Contrairement au protocole, le chef d'Etat syrien, Bachar Al Assad, a présidé la cérémonie d'ouverture du 20e sommet arabe de Damas au Palais des Ommeyades sans passation de la présidence tournante de la Ligue arabe de la part de l'Arabie Saoudite, le roi Abdallah ayant délégué un représentant. Cette anomalie statutaire condense une bonne partie de la problématique de ce sommet : l'exacerbation des dissensions arabo-arabes. La présidence sortante, l'Arabie Saoudite, n'a pas adressé de discours à travers son représentant. Les Syriens avaient averti. Celui qui n'assiste pas ne prendra pas la parole », avait indiqué la semaine dernière le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem. Le désormais président de la Ligue arabe, Bachar Al Assad, a beau évoquer hier devant ses invités l'image du « nous sommes tous dans la même barque face à la tempête », il n'en demeure pas moins que les désaccords et les tensions sont plus vives que jamais. « En toute franchise, nous souffrons d'une crise de confiance en nous et entre nous », a déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui a pris la parole après le discours de M. Al Assad. « La situation est arrivée à un degré insupportable de turbulences au niveau des relations arabo-arabes », a-t-il ajouté, concluant : « Dépasser les discordes arabo-arabes devient vital pour ne pas trancher la question de "être ou ne pas être" au profit de "ne pas être". » C'est pendant ce discours que le guide libyen, Maâmar Kadhafi, a mis ses grosses lunettes de soleil. Appelé à prononcer son discours, le guide libyen, en tenue traditionnelle berbéro-africaine, a apostrophé Amr Moussa : « Le programme nucléaire civil est un droit. Mais… Allah ghaleb (rires dans la salle). Qui va le faire ? Je demande à Moussa comment le faire alors que nous sommes des ennemis les uns por les autres. » Kadhafi s'est même emporté contre l'initiative de paix arabe proposée lors du sommet de Beyrouth en 2002 portant sur la reconnaissance d'Israël en échange d'un retrait des territoires occupés en 1967. « Parce qu'avant 1967, il n'y avait pas de question palestinienne ni d'occupation ? De 1948 à 1967, il ne s'est rien passé ? Alors pourquoi les Palestiniens n'ont pas créé d'Etat entre-temps ? Pourquoi nous n'avons pas reconnu Israël à l'époque ? », a-t-il lancé, alors que Mahmoud Abbas laissait paraître une mine renfrognée. Lui, le Palestinien, il avait d'autres priorités. Lors de son discours, Mahmoud Abbas a demandé aux dirigeants arabes de réfléchir sur la garantie de protection des Palestiniens. Le processus de paix au point mort après le renouvellement des crimes israéliens devra subir une sorte d'audit, selon Amr Moussa. Le secrétaire général de la Ligue souhaite que les ministres arabes des Affaires étrangères se réunissent mi-2009 pour évaluer ce processus depuis la réunion de Annapolis aux Etats-Unis. Il a également accueilli positivement la proposition russe pour une réunion autour du Moyen-Orient à Moscou printemps 2009. Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans son allocution distribuée hier en version écrite, a insisté sur la nécessité des conciliations inter-arabes en « favorisant nos convergences aux dépens de tout autre considération ». Et question convergence, il n'y a pas de quoi se réjouir. Rien qu'en examinant la question libanaise, quasiment évacuée des débats, l'on se rend compte des fractures abyssales entre parties arabes. Lors d'une allocution télévisée vendredi la veille du sommet, le chef du gouvernement libanais, Fouad Seniora, a accusé la Syrie de jouer « un rôle prépondérant » dans le blocage politique interne dans un pays en attente d'un nouveau président depuis plus de quatre mois. « Au contraire », a répondu le président Al Assad hier lors de l'ouverture du sommet : « Les pressions exercées sur la Syrie depuis plus d'un an, qui se sont accentuées ces derniers mois, visaient à la faire intervenir dans les affaires intérieures libanaises. » Autant dire qu'encore rien n'est réglé au Liban. Encore moins entre le Liban et la Syrie. Ou entre la Syrie et le couple Egypte-Arabie Saoudite, les trois pays soutenant des parties libanaises adverses. Les travaux du sommet se terminent aujourd'hui dimanche. Le président Bouteflika sera à partir d'aujourd'hui en Egypte pour une visite de deux jours.