Les manifestations en Tunisie et en Egypte ouvrent la voie à une nouvelle ère dans le monde arabe, a indiqué, hier, le président syrien Bachar Al-Assad lors d'un entretien au Wall Street Journal.Refusant de commenter la situation en Tunisie et en Egypte, il a estimé que ces émeutes ont pour cause «le désespoir». «A chaque fois que vous avez un soulèvement, il va de soi de parler de colère. Mais cette colère se nourrit de désespoir», a-t-il indiqué. Selon lui, il est trop tôt pour évaluer l'impact des événements car la situation demeure encore «floue». «Les dirigeants de la région doivent entreprendre des réformes pour répondre aux besoins de la montée des aspirations politiques et économiques de leurs peuples», a-t-il assuré. «Nous devons poursuivre le changement au niveau de l'Etat et des institutions», explique-t-il, en lançant un appel : «Vous devez progresser vous-mêmes et améliorer la société. C'est le sujet le plus important.». «La véritable réforme est de savoir comment ouvrir une société et entamer le dialogue», précise-t-il, expliquant que les décennies de stagnation politique et économique, les dirigeants sans idéologie, les interventions étrangères et les guerres ont généré le mécontentement qui s'est exprimé dans la rue en Tunisie et en Egypte. Le Moyen-Orient est «malade» à cause des décennies de stagnation et doit faire des progrès, a-t-il estimé. «Une eau stagnante attire la pollution et les microbes. Parce que vous avez eu cette stagnation pendant des décennies […], nous sommes infestés par les microbes.» «Ce que vous voyez en ce moment dans la région, c'est une sorte de maladie», explique-t-il, assurant que son pays n'est pas concerné par le vent de révolte qui a touché la Tunisie et l'Egypte : «Nous avons une situation plus difficile que la plupart des pays arabes, mais, en dépit de cela, la Syrie est stable. Pourquoi ? Parce que vous devez être très étroitement liés aux croyances du peuple. C'est la question centrale. Lorsqu'il y a divergence entre votre politique et les croyances et les intérêts du peuple, vous aurez ce vide qui crée des perturbations.» «Si vous n'aviez pas vu la nécessité d'une réforme avant ce qui s'est passé en Egypte et en Tunisie, il est trop tard pour faire toute réforme», a-t-il indiqué. «Si vous le faites à cause de ce qui est arrivé en Tunisie et en Egypte, ce sera une réaction, pas une action. Et aussi longtemps que ce que vous faites est une réaction, vous allez à l'échec.» Aussi, a-t-il affirmé, toute comparaison entre ce qui se passe en Egypte et en Syrie nous amène à une autre question : «Pourquoi la Syrie est-elle stable, bien que nous ayons des conditions plus difficiles ?» «L'Egypte a été soutenue financièrement par les Etats-Unis, alors que nous sommes sous embargo par la plupart des pays. Nous sommes en croissance alors qu'il nous manque des besoins essentiels pour la population. Malgré tout cela, elle ne se révolte pas», ajoute-t-il. «Il y a une différence entre une cause et un vide», a affirmé le président syrien, avant de réaffirmer : «Ainsi, nous avons beaucoup de choses en commun, mais en même temps, nous avons des choses différentes.» Pour lui, la réforme doit commencer d'abord par les institutions : «Vous ne pouvez avoir de démocratie sans les institutions.» «Ainsi, il faut commencer par le dialogue et la réforme des institutions.» Et d'enchaîner : «La réforme doit être fondée sur l'ouverture de votre esprit et l'esprit d'ouverture ne vient pas de lois ou décrets.» Le président Al-Assad a estimé qu'une nouvelle ère a commencé dans la région : «Tout a commencé avec la révolution iranienne […]. Nous avons oublié que quelque chose s'est passé en Iran en 1979. Ensuite, rien de semblable ne s'est produit jusqu'au soulèvement en Irak en 1991 contre Saddam», qui a été opprimé avec le soutien des Etats-Unis, ainsi que les chiites dans le Sud. Il évoquera ensuite les deux Intifadhas de la Palestine, en 1987 et 1993, pour aboutir ensuite, au monde arabe. Ce qui est nouveau à son avis, «c'est que cela se passe à l'intérieur de pays indépendants dans le monde arabe», et que cela va changer beaucoup de choses «au moins dans la façon dont nous pensons, en tant que gouvernements et responsables, à notre peuple. C'est le point le plus important». Ce qui changera encore, selon lui, c'est l'image qu'auront l'Ouest et les grandes puissances de nos Etats et de nos responsables». A. R.