Dans cet entretien, Mohamed Aziz Derouaz, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports et artisan de la gloire du handball algérien, livre son approche de la réforme du sport en général en plaidant pour une démarche globale qui ne se limiterait pas au seul département de la jeunesse et des sports. Liberté : Le président de la République a déclaré vouloir prioriser, au cours de ce 3e quinquennat, la gestion du dossier jeunesse. Le ministère de la Jeunesse et des Sports a un rôle minime à jouer dans sa configuration actuelle. Pensez-vous qu'une réforme ou une restructuration est nécessaire pour élargir ses prérogatives en la matière, afin de garantir un apport substantiel à la réalisation des engagements présidentiels ? Aziz Derouaz : Votre question renvoie à un vieux débat qui revient régulièrement lorsqu'il est question d'organisation du gouvernement, notamment pour donner à la jeunesse toute la place qu'elle doit occuper dans les préoccupations des pouvoirs publics. Il y a des partisans de la séparation des deux sous-secteurs et on parle d'ailleurs souvent d'un ministère de la jeunesse et d'un secrétariat d'Etat au sport. En fait, en ce qui me concerne, j'ai eu déjà à m'exprimer sur la question et mon point de vue, à l'époque où j'avais l'honneur de diriger le secteur, était que nous étions en charge d'une partie du temps libre des jeunes. Ce qui veut dire qu'il semble impossible d'enfermer la jeunesse dans un secteur, quand bien même la volonté de donner à ce secteur les moyens qui lui sont nécessaires serait affichée. Bien avant cela, et lorsque j'étais en charge du Conseil supérieur de la jeunesse qui était un organe consultatif, j'avais recommandé une modification de ses statuts afin de le réformer pour lui donner une force exécutive sous la présidence du chef de gouvernement à l'époque. Considérant que plusieurs départements ministériels sont directement concernés par la question de la jeunesse, je suis convaincu que la relation horizontale existant à l'intérieur d'un gouvernement ne concoure pas efficacement à la réalisation des programmes ; les décisions à prendre nécessitent parfois des arbitrages. Aussi, une autorité verticale directe sur ce large domaine m'apparaissait intéressante à concevoir, ne laissant plus la place à un président du Conseil, mais à un président délégué. Bien entendu, et concernant le domaine particulier du sport, il ne s'agit pas tant d'une question d'organisation gouvernementale, mais plutôt d'un problème de moyens et de stratégie. Ce qui semblait être la mise en orbite du sport a commencé avec les jeux méditerranéens jusqu'à la moitié des années 1980, en passant par les dates historiques, quand l'équipe nationale de football a battu l'Allemagne et quand l'équipe nationale de handball a battu la France avec un écart, tout aussi historique, de 9 buts. Comment cela avait été possible et pourquoi cela n'arrive plus depuis plus de 20 ans ? Effectivement, avec la stratégie d'organisation de 2 compétitions régionales majeures, à savoir les Jeux méditerranéens de 1975 et les jeux Africains de 1978, et les mesures prises à l'époque en faveur d'une mutation de la pratique sportive par rapport aux pratiques et statuts hérités de la colonisation, je cite successivement le regroupement permanent des espoirs sportifs du pays, à l'exemple du Creps Ghermoul, de la nouvelle dynamique insufflée par le code de l'EPS, puis de la réforme sportive de 1977, le niveau de performance de notre élite a rapidement atteint des pics de performance inconnus jusque-là. Le volume horaire d'entraînement atteint par les sportifs de haut niveau, en club d'une part et au sein des équipes nationales d'autre part, a permis à tous ceux qui ont travaillé, en profitant de ces moyens, d'accéder au niveau international et d'enregistrer des résultats honorables pour le pays, voire de premier plan. Ceci était bien entendu rendu possible par les mesures réglementaires qui accordaient aux athlètes une certaine sécurité, soit pour leur formation scolaire ou universitaire, soit professionnelle, confortées progressivement avant d'atteindre ce qui fut un exemple régional avec l'intégration des sportifs de performance dans les entreprises publiques économiques. Concernant le football, c'est l'école militaire de l'EPS qui fut le support principal sur lequel s'est appuyé l'EN avec la même logique, des conditions maximales à offrir, jusqu'à ce que le relais soit pris par les Associations sportives de performance. Donc, pour revenir au cœur de votre question, ce qui fit les “beaux jours” des sports collectifs et la base du futur décollage des sports individuels plus tard, médaillés olympiques entre autres, c'était le résultat d'une stratégie d'une part et de mobilisation de moyens réglementaires et matériels qui étaient déjà une première réponse à la question “du statut réservé aux sportifs afin de se consacrer pleinement à la pratique sportive avec un volume horaire à la hauteur du volume consacré par les autres athlètes de haut niveau à travers le monde”, d'autre part. Certes, les mutations économiques du milieu des années 1980 ont contraint les pouvoirs publics à renoncer à la politique de la réforme sportive de 1977, mais le problème, c'est que nous nous sommes totalement éloignés de la philosophie de cette réforme, et bien que des moyens financiers conséquents aient été mobilisés pour continuer à “rémunérer” les sportifs, c'est dans un cadre réglementaire sauvage et porteur de toutes les dérives que cela s'est fait, sans observer les mêmes mutations qui se sont imposées ailleurs dans le monde et prise en charge par la même réponse statutaire adéquate, à savoir le professionnalisme. Bien entendu, beaucoup d'autres problèmes se sont posés en même temps, notamment la quasi-disparition du sport scolaire, vivier naturel du sport de haut niveau, du fait de la non-prise en charge par le secteur de l'éducation nationale de ce qui devenait sa seule responsabilité (l'EPS), après la séparation des personnels entre les 2 ministères et l'arrêt de la formation des enseignants d'EPS par le secteur de la jeunesse et des sports. L'éducation nationale n'a pas pris le relais. On pourrait dire encore beaucoup de choses. Oui, mais vous avez parlé de stratégie dans les années 1970 avec notamment l'organisation de deux grands évènements régionaux. Est-ce à dire qu'il n'y en a plus depuis ? Je ne peux me permettre de jeter la pierre, mais je dirai que si effectivement dans les années 1970, notre pays a su se placer parmi les nations ambitieuses à la pointe du sport régional avec l'organisation de ces évènements, il faut admettre que c'est de la sorte que le développement sportif devient réalité, avec notamment la réalisation des infrastructures sportives et d'accompagnement qui deviennent ensuite les piliers des succès futurs. Il convient de rappeler que c'est à cette occasion que fut réalisée la cité olympique et qu'elle demeure jusqu'à ce jour la seule infrastructure nationale d'envergure, capable de participer à un projet de dimension mondiale. Lorsqu'en 1997, nous avions élaboré un plan de relance du sport pour le pays et que nous avons notamment jeté les bases du professionnalisme, nous avions également pensé à déposer 2 candidatures à des évènements régionaux, à savoir les jeux Panarabes de 2003 (qui ont eu lieu en 2004) et les jeux Africains de 2007. Nous avions également sollicité et soutenu les fédérations pour qu'elles se portent candidates à l'organisation de championnats d'Afrique et arabes, afin de replacer l'Algérie dans le concert des nations. La Fédération nationale de hand-ball de l'époque avait même demandé et obtenu l'organisation d'un championnat du monde espoirs. Tout ce chantier était lancé, bien entendu, afin de placer notre pays parmi les nations susceptibles de postuler à l'organisation d'une compétition mondiale majeure dans les années 2015 à 2030. Une candidature pour les jeux Méditerranéens, dans le prolongement des 2 manifestations régionales organisées en 2004 et 2007, aurait été la suite logique de cette démarche et un bon point d'appui à des ambitions ultérieures. Il va de soi que ceci n'ayant pas eu lieu, nous devons probablement reporter nos futures ambitions au-delà des années 2030. Avant que la FIFA n'impose le professionnalisme,vous aviez, en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports, engagé une réflexion et même un début de mise en œuvre d'un projet de professionnalisation. Voulez-vous donner aux lecteurs de Liberté les contours de ce projet ? Effectivement, et conséquemment aux évidences évoquées à la question précédente, j'ai la conviction qu'il est indispensable de donner aux acteurs du sport de haut niveau un cadre réglementaire adéquat, “non hypocrite” et qui rejoigne ce qui se fait à travers le monde. Nous avons élaboré une stratégie qui concrétise les avancées déjà introduites dans la loi permettant la création de clubs professionnels et qui introduise, effectivement, ce statut au profit de nos athlètes de haut niveau. Il s'agissait de commencer par le football, en précédant le côté réglementaire par une action d'organisation de la compétition du championnat national qui a permis de dégager 12 équipes dans une division qualifiée de superdivision. Un cahier des charges a été élaboré ; il obligeait les clubs candidats au professionnalisme à respecter un certain nombre d'obligations, dont certaines avec un délai maximum de 3 années et d'autres, comme celle relative à l'infrastructure avec 2 années supplémentaires. Bien entendu, ce dossier était soutenu par une action gouvernementale multisectorielle, puisque une commission rassemblant tous les secteurs devant avoir un rôle direct ou de soutien au processus de professionnalisation, se réunissait régulièrement, afin d'apporter les mesures indispensables, touchant par exemple à la fiscalité, aux concessions d'infrastructures, à la formation scolaire, universitaire ou professionnelle des sportifs, à la prise en charge médicale, au sponsoring, etc.Il était question, dans un premier temps, d'un professionnalisme d'Etat garantissant la prise en charge et le contrôle des salaires des sportifs et de leur encadrement, comme réponse indispensable à la nécessité de rémunérer les acteurs du sport, dans la transparence et en mettant en place progressivement des normes de niveau. Une place importante était faite aux effectifs “stagiaires dont le processus de rémunération serait ainsi maîtrisé, mais surtout progressif et donc moral”. Il faut arrêter de mentir et de faire croire avec paternalisme qu'on peut pratiquer le sport de haut niveau “comme on le faisait à notre époque”. C'est que disent souvent aux jeunes les nostalgiques de leur propre passé, soit de donner des indemnités qui ne sont pas décentes, déséquilibrées, aléatoires, immorales et surtout hors la loi. Cette réforme a été attaquée par ceux-là mêmes qui y voyaient un empêchement de poursuivre leur gestion en “eau trouble”, sous le prétexte fallacieux et malheureusement relayé, que les conditions n'étaient pas réunies, comme si la Révolution algérienne avait dû attendre que les conditions y soient et que nous ayons les blindés, les avions, etc. Bien entendu, le projet était complet ; il prévoyait pour les athlètes et non pas pour les clubs, les mêmes mesures pour les autres disciplines sportives concernées par un championnat national et entrant notamment dans le classement des priorités définies par le MJS. Pourquoi l'Etat n'a pas été garant de ce projet national après votre départ ? Je pense que c'est le fruit malheureux de la force d'inertie imposée par les dirigeants sportifs évoqués dans la question précédente et qui ont pesé de leur poids pour maintenir une situation de statut quo dans la gestion du football et, par ricochet, malheureusement, sur tout le mouvement sportif national. Observez bien l'actualité récente et à venir du renouvellement des instances sportives nationales et vous constaterez qu'il est clair que pour ceux qui ont la charge de la gestion et du développement du sport, l'enjeu est plutôt de rester en place et de se maintenir à tout prix. Autrement dit, le pseudo amateurisme qui reste le cadre juridique et moral de notre sport a été défendu bec et ongles par ces gens-là, profitant du rôle dans la société, nécessairement reconnu aux associations sportives dont ils se sont servis comme moyen de pression. Il y a, aujourd'hui, un projet de professionnalisation qui serait, dit-on, bien ficelé au niveau de la FAF. En connaissez-vous le contenu et quelle serait, à partir de votre expérience, la meilleure manière de le mettre en œuvre ? J'ai effectivement entendu dire qu'il y a, enfin, un projet de professionnalisme au niveau de la FAF. Il faut dire qu'il est la résultante d'un programme de continuité. Un plan avait été élaboré par cette fédération, il y a plusieurs années. Il est aujourd'hui rendu indispensable dans le cadre d'une dynamique imposée par la FIFA à ses fédérations membres et dont je ne connais pas les détails pour donner un avis complet et éclairé. Mais dès lors qu'il existe, je pense qu'il y a des personnes plus qualifiées que moi pour apporter les éléments de réponse. Je me contente d'affirmer que c'est un passage obligé, outre ce qui peut nous être imposé au niveau international, pour nos propres besoins de moralisation et de contrôle de la circulation de l'argent dans le sport. Le problème n'est pas de faire payer des impôts aux joueurs de football ou autres, mais plutôt d'assurer une transparence et un contrôle. Ceci permet également, et c'est très important, de codifier de façon claire et officielle les droits et obligations des uns et des autres, car tant qu'il s'agit d'une relation de bon vouloir et non de droit, cela conduit à mettre en danger la relation fondamentale du sport de haut niveau entre l'entraîneur et le joueur. L'irrégularité des paiements, le caractère opaque des sommes conclues entre les parties font régner un climat malsain au sein des clubs, qui rejaillit aussi dans la relation avec leurs supporters qui ne comprennent pas les contre-performances inexplicables dues souvent au mécontentement des joueurs. Voilà pourquoi — que nous soyons prêts ou pas pour le professionnalisme — il faut absolument le mettre en place. Nous sommes, quelque part, dans une situation confuse, le sport est officiellement amateur avec des clubs bâtis sur une base associative, mais fonctionnant comme des professionnels (achat de joueurs, salaires faramineux). Le sport, aujourd'hui, n'est ni totalement amateur ni vraiment professionnel. Avez-vous une explication à cela ? Le sport amateur, comme le comprennent tous les pays du monde, n'existe pas ou presque pas chez nous. On parle de sport amateur normalement, lorsque le pratiquant, dans une association sportive, adhère à celle-ci en tant que membre cotisant, quand bien même cette cotisation serait symbolique. C'est la frontière claire entre la pratique sportive intéressée et celle qui rassemble un groupe de personnes qui ont, en commun, l'amour d'une discipline sportive et d'autres valeurs à partager en commun. Lorsque l'Etat a mis en place la réforme sportive en 1977, les différents niveaux de la pratique sportive étaient clairement identifiés et leur prise en charge confiée à différentes institutions. Des dérives sont apparues lorsque la commune n'a pas joué son rôle et rempli sa mission au profit de ses citoyens. L'association sportive communale, censée répondre aux besoins de la pratique sportive de la population, a été organisée selon le modèle des Associations sportives de performance, avec des effectifs limités dans chaque catégorie, ce qui a engendré une pratique sélective au niveau communal, contrairement au droit du citoyen à pratiquer le sport de son choix. Selon ce mode d'organisation, les Associations sportives communales ont eu une politique de résultat. Elles furent confortées par une dérive de la réforme, conduisant les fédérations à faire accéder les équipes au statut d'ASP, en fonction des résultats des championnats. Ceci a progressivement engendré un esprit de compétition malsain et tout ce qui va avec au niveau de communes dont la mission devrait être la formation et l'animation. Ainsi, nos sportifs, depuis leur plus jeune âge et là où ils se trouvent, ont une mentalité mercantile de pseudo professionnels et nous sommes donc dans un pseudo amateurisme. Pour les initiés, l'Algérie ne forme plus dans la médecine du sport et dans l'encadrement spécialisé de l'éducation physique et sportive. Pourquoi, selon vous, sommes-nous arrivés à une telle situation ? J'ai déjà évoqué dans une question précédente l'abandon par d'autres départements ministériels ce qui leur revenait comme mission, redistribuée dans le cadre de la réforme sportive de 1977. C'est donc le cas de la formation des enseignants d'EPS qui a disparu lorsque le MJS a réformé la formation du secteur, devenue spécialisée, afin de répondre à ses propres besoins dans le haut niveau. Dans le même temps, les personnels gérés à l'époque par le MJS ont eu le choix entre les 2 ministères. Le ministère de l'Education nationale a réformé lui-même sa formation sans prendre en charge l'aspect éducation physique et sportive. L'EPS est restée dans les emplois du temps et devenue un enjeu de débats épisodiques pour déterminer combien d'heures par semaine devrait-on lui consacrer et de son caractère obligatoire ou aléatoire. Mais plus jamais jusqu'à l'apparition de l'IEPS (formation de licenciés en sport, insuffisante quantitativement). On a songé à répondre à la question simple : “qui peut encadrer l'EPS dans le monde scolaire ?” Concernant la formation de médecins du sport, faut-il rappeler le choix fait par les pouvoirs publics de transformer le Centre national de médecine du sport, centre d'avant-garde au plan régional dans le domaine, en hôpital de chirurgie cardiovasculaire. Si je ne peux me permettre d'émettre un avis sur l'opportunité d'une telle décision, il est évident que depuis la médecine du sport est devenue le parent pauvre du domaine médical, la formation en a souffert, tout comme le soutien qui était apporté à la préparation de l'élite nationale par le biais des contrôles médico-sportifs. Il est dommage que tellement de temps ait été consacré, depuis, à la question de la lutte contre le dopage dans les projets évoquant le domaine, mais si peu à la relance de la médecine du sport avec les moyens et la stratégie qui étaient à la base de la création du CNMS. Nous pouvons affirmer par contre que les spécialistes qui ont été formés dans notre pays, tant en médecine du sport que comme techniciens kinésithérapeutes, ont une compétence avérée et énormément sollicitée à l'étranger, ce qui nous pose également le problème du départ de ces cadres vers les pays du Golfe en particulier ; ainsi, sur le terrain, et même au niveau des clubs réputés les mieux organisés, on trouve des médecins généralistes en lieu et place des spécialistes en nombre insuffisant. Vous avez évoqué “un professionnalisme d'Etat”. Qu'entendez-vous par là et ne pensez-vous pas qu'à notre époque, c'est le sponsoring et non plus l'Etat qui doit être le recours pour le sport de haut niveau ? Il s'agit bien là d'une grande question. Mais mettons d'abord de l'ordre, si vous voulez bien. Nous avons d'abord posé le préalable qu'il faut cesser l'hypocrisie et appeler “un chat un chat”. Dès lors qu'il est établi qu'il faut payer les sportifs de haut niveau — et je précise donc ici qu'il ne peut s'agir seulement du football — on appelle cela professionnalisme. Dès lors, il faut trouver les moyens afin de financer tout cela et autant que possible en respectant les chances de tous ceux qui peuvent ou qui doivent accéder à ce statut. Je ne pense — et cela n'est un secret pour quiconque — que l'environnement économique de notre pays n'est pas encore à la hauteur de ce qui peut permettre de dégager les moyens financiers indispensables pour prendre en charge notre ambition, a fortiori lorsque notre projet était en chantier, c'est-à-dire en 1997/98. Il n'y a plus que quelques entreprises publiques d'envergure capables de dégager des moyens financiers, dans ce que nous appelons sponsoring, et qui est dans la majorité des cas du mécénat. Au niveau des grandes entreprises privées, faites-vous même l'énumération et vous verrez bien que vous aurez fait le tour rapidement. Alors, il est indispensable que l'Etat couvre la phase de démarrage pour se rapprocher le plus possible de l'égalité des chances et de s'associer constamment au développement économique national pour les phases ultérieures d'évolution de notre professionnalisme. Cela devrait permettre par exemple qu'“un handballeur de 18 ans de Saïda ou de Skikda ne soit pas obligé de joindre Alger afin d'envisager la réussite sportive et sociale, mais reste le plus longtemps possible dans son environnement naturel”. Seul l'Etat peut être garant de cette égalité des chances. Parmi les problèmes ayant engendré la régression de notre sport, vous avez évoqué la disparition du sport scolaire. Quelles autres raisons importantes pourriez-vous développer ? Nous pouvons citer, sans ordre établi, la dérive progressive engendrée par la suprématie des résultats des championnats sur les critères d'éligibilité à la qualité d'association sportive de performance. Je rappelle brièvement que pour être ASP, une association sportive devait réunir des conditions d'environnement qui garantissent aux athlètes l'accès à la formation et aux infrastructures sportives et d'accompagnement qui donnent les mêmes chances à tous les athlètes engagés dans le processus. Dès lors qu'on a renoncé au respect de ce cahier des charges informel pour privilégier le classement sportif illusoire comme condition d'évolution dans le haut niveau, on s'est éloigné de la rigueur et des objectifs à atteindre. Nous sommes arrivés à avoir un village de 700 habitants en nationale 2 du championnat de football et candidat à l'accession en DI par le miracle de circonstances et moyens que je préfère ne pas évoquer ici. Le départ en nombre et à flux régulier d'une grande partie de notre potentiel d'encadrement vers d'autres cieux. Il est évident que la notoriété obtenue par notre sport dans les années 1970/80 devait attirer les responsables sportifs du pays jaloux de nos succès, conscients des moyens que s'était donné notre pays par sa réforme sportive et auxquels il suffisait de cueillir les fruits de ce travail pour leurs générations futures. Il faut savoir que dans notre pays, à l'exception de quelques dizaines d'entraîneurs de football inscrits, sans difficulté, par la loi du nombre sur les tablettes des dirigeants de clubs et gagnant leur vie confortablement, les cadres des autres sports ne peuvent que rêver d'aller ailleurs lorsqu'ils le peuvent, du fait de la différence disproportionnée entre ce à quoi ils accèdent et leur salaire ou indemnité locale. La dérive par rapport à la philosophie de la réforme de 1977, de l'organisation du sport au niveau de la commune est aggravée par la poursuite de la même logique de compétition en lieu et place du rôle d'animation qui revient naturellement aux collectivités locales. De ce fait, la base de pratiquants sportifs est restée dérisoire, malgré l'évolution numérique de la population. Le fait que les structures censées êtres responsables de l'éveil à la pratique sportive comme l'école, le CEM, le lycée et la commune avaient failli à leur mission a engendré une désaffection des jeunes, qui sont davantage spectateurs, supporters que sportifs pratiquants. Les anciens dirigeants sportifs bénévoles, ayant abandonné au moment de la réforme de 1977, ne sont pas revenus où ils ont été délibérément éloignés des affaires sportives ; c'est donc une nouvelle race de dirigeants qui est apparue après 1989 et on a assisté à un appauvrissement continu des capacités d'encadrement et de gestion des fédérations et de leurs démembrements (ligues). Ces dirigeants ne peuvent qu'attendre les subventions de l'Etat (ministère et wilaya) pour réaliser leurs programmes et de ce fait, les meilleurs d'entre eux sont contraints à des choix douloureux, par exemple préparer les seniors ou la relève.