Photo :S. Zoheir Par Salah Benreguia Les banques publiques algériennes ont décidé de mettre en place des «corridors spécifiques» pour aider les PME productrices dans leurs démarches face aux complications engendrées par le crédit documentaire (Credoc), devenu depuis juillet 2009 l'unique mode de paiement pour financer les importations. Les difficultés rencontrées par les opérateurs au niveau des banques ont poussé les pouvoirs publics à prendre cette mesure de facilitation. Mais, les choses tardent à rentrer dans l'ordre. Nombreux sont d'ailleurs les producteurs à faire face à des difficultés d'approvisionnement en matières premières. Annoncée récemment par le délégué général de l'Association des banques et des établissements bancaires (ABEF), la mise en place de ce corridor est perçue par certains observateurs de la scène économico-financière comme une concession de la part des pouvoirs publics. Mais du côté des opérateurs économiques, notamment ceux concernés directement par ladite mesure, le gouvernement doit revoir une fois de plus sa copie sur une série de mesures prises ces derniers temps. En effet, l'instauration du crédit documentaire (Credoc), comme l'unique mode de paiement pour financer les importations, a fait couler beaucoup d'encre. Après les moult réclamations de la part des opérateurs économiques, les pouvoirs publics ont décidé de revoir ce dispositif, sans pour autant l'annuler. Et c'est El Hachemi Djaaboub, ministre du Commerce, qui reconnaît les défauts du Credoc. Le ministre a fait savoir que l'application du crédit documentaire n'a pas été sans mettre dans l'expectative les industriels et les producteurs nationaux. «Les industriels disent avoir eu des difficultés liées à l'approvisionnement en matière première. Maintenant, il faudrait faire une halte et voir de plus près ces préoccupations». «Le gouvernement reste ouvert et attentif aux attentes de nos entreprises», a-t-il affirmé. Le ministre avait insisté sur la nécessité de «faire le tri entre l'importation de la matière première pour la revente en l'état, l'importation des équipements pour les usines et l'importation de la matière première pour la production nationale». En clair, le gouvernement tenait à ne pas mettre dans le même sac importateurs «inutiles» et les entreprises nationales productrices de richesses et de valeur ajoutée. C'est ainsi que Karim Djoudi, ministre des Finances, s'est réuni avec le patronat et la communauté bancaire fin décembre dernier, pour examiner, entre autres, les questions relatives au crédit documentaire et l'accès des entreprises aux financements bancaires. Au début de février dernier, Abderhmane Benkhalfa, délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF), annonce la mise en place par les banques nationales et étrangères d'un «corridor spécifique» au profit des entreprises productrices de richesses. Le train de mesures porte, selon ses explications, sur la limitation du délai d'approvisionnement en matière première, des coûts du crédit documentaire et la mise en place d'une liste de correspondants à l'étranger. Aussi, il est prévu une formation appropriée à l'endroit des préposés aux guichets chargés de traiter les dossiers des crédits documentaires. «Les mesures consistent à faciliter l'accueil au niveau des agences de banque, à étudier les dossiers, les coûts et commissions, les délais de mobilisation du Credoc, le financement en dinars du Credoc et la liste des correspondants à l'étranger», a ajouté la même source. Une mesure impopulaire ? Toutefois, après l'annonce de M. Benkehlfa, qui a été accueillie comme une bonne nouvelle, les changements se font toujours attendre. Certains responsables de sociétés nationales continuent d'exprimer leur insatisfaction. Après les organisations patronales, c'est au tour, en effet, des opérateurs économiques de monter au créneau. Et pourtant, les responsables des organisations patronales n'ont pas mâché leurs mots… L'exemple le plus édifiant est celui du FCE. Cette organisation ne voit aucune portée économique dans cette mesure, d'autant que, rappelle-t-elle, «le recours au crédit documentaire était une exigence des fournisseurs lorsque l'Algérie était classée pays à haut risque». «Contraindre les entreprises à bloquer de la trésorerie pour réceptionner la marchandise bien plus tard revient à courir le risque de voir disparaître nombre d'entre elles avec les conséquences que l'on peut d'ores et déjà prévoir : accroissement du chômage, pénurie de produits, surcoûts, inflation, etc.», avait ajouté le communiqué de l'organisation que préside Reda Hamiani. «Connaissant le rigidité du système bancaire, le traitement des dossiers liés au Credoc risque d'en pâtir. Nous voulons des véritables facilitations», nous a fait savoir un responsable d'une entreprise spécialisée dans l'agroalimentaire (production de flan et chocolats) lors des 1res assises sur les IAA tenues récemment à Alger. En somme, les chefs d'entreprise et autres importateurs reprochent au gouvernement son excès de précipitation à imposer ce mode de paiement, sans pour autant donner le temps aux banques de former leur personnel à des procédures aussi complexes qu'implique le traitement bancaire du crédit documentaire. Même les représentants des intérêts des entreprises étrangères, installés en Algérie (français, allemands, italiens et américains) y sont allés de leur critique à l'endroit de cette mesure. Face à cet état de fait, c'est Karim Djoudi, premier argentier du pays, qui est chargé d'éteindre le feu de la colère couvant parmi les organisations patronales. Pour lui, il fallait donner un coup de frein à la facture des importations et assainir les activités du commerce extérieur où prolifère une faune de fraudeurs. En effet, les importations algériennes n'ont cessé d'enregistrer, ces dernières années, une courbe ascendante. En 2008, elles ont atteint une valeur de 40 milliards de dollars en 2008. Pour certains experts, le gouvernement se devait de réagir pour atténuer la facture des importations.