«Linping !» s'exclame un petit garçon dans les bras de sa mère, en pointant du doigt l'enclos de l'unique bébé panda géant de Thaïlande. L'objet de son affection : une des plus grandes stars du pays, avec des millions de fans et une chaîne dédiée de télé-réalité. Qu'elle dorme - très souvent - ou qu'elle mâche du bambou, «Panda Channel» diffuse en direct, 24 heures sur 24, la jeune femelle. Et comme ses mouvements sont rares, ils font l'objet d'un flash spécial, diffusé deux fois par jour. Une célébrité exceptionnelle, à laquelle Linping a droit depuis sa naissance. Et même avant. Les Thaïlandais l'attendaient impatiemment avant sa naissance, suivant jour après jour les efforts du zoo de Chiang Mai (Nord) pour convaincre ses parents de s'accoupler. Depuis les vidéos «pornos» de pandas en pleine extase, jusqu'au régime du mâle Chuang Chuang censé lui redonner de la vigueur. Mais les pandas géants sont connus pour leur faible libido. Et les responsables du zoo ont dû se résoudre à une insémination artificielle. Avec succès cette fois, dès la seconde tentative. Lin Hui, huit ans, a finalement donné le jour à une femelle en mai 2009. La célébrité n'a pas tardé : le concours lancé pour lui trouver un nom a reçu 22 millions de réponses. Et quelques éléphants et crocodiles se sont retrouvés peints en blanc et noir en son honneur. L'immense popularité de Linping l'a propulsée dans le gratin des célébrités mondiales à poil, à plumes ou à ventouse, comme l'ours polaire Knut en Allemagne, ou Paul le poulpe, céphalopode médium mort en octobre après avoir prédit les résultats du Mondial de football. Mais le conte de fées pourrait toucher à sa fin. La Chine, qui a prêté les parents au zoo pour dix ans en 2003, a le droit de récupérer la déesse à poil long lorsqu'elle fêtera ses deux ans, en mai prochain. Le zoo espère pouvoir négocier un séjour plus long, mais après la visite de délégations chinoises récemment, il semble qu'aucune décision ne sera prise d'ici mai. «Si c'est non, nous devrons essayer encore. Nous continuerons à nous battre. D'abord nous demanderons pourquoi et nous essaierons d'améliorer ou de régler le problème», indique Prasertsak Boontrakulpoontawee, responsable du projet sur l'étude des pandas en Thaïlande. «Les Thaïlandais aiment tellement Linping», poursuit-il, notant que, depuis sa naissance, le zoo a augmenté son nombre de visiteurs de 30 à 40%. L'établissement a également demandé au gouvernement une subvention de 28,5 millions de bahts (environ 670 000 euros) pour construire une coupole climatisée au-dessus du terrain de jeu du mammifère. A plus long terme, il espère pouvoir faire naître un nouveau bébé et mettre en place un centre de recherche sur cet animal qui fait partie des espèces les plus menacées de la planète. A peine 1 600 pandas vivraient en Chine en liberté. «Linping est le premier bébé panda né en Thaïlande. Quoi qu'elle fasse, elle a notre attention. C'est comme élever notre propre enfant parce que nous la voyons tous les jours, comment elle grandit, se développe et joue», ajoute Prasertsak. «Linping est une super star depuis sa naissance. Elle rend les gens heureux», renchérit Anuwong Wongwichian, responsable des gardiens des pandas au zoo de Chiang Mai. «Elle est joueuse et parfois butée.» Mais, malgré ce caractère retors, les huit employés qui s'occupent d'elle et de ses parents sont souvent rejoints par de fiévreux bénévoles. «Quand j'ai entendu parler de ce programme de bénévolat, j'ai vite postulé», explique Chalasai Kanlaipun, venue de Bangkok. «J'ai Panda Channel (...) et je la regarde tous les jours quand je reviens du travail», assure-t-elle. «Je continuerai à la regarder grandir parce que je veux savoir à quoi elle ressemblera quand elle sera adulte.» K. M.