures. Il a relevé, dans ce contexte, la nécessité de «se concerter», d'une part, entre opérateurs et organisations patronales et, d'autre part, avec le gouvernement pour contribuer à la mise en place des modalités d'application de ces mesures et réfléchir aux voies et moyens permettant d'assurer la stabilité du marché. Même son de cloche chez le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA). Pour son président, Habib Youcefi, «les décisions prises répondent aux préoccupations de la population et des manifestants qui veulent des produits alimentaires à des prix abordables». Pour la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci), les mesures prises en conseil interministériel «sont venues en temps opportun». «Les services du ministère du Commerce sont appelés à assurer le suivi continu de l'application sur le terrain de ces mesures, allant de janvier à fin août prochain et même au-delà, dans la transparence, à travers le contrôle des importateurs et des grossistes afin d'empêcher les pratiques spéculatives à l'avenir», selon son président, M. Kellil. Producteurs et grossistes approuvent les mesures gouvernementales Après les organisations patronales, les producteurs, transformateurs et grossistes interrogés ont également salué les dernières mesures prises par le gouvernement pour juguler les prix du sucre et de l'huile. Ils attendaient même la répercussion «immédiate» à leur niveau et, partant, sur le prix de vente final. Selon le premier responsable de la Société de production des corps gras (Prolipos) de Aïn M'lila (Oum El Bouaghi), «notre pays réhabilite, par ces mesures, une approche économique observée dans la plupart des pays, quand il s'agit de ne pas surimposer des produits alimentaires de première nécessité, alors que la tendance sur les marchés internationaux est à la hausse depuis quelques années». Pour lui, il s'agit désormais de «prendre les mesures pratiques pour appliquer sur le terrain les décisions du gouvernement». L'informel, une saignée à cautériser A Alger, certains grossistes en agroalimentaire affirment que l'exonération à titre temporaire de 41% des charges imposées aux importateurs, producteurs et distributeurs d'huile et de sucre «ne peut être que bénéfique dans la mesure où elle nous permet de redynamiser notre activité commerciale, qui s'est considérablement amenuisée». A Kouba, sur les hauteurs d'Alger, un grossiste nous a fait savoir que «tout le monde, du consommateur au grossiste, trouvera son compte à travers ces mesures destinées à faire face à la hausse subite des prix de certains produits alimentaires. Ces mesures sont à même de mettre fin à l'anarchie qui s'est emparée récemment des prix du sucre et de l'huile».Au-delà des réactions salutaires de la part des différentes parties intervenant dans l'activité de distribution et de vente de l'huile et du sucre, certains opérateurs estiment que des questions restent pendantes, vu l'anarchie qui continue de régner sur le marché. L'un des points soulevés est celui de la révision du système de distribution et la situation des grossistes. «La situation a dégénéré après la hausse des prix des produits de première nécessité. L'Etat doit donc prendre des dispositions suffisamment à l'avance. Il doit jouer son rôle véritable de régulateur», diront des opérateurs économiques. «Il est anormal de tomber sous le diktat des grossistes ou de quelques distributeurs qui créent des pénuries. Il faut régler les problèmes de manière radicale», ajoutent-ils.L'autre point est le marché informel. Pour certaines organisations patronales, le marché informel, même s'il n'est pas un phénomène propre à l'Algérie, continue d'évoluer, de hanter les pouvoirs publics, de pénaliser les citoyens et de générer beaucoup d'argent qui échappe au fisc. Les chiffres rendus publics donnent le tournis : près de 600 milliards de dinars, soit 17% de l'ensemble des revenus primaires nets des ménages algériens. «Un million d'opérateurs ne déclarent pas leur activité d'une manière ou d'une autre», selon les experts. «35% du marché des fruits et légumes active dans l'informel», ajoute le ministère du Commerce. «L'informel est vraiment puissant et menace même ceux qui activent dans la légalité», soutiennent de nombreux opérateurs. «Nous avons toujours dit que le marché informel est une véritable pollution qui complique le fonctionnement de l'économie. Il accentue le déphasage de notre appareil productif et les politiques fiscales arrêtées par l'Etat», soutient le président du FCE. S'agissant des solutions, des experts préconisent «le démantèlement des marchés parallèles. L'opération entamée par les pouvoirs publics est à encourager. Mais il faut un cadre réglementaire qui régira la lutte contre ce phénomène», soutiennent-ils.