La jeunesse se révolte dans le monde arabe. Elle s'insurge contre les régimes vieillissants pour revendiquer le renouveau. La démocratie, la transparence et la citoyenneté figurent en tête des préoccupations de ces nouvelles générations qui n'entendent pas se laisser faire comme leurs aînées. Les systèmes autoritaristes, sous l'extraordinaire poussée de la rue, tombent comme des châteaux de cartes. En Tunisie, le régime policier de Ben Ali s'est complètement effondré. L'autocrate et ses complices ont lâchement fui le pays qui s'emploie, désormais, à mettre en place les fondements d'une ère nouvelle. La justice, l'alternance au pouvoir, l'équilibre régional et le respect des droits de l'Homme sont autant de dossiers examinés par les instances transitoires. En Egypte, la dynastie des Moubarak vacille après trente ans de règne sans partage. Assiégé de toutes parts par des foules juvéniles assoiffées de liberté, le dernier pharaon se prépare également à déguerpir. Le peuple égyptien est définitivement résolu à tourner la page pour prendre dorénavant son destin en main. L'éradication de la corruption dans toutes ses formes, l'instauration de la justice sociale, la séparation des pouvoirs, la restauration des institutions républicaines et le respect des libertés collectives et individuelles sont autant de questions soulevées par une jeunesse moderne, dynamique et franchement réfractaire à la tyrannie. Le vent de la liberté souffle simultanément sur le Yémen. Ali Abdallah Salah, qui cumule aussi trois décennies aux commandes, est dans la ligne de mire de l'insurrection juvénile qui aspire à mettre en place un véritable Etat de droit. Même topo au Soudan où les étudiants ont déjà donné le «la» aux manifestations de mécontentement. Le «sultan» Bachir est implicitement prié de «dégager» pour permettre au pays de renaître. La Jordanie vit au rythme des cortèges et des défilés de contestataires qui réclament de profondes réformes institutionnelles. Le Liban bouge. La junte militaire au pouvoir en Mauritanie tremble. Le potentat libyen, l'un des plus vieux dinosaures encore au pouvoir, ne sait plus sur quel pied danser. Le «souverain» syrien se démène comme il peut pour se maintenir. Les monarchies du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, s'affolent déjà. C'est le sauve-qui-peut. Les puissances occidentales, qui ont soutenu ces régimes et en ont profité, tentent de sauvegarder leurs intérêts en changeant faussement leur fusil d'épaule. Les islamistes et les oppositions traditionnelles affichent un profil bas devant cette lame de fond qui semble décidée à tout remettre à plat pour repartir du bon pied. L'année 2011 s'annonce bénie pour la jeunesse arabe qui doit cependant veiller au grain pour ne pas se laisser déposséder de sa magnifique «révolution». Ce majestueux sursaut de dignité est incontestablement une gigantesque œuvre juvénile et il appartient aux jeunes d'accompagner son parachèvement institutionnel. Sur le plan intérieur, des hordes d'opportunistes et de démagogues guettent la moindre faiblesse pour retourner la situation à leur avantage exclusif. A l'étranger, malgré un semblant de solidarité, cet effort salutaire n'est pas pour plaire aux grandes puissances qui tirent depuis toujours de gros avantages de la faiblesse, voire de l'illégitimité des régimes arabes. Cette mobilisation exemplaire doit absolument s'inscrire sur le long terme pour déjouer les traquenards et les déviations susceptibles de détourner ce fleuve tranquille de son objectif premier : la modernisation du monde arabe. C'est dans les cinq ou les dix prochaines années qu'on jugera du succès ou de l'échec de cette dynamique. Il ne faut surtout pas crier victoire trop vite. K. A.