Photo : M. Hacène Par Samir Azzoug Les réformes engagées par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dans le secteur depuis 2003 suscitent de plus en plus de polémiques. La substitution expresse et sans «préavis» du système anglo-saxon LMD (licence, master, doctorat) à celui dit classique a contribué à perturber une communauté estudiantine dont la vie était déjà assez compliquée. Trop précipitamment généralisé, pas totalement maîtrisé, le système LMD, qui tend à s'universaliser (la communauté européenne est en pleine phase d'harmonisation de ses universités selon ce modèle) rencontre pas mal de résistances principalement chez les étudiants. Le noyau de mécontentement se trouve parmi les universitaires issus du cursus classique qui dénoncent le manque de clarification en matière d'équivalence de leurs diplômes vis-à-vis des nouveaux, ainsi que les blocages, les difficultés d'accès ou la suppression de certaines spécialités en post-graduation. Tout au long de l'année, des collectifs et associations d'étudiants n'ont cessé de harceler leurs administrations pour débloquer l'accès à la post-graduation dans certaines spécialités du cursus classique ou la réorientation dans le nouveau. La semaine écoulée, les manifestations d'étudiants se sont succédé pour dénoncer des incohérences qui mettent en péril parfois le devenir de tout un cursus. Des rumeurs faisant état de la suppression, tout simplement, du diplôme d'ingénieur, ont provoqué leur colère. Ce qui obligera le ministère de tutelle, après l'accueil de représentants de manifestants qui ont pris d'assaut son siège, à produire une note adressée aux directeurs des écoles préparatoires et des écoles nationales supérieures, précisant : «En réponse aux préoccupation des étudiants des écoles préparatoires et de certaines écoles nationales supérieures au sujet du diplôme sanctionnant leurs études, le ministère de l'Enseignement supérieur tient à affirmer que le diplôme d'ingénieur d'Etat reste toujours en vigueur. Mieux, la valorisation du diplôme d'ingénieur d'Etat est prise en charge en conformité avec la démarche de qualité des diplômes d'enseignement supérieur et dans l'optique d'assurer leur meilleure employabilité dans l'ensemble des secteurs d'activité.» Mais pourquoi en est-on arrivé là ? C'est le manque de communication et de visibilité qui conduit à ce genre de clash entre les étudiants et les centres de décision. Le 9 février derniers, des centaines d'étudiants issus de l'Ecole supérieure d'informatique (ESI), de l'Ecole nationale des travaux publics, de l'Epau et de l'Ecole nationale d'agronomie se sont rassemblés devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur pour dénoncer un décret présidentiel, le n° 10-315, fixant les grilles indiciaires des traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires, paru au Journal officiel le 15 décembre 2010 et qui classe les ingénieurs au même échelon que les masters niveau I, à la 13. Alors qu'ils revendiquent l'échelon 14 avec les diplômés du master 2, dont le cursus correspond en termes d'années à bac + 5. Mais le malaise est plus profond que cela. Il ne s'agit pas seulement d'un classement sur une grille, mais de toute la visibilité d'un secteur stratégique, l'enseignement supérieur, et la transition qui posent problème. Depuis la réforme, 16 écoles nationales, 5 écoles normales supérieures, 10 écoles préparatoires et 2 écoles préparatoires intégrées ont vu le jour, avec à la clé la recherche de la qualité de l'enseignement avec une nouvelle opération d'évaluation nationale des établissements universitaires. Mais avant de valoriser les universités et d'ériger des pôles d'excellence, il faudra d'abord valoriser les diplômes et, par ricochet, les diplômés. Là est la question que se posent beaucoup d'étudiants : «Finalement, que vaut mon diplôme ?»