Après le Monde selon Monsanto, la journaliste et documentariste Marie-Monique Robin revient avec un autre documentaire, Notre poison quotidien, dans lequel elle dénonce la façon dont l'industrie chimique empoisonne notre alimentation. Ce documentaire sera diffusé, le 15 mars prochain, sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte, qui avait aussi diffusé le Monde selon Monsanto.Menée aux Etats-Unis, au Canada, au Chili, en Inde, et dans six pays européens (France, Italie, Allemagne, Suisse, Grande-Bretagne et Danemark), l'enquête de Mme Robin sera également publiée dans un livre à paraître le7 mars prochain. La journaliste s'est intéressée aux produits chimiques qui font désormais partie de notre alimentation. Conservateurs, colorants, antioxydants ou résidus de pesticides : ces substances, Mme Robin les considère comme de véritables poisons, et s'interroge quant à leur rôle dans le développement de maladies telles que le cancer, le diabète, l'obésité, ou les maladies neuro-dégénératives. La journaliste se pose alors la question de savoir si ces produits chimiques présents dans notre chaîne alimentaire sont testés et évalués, et si la réglementation à laquelle ils sont soumis protège réellement les consommateurs. Sur son blog, Marie-Monique Robin explique s'être posée trois questions fondamentales : «Est-ce que le comportement de Monsanto constitue une exception dans l'histoire industrielle ? Comment sont réglementées les 100 000 molécules chimiques qui ont envahi notre environnement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Y a-t-il un lien entre l'exposition à ces produits chimiques et ‘‘l'épidémie de maladies chroniques évitables'' que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a constatée surtout dans les pays dits ‘‘développés'' ?» Au cours de son enquête, la réalisatrice a interrogé de nombreux experts jouant un rôle dans le système de règlementation, la recherche et l'utilisation des produits chimiques. Marie-Monique Robin dénonce la façon dont l'Efsa (autorité européenne de sécurité des aliments) emploie des chercheurs travaillant pour des entreprises utilisant des produits chimiques, s'insurgeant devant des études qui sont, selon elle, réalisées en faveur de l'industrie. Concernant son documentaire, la journaliste écrit sur son blog qu'elle «espère sincèrement qu'il permettra de revoir de fond en comble le système de réglementation des produits chimiques qui contaminent et empoisonnent notre assiette quotidiennement, malgré tous les efforts de ceux que le sociologue allemand Ulrich Beck appelle ‘‘les magiciens des taux limites'', dans la Société du risque, un livre fondamental où il explique comment on en est arrivé à cette situation de contamination généralisée, considérée comme un ‘‘dégât colatéral'' inévitable du ‘‘progrès'', fût-ce au prix de dizaines de milliers de morts et de malades». «Les sciences telles qu'elles ont été conçues - avec leur répartition du travail ultraspécialisée, leur appréhension des méthodes et de la théorie, leur absence totale de rapport avec la praxis - se révèlent totalement incapables de réagir de façon adéquate aux risques liés à la civilisation, pour la bonne raison qu'elles participent activement à leur naissance et à leur développement. Elles se muent bien plutôt - que ce soit avec la bonne conscience de la “scientificité pure” ou avec des scrupules croissants- en protecteurs et légitimateurs d'une pollution industrielle planétaire de l'air, de l'eau, de l'alimentation, etc., et du déclin et du dépérissement des plantes, des animaux et des hommes qui en résultent», écrit Ulrich Beck.