Depuis quelques mois, plusieurs acteurs de la scène footballistique ont commencé à évoquer la nécessité d'aller vers un championnat à blanc, unique moyen, selon eux, de mettre en œuvre une véritable réforme du sport roi en Algérie. Il est vrai qu'en regardant de plus près ce qui se passe régulièrement dans nos stades -et là on pourrait faire référence à toute la tension qu'il y a eu autour du match de la 37e journée de la seconde division ayant opposé, au stade Benhaddad de Kouba, le RCK à l'USMH, aux accusations de corruption du président de l'OMR, Malek Attia envers des dirigeants du MCO ou encore au dirigeant du MSPB qui a été pris, à Béjaïa, la main dans le sac en tentant de corrompre le gardien du MOB et beaucoup d'autres affaires- l'idée pourrait en séduire plus d'un. Le football national s'est tellement dégradé qu'on ne peut plus regarder un match. En plus du niveau et des prestations des différentes équipes qui, en général, laissent à désirer, les scènes de jets de projectiles et d'agressions dans certains cas font partie, désormais, du décor, dans nos enceintes sportives. Et quand les supporters entendent tous les présidents de leurs clubs dire à l'unanimité que la corruption existe dans notre championnat, il est tout à fait normal qu'ils soient, par la suite, désemparés au point de souhaiter qu'il n'y ait plus de championnat, que d'assister à une telle «mascarade». Récemment encore, les téléspectateurs de l'ENTV ont eu droit, en direct, à un match des plus suspects en matière d'«arrangement». Des choses qui, ailleurs, sont automatiquement sujet à une enquête alors que, chez nous, il n'y a même pas eu de «commentaires» de la part des responsables des instances footballistiques. Il est vrai que dans pareils cas, il n'y a jamais de «preuves», mais il y a toujours moyen de pousser les dirigeants des clubs, qui sont responsables de ces agissements, à faire preuve de plus de sérieux et d'éthique. Il est impossible de continuer dans cette voie. C'est pour toutes ces raisons, que le championnat à blanc est passé d'une simple idée en l'air à un appel pressant incontournable pour la réforme du football. Mais est-ce vraiment le cas ? Il y a quelques jours, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Hachemi Djiar, a dit, lors de son intervention de clôture du «brainstorming sur le football national» organisé les 17 et 18 mai derniers, ne pas comprendre comment, dans les recommandations des différents ateliers, il n'y a pas eu un seul mot qui fait allusion au championnat à blanc. C'est dire que le ministre tenait vraiment à cette question. Cela n'a pas été forcément l'avis des participants aux six ateliers qui ont préféré l'ignorer complètement. Il est vrai que dans les recommandations, les spécialistes, les entraîneurs et les dirigeants de club ont évoqué tous les aspects pour une réforme du football, allant des textes qu'il faut amender ou élaborer pour un meilleur fonctionnement des équipes jusqu'à la formation soit des joueurs ou des coaches, mais, sans jamais passer par un championnat à blanc. En vérité, l'idée n'a jamais fait l'unanimité au sein de la famille footballistique. Ceux qui la défendent se comptent souvent parmi les patrons des clubs qui ne jouent pas en général les premiers rôles dans le championnat. C'est normal, dira-t-on, puisque ces clubs n'ont rien à perdre. Bien au contraire. Une équipe déjà reléguée, ou qui joue la relégation a tout à gagner d'une telle démarche. Cela représente, quelque part, une sortie honorable pour elle. Ce qui ne serait jamais le cas d'un club qui joue les premiers rôles dans le championnat et qui aspire, pour la saison d'après, à prendre part à une compétition internationale. D'ailleurs, pour ne prendre que la JSK, son premier responsable, Moh Cherif Hannachi, s'est dit foncièrement contre une telle idée. Il l'a même trouvé «saugrenue». Comment pourrait-on réformer le football sans l'esprit de compétition ? Telle est la question que se posent, par ailleurs, les détracteurs d'un championnat à blanc. En football, comme dans tous les autres sports, l'évolution et la performance sont le résultat de la concurrence. Peut-on imaginer un seul instant un coureur de 1 500 mètres qui ne fait que s'entraîner sans pour autant prendre part à des compétitions officielles ? Un match non officiel sera-t-il pris au sérieux comme si c'était une compétition à enjeux ? Pas évident du tout. L'absence de compétitions pose une réelle problématique pour tout sport dans la mesure où l'athlète, footballeur ou autre, ne se donne jamais à fond quand il sait qu'il ne s'agit que d'un match amical. Cela d'un côté. De l'autre, est-ce que réellement on en est arrivé à un stade ou l'on ne peut «réformer» sans passer par un championnat à blanc ? La réforme, c'est de changer les choses en profondeur de telle sorte qu'elles s'améliorent, dit-on. Pour être plus précis, les clubs sont-ils condamnés à passer par un championnat à blanc pour pouvoir se «réinvestir» dans la formation des jeunes ? Pour plusieurs clubs, la réponse est claire : l'Etat n'a qu'à investir plus, en termes d'infrastructures et de moyens financiers, pour que les clubs arrivent à former, tout en continuant à prendre part aux compétitions officielles. Il est vrai que là, il y a un autre problème relatif au personnel footballistique national, habitué aux comportements et à la gestion que l'on sait. Et c'est pour cela, d'ailleurs, que les différents responsables de l'Etat hésitent à débloquer plus d'aides financières pour les clubs. Ils ne peuvent pas, et c'est légitime, ajouter de l'argent à un club dont la gestion est plus que «louche». Mais, à ce propos, il faut dire que même dans le cas d'un championnat à blanc, avec le même personnel footballistique, le résultat serait tout aussi décevant. En fin de compte, c'est un cercle vicieux. En dernier lieu, il faut dire que, même si l'idée d'un championnat à blanc ne fait pas l'unanimité au sein de la famille du football, cette démarche a néanmoins commencé à faire son chemin. Mais pour la concrétiser, ou la rejeter une fois pour toute -parce qu'il ne faut pas non plus continuer dans une démarche qui ne réunirait jamais assez de «oui» pour la mettre en œuvre- il faut qu'elle soit débattue le plus sereinement possible en présence du plus grand nombre d'acteurs de la scène footballistique. Sinon, cela ne sera qu'une simple «polémique» sans lendemain… A. A.